Les 9 propositions de loi insoumises largement soutenues par les Français mais… toutes rejetées à l’Assemblée

Ce 6 mai 2021 a eu lieu la niche parlementaire de La France insoumise (LFI), seul jour de l’année où les insoumis peuvent défendre leurs propositions de loi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Cette année, ces propositions de loi étaient au nombre de neuf : taxe sur les profiteurs de crise, extension du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, garantie d’emploi, parrainage citoyen à l’élection présidentielle, proportionnelle aux élections législatives, limitation des impacts négatifs de la publicité, interdiction des fermes usines, simplification de la reconnaissance des blessés psychiques de guerre, création d’un domaine public dans les arts et la culture. Neuf propositions de lois soutenues par 75% des Français. Un plébiscite. Bilan ? Toutes rejetées par la majorité macroniste. Retour sur une journée mouvementée durant laquelle les murs de l’hémicycle ont vibrés.

« Pourquoi avoir peur de donner la parole au peuple pour l’élection présidentielle ? » : la proposition de loi de Mélenchon pour les parrainages citoyens à la présidentielle a ouvert le bal

La proposition de loi organique de Jean-Luc Mélenchon instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l’élection présidentielle, a été le premier texte de loi examiné. Il a ouvert le bal d’une niche parlementaire pas comme les autres : Covid19 oblige, l’hémicycle de l’Assemblée nationale était encore plus clairsemé que d’habitude lors de l’ouverture des débats à 9h du matin ce 6 mai 2021. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et sa ministre déléguée Marlène Schiappa, pourtant responsables des questions électorales, étaient absents. C’est par la voix de Brigitte Klinkert, ministre déléguée à l’Insertion auprès de la ministre du Travail, que le gouvernement a refusé cette première proposition de loi insoumise, prétendant que cette nouvelle procédure exclurait certains candidats à l’élection présidentielle.

Comme en commission des Lois, les députés communistes ont quant à eux voté le texte, soutenu également par les groupes socialistes et le collectif Ecologie Démocratie Solidarité (EDS). Le groupe UDI a déclaré qu’il ne s’y opposerait pas. Ainsi, en comptant le groupe insoumis, 5 formations politiques de l’Assemblée nationale ont soutenu l’instauration des parrainages citoyens à l’élection présidentielle, proposition issue du rapport d’une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin.

Les autres groupes sont restés dans des postures caricaturales. Pour Les Républicains (LR), la proposition serait un coup de marketing politique à l’approche de 2022, Jean-Luc Mélenchon étant déjà annoncé candidat. Au cours des débats, de nombreux députés ont fait mine de ne pas comprendre que ce droit nouveau accordé aux citoyens qui leur permet de parrainer un candidat ne supprime pas la procédure de parrainage des élus actuellement en vigueur. « Pourquoi avoir peur de donner la parole au peuple pour l’élection présidentielle ? » a tonné Jean-Luc Mélenchon, co-rapporteur du texte avec Alexis Corbière.

Alors que 70% des français soutiennent la procédure de parrainage citoyen et qu’elle n’enlève rien à la procédure de parrainages des élus, la proposition de loi n’a pas été adoptée. 

«Ça fait 1 an qu’ils crèvent de faim» : la grosse colère de François Ruffin après le refus du gouvernement d’étendre le RSA aux 18/25 ans

L’examen de la proposition de loi visant à étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans s’est déroulé dans la foulée et s’est poursuivi en début de séance de l’après-midi. François Ruffin, rapporteur de la loi, a rappelé l’état de précarité des jeunes qui va grandissant depuis la crise sanitaire, les files devant les banques alimentaires qui s’allongent, notamment par la perte de petits boulots qui permettaient à beaucoup de compléter leurs revenus avant le Covid. Prenant exemple de la façon avec laquelle la mise en place d’une retraite socialisée avait pu permettre de sortir les personnes âgées des mécanismes de charité familiale, il a rappelé que l’absence de revenus prévus par la solidarité nationale encourageait des inégalités extrêmes entre les jeunes, pas tous nés sous la même étoile.

Le Gouvernement a tenté de se justifier, en disant que des dispositifs comme “un jeune = une solution”, ou la garantie jeune, apportaient des réponses suffisantes, sans s’expliquer sur le fait que le plan “un jeune = une solution” était en réalité une aide apportée aux entreprises. Le gouvernement oubliant de rappeler également que la garantie jeune ne pouvait être attribuée qu’aux personnes ni en emploi, ni en formation. Niant ainsi les difficultés qui heurtent les jeunes étudiants ou en emploi précaire. 

Après avoir adopté des amendements de suppression sur l’ensemble du texte, les propositions de la France insoumise par voie d’amendement de permettre l’extension du RSA à des publics plus ciblés (par voie d’une expérimentation, pour les personnes qui sont sorties d’un dispositif d’aide sociale à l’enfance, pour les jeunes de 18 à 25 ans qui ont effectué des services civiques pendant 1 an) ont aussi été rejeté. Même l’amendement visant à faire en sorte que le RSA jeunes soit institué jusqu’en décembre 2022 fut rejeté, après une argumentation déroutante du gouvernement, selon laquelle les petits frères et sœurs des jeunes qui en bénéficieraient pourraient être… jaloux. Pendant ce temps-là, la jeunesse du pays continue à crever de faim comme l’a rappelé le rapporteur François Ruffin.

La proposition de loi pour limiter les impacts négatifs de la publicité ? Refusée. Circulez, il n’y a rien à voir

La PPL visant à limiter les impacts négatifs de la publicité a été examinée à la suite, au cours de l’après-midi. La rapporteure, la députée Sabine Rubin, a souligné la nécessité d’encadrer la publicité, qui nous incite à la surconsommation avec des messages publicitaires omniprésents dans nos vies : chaque jour, une personne voit entre 1200 et 2200 messages publicitaires. Cette PPL pose les fondements d’une loi Evin sur le climat puisqu’elle a pour objectif d’interdire la publicité numérique et lumineuse ainsi que la publicité pour les produits les plus polluants. Cette PPL répond aussi à un enjeu sanitaire puisqu’elle a également pour but de lutter contre la publicité de produits incitant à la malbouffe, en particulier chez les jeunes. 

Le Gouvernement était représenté par Olivia Grégoire, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable. Elle s’est positionnée contre la PPL préférant miser, une fois n’est pas coutume, sur la responsabilisation individuelle si chère aux macronistes. Olivia Grégoire a salué les «avancées» du projet de loi Climat et Résilience, voté deux jours plus tôt, alors que les avis convergent sur l’insuffisance de ce projet de loi qui se limite justement sur ce point précis à interdire les publicités pour les énergies fossiles et s’en remet, pour le reste, à des «engagements volontaires». On peut penser ici à la «demande» de Bruno le Maire aux groupes du CAC40 de ne pas verser de dividendes en pleine crise sanitaire. Résultat ? 51 milliards d’euros de dividendes vont être reversés cette année. Volontaires.

Comme en commission, si la nécessité de réguler la publicité est partagée par les députés de tous bords politiques, des divergences notables sur la méthode de régulation sont visibles. Des discours souvent caricaturaux ont été tenus par certains députés sur l’«écologie punitive». La République en Marche (LREM), les Républicains (LR), le MoDem, Agir ensemble se sont exprimés contre ce texte, critiquant la méthode reposant sur l’interdiction et se cachant derrière le projet de loi climat et résilience, qui permettrait de faire avancer le débat sur la publicité. Le groupe GDR et le groupe Socialistes se sont abstenus sur ce texte.

Aucun des amendements déposés n’a été défendu. L’article unique a été rejeté avec 22 votes contre et 10 pour.

Face à la crise sociale qui fracasse le pays, de vibrants plaidoyers pour la garantie d’emploi

La PPL Garantie d’emploi, portée par Danièle Obono, a été examinée en séance dans la foulée. Tout comme en commission, de nombreuses réserves ont été émises par différents groupes, notamment au niveau du financement de cette proposition. Cette PPL a pour objectif  d’offrir des garanties à la fois pour les personnes au chômage, mais aussi de permettre la bifurcation écologique et d’assurer des emplois à impact social positif. Le Gouvernement était représenté par Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du Travail, de l’ Emploi et de l’Insertion, chargé des Retraites et de la Santé au travail. La position du gouvernement ? Surprise, en défaveur de la proposition insoumise. Le groupe GDR, et notamment Hubert Wulfranc, s’est positionné en faveur du texte, tout comme les Socialistes et apparentés. LREM , le MoDem et Agir se sont exprimés contre. Le député insoumis Jean-Hugues Ratenon a quant à lui fait trembler les murs, rappelé la crise sociale qui fracasse notre pays et effectué un vibrant plaidoyer pour la garantie d’emploi.

Tous les amendements défendus par la rapporteure, Danièle Obono, ont reçu un avis défavorable du Gouvernement. La députée a pourtant rappelé l’importance et l’opportunité que représentent les secteurs de la bifurcation écologique. Elle a rappelé que le dispositif territoire zéro chômeurs ne concerne que 60 territoires, et que la proposition insoumise est donc bien plus ambitieuse que ce qui existe déjà. L’amendement concernant l’introduction d’un recours administratif a également été rejeté. Danièle Obono n’a pas manqué de rappeler ô combien la question du chômage est importante pour la France Insoumise et que la lutte n’est pas terminée.

La taxe sur les profiteurs de crise, soutenue par 80% des Français, le FMI, l’ONU… balayée d’un revers de main par la macronie

Les débats ont repris dans la soirée avec la proposition de loi visant à instaurer une taxe sur les profiteurs de crise. La rapporteure Mathilde Panot a rappelé le contexte dans lequel elle formule cette proposition : dans le monde 32 multinationales ont réalisé à elles seules 109 milliards de dollars de surprofits pendant la crise. Jeff Bezos, PDG d’Amazon, a vu sa fortune croître de 24 milliards de dollars. En France, alors que 100% des entreprises du CAC40 ont perçu des aides de l’État, elles vont reverser 51 milliards d’euros de dividendes en 2021

Pour rétablir un semblant de justice sociale alors que les plus fragiles sont frappés de plein fouet par la crise que nous traversons, le groupe de la France insoumise propose donc d’instaurer une taxe de 50% sur les surprofits réalisés pendant la crise, par les entreprises réalisant un chiffre d’affaire annuel de plus de 750 millions d’euros. Dans de telles circonstances, le principe d’une taxe sur les profiteurs de crise fait l’objet d’un large consensus, y compris au sein d’instances telles que le FMI ou l’ONU. Cela ne faisait pas non plus débat, quand un dispositif semblable était adopté en 1916, à 470 voix contre 1. 

Pourtant, le gouvernement représenté par Cédric O, s’y est opposé, rappelant sa détermination à poursuivre sa trajectoire de cadeaux fiscaux pour les grosses entreprises. À défaut d’être en capacité d’opposer de véritables arguments, la majorité s’est contenté d’injurier, et de prétendre que les entreprises sont les boucs-émissaires de la France insoumise. Jean-Luc Mélenchon a soulevé l’hypocrisie de cette posture de la majorité, alors que la proposition ne vise qu’une infime minorité d’entreprises, qui s’est engraissée au détriment des plus petites. Ugo Bernalicis a également rappelé que, loin de nuire à l’attractivité de la France, notre mesure y contribuerait en permettant de renforcer les infrastructures ou la formation des salariés. En vain : alors que 80% des français sont favorables à cette proposition des insoumis, elle a été rejetée par la majorité.

70% des Français favorables à la proportionnelle aux législatives ? Avis défavorable.

La proposition de loi visant à intégrer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif, a été le dernier texte a être examiné. Alexis Corbière, rapporteur du texte, a rappelé que le mode de scrutin actuel entretient la mise à distance entre nos concitoyens et leurs représentants, à l’heure où le principal vainqueur des dernières élections est l’abstention. 

En effet, le scrutin uninominal à deux tours, est incapable d’élire une assemblée représentatives des préférences politiques des votants : alors que l’alliance LREM-MoDem, représentait 32,3% des voix au premier tour des élections législatives, elle a gagné près de 60,6% des sièges à l’Assemblée. C’est près du double. A l’opposé, la France insoumise avait rassemblé 11 % de voix au 1er tour mais dispose dans cette législature de moins de 3 % des sièges.

Marlène Schiappa, qui représentait le gouvernement, s’est retrouvée bien à peine pour trouver des arguments à opposer à cette proposition. Elle a notamment avancé qu’une telle proposition serait déstabilisante, dans le contexte de crise que nous traversons. Les députés LREM ont abondé dans sons sens, estimant par exemple que le but d’un mode de scrutin n’est pas tant d’assurer la représentation des opinions politiques, que de permettre au gouvernement d’appliquer sa politique. 

Une vision bien singulière de la démocratie, qui divise cependant au sein de la majorité. Le Modem s’est en effet prononcé en faveur de notre proposition, partageant nos constats et rappelant également que Macron s’était engagé en 2017 à introduire “une dose de proportionnelle”. Loin de tenir cet engagement pour plus de démocratie, le gouvernement a réprimé les droits démocratiques comme jamais auparavant, a souligné Bastien Lachaud. Une promesse non tenue et une position absurde, comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon : ce n’est pas d’une « dose » de proportionnelle dont nous avons besoin, mais une proportionnelle intégrale : un mode de scrutin déjà appliqué pour 1986 et parfaitement conforme aux exigences pratiques et démocratiques.

Malgré la fébrilité du gouvernement sur ce débat, le soutien d’une partie de la majorité et de plus de 70% des Français à la proposition des insoumis, elle a cependant été rejetée.

9 propositions de lois soutenues par 3 Français sur 4 et… toutes rejetées par la macronie

Une étude de l’institut de sondage Harris interactive, publiée ce 5 mai 2021, révèle en effet que 3 Français sur 4 soutiennent les propositions de lois du groupe LFI. Et ce, quelque soit leur proximité politique. Des propositions qui transcendent donc les clivages partisans, mais qui, malgré leur large soutien, ont toutes été… rejetées par la majorité macroniste à l’Assemblée nationale ce 6 mai 2021. Contre l’avis y compris des sympathisants LREM, soutenant largement ces propositions insoumises. Une opposition dogmatique du gouvernement, balayant toute proposition émanant des bancs insoumis.

90% des Français sont ainsi favorables à la garantie d’emploi. 80% des Français sont pour une taxe sur les profiteurs de crise. 2 Français sur 3 sont favorables à l’extension du RSA aux 18/25 ans. 70 % des Français pour l’interdiction des publicités numériques et lumineuses. 60% des Français sont favorables à l’interdiction des « fermes‑usines ». 70% des Français sont pour l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives. 70% des Français sont pour les parrainages citoyens à la présidentielle. 96% des Français pour une meilleure reconnaissance et un meilleur accompagnement des blessés psychiques de guerre. Enfin, 76% des Français se déclarent favorables à l’instauration d’un nouveau régime de protection sociale spécifique aux auteurs et autrices. 9 propositions de loi pour l’intérêt général, 9 propositions balayés par la macronie

Ces propositions de lois ont le mérite d’être prête à l’emploi et d’être donc soutenue par une large majorité de Français. Elles figurent dans un programme l’Avenir en commun, qui a rassemblé 7 millions d’électeurs et près de 20% pourcent des suffrages à la dernière élection présidentielle. Un certain Jean-Luc Mélenchon, candidat de loin le mieux placé à gauche dans les sondages, porte ce programme et ces propositions insoumises. À bon entendeur pour 2022.

Par Pierre Joigneaux.