La mobilisation contre l’autoroute A69, ce projet d’autoroute entre Castres et Toulouse, ne faiblit pas. Ce dimanche 21 avril, plus de 5 000 personnes se sont réunies pour crier leur refus de voir ce monstre de bitume se concrétiser. Le tout dans le calme, la bonne humeur, mais surtout dans une grande détermination face à une répression politique sans pitié contre ses opposants durant ces derniers mois.
De même qu’au lendemain des dernières mobilisations, l’Insoumission vous raconte cette nouvelle journée de mobilisation. Sur place, de nombreux militants et députés insoumis sont présents, aux côtés des collectifs qui luttent contre l’A69 depuis de nombreuses années : La Voie est Libre, Confédération paysanne, Extinction Rébellion et Les Soulèvements de la Terre, entre autres.
L’A69, c’est 400 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels ravagés, 20 euros de péage pour gagner 15 minutes de trajet, 23 millions d’euros d’argent public. Ces trois points majeurs font de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres un projet écologiquement désastreux, économiquement ruineux et socialement inutile. Un projet soutenu par Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, ainsi que par le camp présidentiel. Contre l’avis de nombreux experts, élus locaux et citoyens mobilisés depuis des années contre ce projet. « No macadam ! », résonne dans les têtes. Prochain rendez-vous contre l’A69 : les 7, 8 et 9 juin 2024. Notre article.
Contre l’autoroute écocidaire, une nouvelle journée de mobilisation largement suivie
Le rendez-vous est donné à 14 heures ce 21 avril à Toulouse. Cécile est sur place, pile à l’heure pour cette nouvelle journée de mobilisation contre l’autoroute. « Je sens qu’il va y avoir encore beaucoup de personnes mobilisées », confie-t-elle à l’Insoumission en souriant. Les personnes rassemblées attendent l’arrivée du Cycloretour contre l’A69. Au moins 200 personnes de tous les âges sont arrivées dans le centre-ville de Toulouse aux alentours de 14 heures 20. Ils étaient 27 à s’élancer de Castres 8 jours plus tôt, longeant l’autoroute contestée, organisant de multiples rencontres et de débats le long du parcours. L’arrivée des cyclistes sous les applaudissements donne le top de départ de la manifestation.
Au total, plus de 5 000 personnes ont marché à Toulouse pour clamer leur opposition à l’A69 Toulouse-Castres. Pour beaucoup, ce n’est pas la première fois. Les organisateurs sont agréablement surpris de cette mobilisation qui ne faiblit pas. Le nombre de forces de l’ordre mobilisées est disproportionnée. Des cars de CRS sont visibles à perte de vue. Des patrouilles de CRS guettent les rues. « Mobilisation générale face aux éco-terroristes », a dû indiquer le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans ses ordres transmis à la préfecture de Haute-Garonne.
La mobilisation se déroule sans heurts, dans la bonne humeur, mais surtout dans la détermination face au projet écocidaire de l’A69. Le slogan « No macadam ! » est scandé de nombreuses fois. Sur les pancartes, on peut lire : « moins de béton, plus d’écureuils », « motion de censure contre l’A69.3 », « atteinte à l’état de droit », « sans bitume ni ici ni ailleurs ».
A69 Toulouse-Castres : quelques rappels
Le projet d’autoroute A69 est une vieille lubie, et surtout un projet inutile et écocide, combattu par plusieurs collectifs depuis des années. Il existe depuis bien avant le début des années 2000. Il est financé à hauteur de 220 millions d’euros par l’État et les collectivités territoriales, puis laissé sous la gestion privée de NGE/ATOSCA. En quoi consiste-t-il concrètement ? Quatre voies de circuation supplémentaire à quelque centaines de mètre de la RN 126 effectuant le même trajet. Le tout pour écouler un trafic mesuré de moins de 7000 voitures, alors même que pour un tel ouvrage, un minimum de 20 à 25 000 voitures par jour serait justifier
Toutes les autorités indépendantes, Autorité environnementale, Commissariat général à l’investissement, Conseil national de protection de la nature ont émis des avis très critiques, voire défavorables à ce projet sur le plan de la justification économique comme sur l’impact environnemental. À noter, un coût exorbitant du péage : 20 euros l’aller/retour pour 77 km, à comparer aux 3,40 € de l’A/R Albi Toulouse pour la même distance. Une autoroute pour les riches et une iniquité flagrante pour les habitants du sud du Tarn.
Comme le résument les opposants au projet, « c’est 10 à 25 minutes offertes au capitalisme qui accélère nos vies et nous veut toujours plus rapides, productifs, efficaces, connectés, mais qui détruit nos liens, entre humain·es, avec nos lieux de vie et toutes les espèces compagnes qui les peuplent ».
Autre ombre au tableau : le projet de concession entre l’État et la société ATOSCA est entouré d’opacité. Là-dessus, les insoumis sont montés au créneau. Début février, le député LFI Éric Coquerel a exigé du ministre Christophe Béchu qu’il communique l’ensemble des annexes du contrat de concession, protégés par le secret des affaires, entre l’État et la société ATOSCA, laquelle s’apprête à gérer l’autoroute pour plus de 50 ans.
« Lorsque je l’ai consulté avec ses annexes, toutes les parties essentielles concernant notamment le plan de financement et la politique tarifaire étaient grisées, s’est étonnée la députée LFI du Tarn, Karen Erodi. Récemment, la cellule d’investigation de Radio France a produit plusieurs révélations enfonçant le clou sur le projet. La cellule a découvert qu’Atosca avait engagé une demande d’indemnisation auprès de l’État français, prétextant des « surcouts liés à la guerre en Ukraine » alors que les travaux ont commencé avant même le début de la guerre en Ukraine. D’autres points interrogent comme le choix d’une durée de concession inhabituelle de 55 ans ou encore le flou sur le parcours du président d’Atosca.
Pour aller plus loin : A69 « La suspension ou la rage » – nouvelle manifestation ce dimanche 21 avril
🔴 « C'est le projet le plus absurde dont on n'a jamais entendu parler »
— L'insoumission (@L_insoumission) April 21, 2024
La députée insoumise démonte en 1 minute la propagande de Atosca, le concessionnaire du projet de l'autoroute A69 pic.twitter.com/OhX6H1ILad
Geoffrey, membre du collectif La Voie est libre, exprime son émotion face à la diversité observée lors de la manifestation. Il souligne la présence de nombreux collectifs variés dans leur forme et leurs tactiques. Tous unis dans un objectif, mettre un terme au saccage entrepris par Atosca et le gouvernement Macron. Dans la manifestation, on croise des militants aguerris des Soulèvements de la Terre, des familles avec enfants, des étudiants, des élus. Tous considèrent ce projet comme représentatif de ce qu’il est crucial d’abandonner dans notre société. En tête de cortège, des députés insoumis et candidats aux élections européennes du 9 juin.
Pour aller plus loin : A69 – Une société va exploiter plus de 50 ans l’autoroute – Les insoumis montent au créneau pour dénoncer un gavage prévisible
Geoffroy évoque les nombreuses injustices entourant ce dossier, qui renforcent leur engagement et les poussent à soutenir toutes les formes d’action contre l’autoroute projetée. Au loin, on entend des appels lancés au micro pour renforcer les lieux d’occupation sur le tracé, dans le but de retarder les travaux autant que possible, et pour participer activement aux comités de lutte locaux. Plusieurs rendez-vous sont annoncés pour la suite de la mobilisation, notamment un grand rassemblement le week-end du 8 et 9 juin contre l’A69, organisé par les Soulèvements de la Terre.
Un front large, une lutte identifiée et un ancrage politique profond
Une telle avalanche de critiques explique l’étendue du front populaire contre ce projet capitaliste. Le 22 et 23 avril 2023, plus de 8 000 personnes manifestent. En juin 2023, 239 élus locaux ont écrit une lettre ouverte dans Mediapart pour le dénoncer. Cet automne, 200 puis 1500 scientifiques s’associent dans des tribunes pour demander l’abandon du projet. Puis c’est au tour de 750 personnalités de rassembler leur signature en bas d’un texte contre l’A69. En octobre, « Ramdam sur le Macadam » rassemble plus de 10 000 personnes. Le 9 novembre, une pétition rassemble 52 000 signatures sur le site de l’Assemblée nationale pour exiger un débat démocratique toujours refusé par Emmanuel Macron et sa clique.
C’est tout un peuple qui se crée autour de cette résistance. La force de cette lutte, c’est son ancrage politique profond. À la racine du mot : quelle organisation pour la cité ? Une grande artère pour relier deux grands points et traverser au plus vite le désert qui les sépare ? Ou bien un espace-temps plus respectueux du cycle naturel, où l’on va moins vite, mais où chaque trajet est l’occasion de découvrir des écosystèmes différents, de rencontrer les humains qui les habitent. Le rendez-vous est donné pour la prochaine mobilisation : les 7,8,9 juin.
Par le comité de rédaction