hébergement d'urgence
Une femme et un enfant sont assis dans une tente devant l'hôtel de ville de Paris lors d'une action organisée par l'association Utopia56, le 24 juin 2021. © AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT

Hébergement d’urgence et logement : récit d’un sabotage criminel

Depuis le dernier remaniement, la France ne compte plus de ministre du logement. Une situation qui en dit long sur la considération portée par Emmanuel Macron au logement et à l’hébergement d’urgence. Aucun ministre du logement n’a été nommé alors que tous les deux jours, des corps gelés sont retrouvés dans la 7ème puissance du monde qui compte 330 000 personnes sans abris, et plus de 3000 enfants, et des dizaines de milliers d’autres vivant dans des bidonvilles. Autant de gens laissés à l’abandon, déshumanisés, décédant dans l’anonymat et le silence pendant que des fortunes colossales s’accumulent, et que 3 millions de logements sont vides.

La France est championne du sans-abrisme en Europe. C’est ce que révèle la Fondation Abbé Pierre en septembre 2023. Un triste record qui résulte d’une « gestion au thermomètre » d’un problème constant qui s’aggrave année après années. L’absence de politique en la matière est criminelle. En hiver, des places d’hébergement sont ouvertes, en nombre insuffisant (quelques centaines à Paris qui compte 3000 sans-abris) et sur une durée limitée et sans solution pour accéder à un logement pérenne. Résultat : en 2022, 624 personnes sont décédées dans la rue en France, avec des pics en été et en octobre.

Depuis 2017, les conditions d’hébergement d’urgence se dégradent. La crise sanitaire de 2020 révèle une crise structurelle. Le délabrement et la surpopulation gangrène les structures rendant impossible, même pour les volontaires des associations les plus bienveillants et compétents, l’établissement d’espaces propices à la reconstruction de la dignité des personnes accueillies. Notre article.

Macron 2017-2024, artisan du chaos sociale

Comment Macron reste-t-il impassible face à une crise qui empire depuis sept ans, alors qu’il avait promis que plus personne ne dormirait à la rue d’ici à 2020 ? Des moyens ont été certes mis. Le nombre de places en hébergement d’urgence est passé de 120 000 en 2017 à plus de 200 000 aujourd’hui.

Problème, la politique néolibérale menée depuis 2017 enrichit Bernard Arnault et plonge le peuple dans la misère. Le nombre de structures d’accueil augmente sensiblement. Mais le nombre de personne sans abri explose. 1600 enfants dormaient (ou essayaient de dormir) à la rue, à même le trottoir en 2022. A la fin de l’été 2023, le président de la Fédération européenne des organisations nationales (Feantsa) Freek Spinnewijn en dénombre plus de 2000.

« Au 2 octobre 2023, ils étaient 2 822, dont 686 enfants de moins de 3 ans, dans cette situation ». Une hausse de 42 % par rapport au recensement du mois août, selon le dernier constat d’Unicef France et de la Fondation Abbé Pierre. A la veille de la trêve hivernale 2023, 8000 personnes appellent le 115, et ne reçoivent aucune solution. Et les associations estiment qu’environ deux tiers des personnes à la rue ont perdu espoir et renoncé à contacter le numéro d’urgence du Samu social après de trop nombreux refus.

Pour aller plus loin : « Le 115, ça fait longtemps que je n’appelle plus. »

Les chiffres alarmants, les expulsions record et la situation désespérée des personnes sans abri, s’ils sont difficile à établir à la personne près, n’en reste pas moins impossible à ignorer. En 2020, trois ans après la première promesse d’Emmanuel Macron, les mal logés sont toujours plus nombreux. Avec la crise sanitaire, la situation de l’hébergement d’urgence dégénère totalement. Un plan ficelé à la va vite limite le pire. 40 000 places supplémentaires sont financées. Mais au prix d’une souffrance terrible pour les personnes mises à l’abri comme le démontre William Martinet, futur député insoumis. Et sans rien résoudre au long terme.

Malgré les grands discours, les mesures d’hébergement exceptionnelles déployées lors de la crise COVID, par les ministres du logement, J. Denormandie et E. Wargon, se révèlent inefficaces. Le système d’hébergement est au bord de la rupture, résultat d’une gestion « urgentiste » du gouvernement Macron.

La politique publique face au sans-abrisme est qualifiée de « gestion au thermomètre » lors des canicules et des vagues de froid. Quelques moyens d’urgence, puis plus rien. Lors de la pandémie, place à la « gestion au R-0 » (nombre de contaminations). Les critères sanitaires déterminent les mesures d’hébergement, laissant les plus démunis à la merci d’une gestion imprévisible et instable.

Les ouvertures temporaires de 40 000 places d’hébergement pendant le confinement ne résolvent pas le problème structurel du décalage entre l’offre et la demande. L’essentiel du budget paye des chambres aux groupes hôteliers milliardaires comme Accor qui voit là l’opportunité d’attendre le retour des touristes étrangers. De plus, la croissance du parc d’hébergement, dans une période marquée par une désorganisation du pays lors des confinement, s’accompagne de conditions indignes, menant à une dégradation alarmante des conditions de vie des personnes sans abri.

Adel, qui préfère désormais dormir dans une voiture ou un garage témoigne des conditions d’hébergement d’urgence proposé par le 115 : « Là-bas, il manque souvent des couvertures et tu attrapes des poux et des puces. ».

A ces conditions matérielles difficile s’ajoute la honte, la peur, l’exclusion sociale. Marie, 12 ans, dort depuis fin juin dans le gymnase Bellecombe à Lyon, occupé par une vingtaine de femmes et une trentaine d’enfants, accompagnés par le collectif Jamais sans Toit. Elle raconte : « Beaucoup de personnes me disent que la cinquième, c’est dur, que c’est important d’être concentrée, mais je ne vois pas comment je peux l’être ici, avec le bruit, les petits qui jouent, les bébés qui pleurent. C’est très stressant et c’est honteux. À mes copines, à qui je dis tout en temps normal, je ne leur ai rien dit, j’ai trop peur du jugement, c’est très dur à vivre. »

Le système est déjà au bord du gouffre. Pourtant Emmanuel Macron s’acharne. 6 000 places sont menacées de suppression d’après Carenews en juillet 2023.

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La stratégie du gouvernement, coupes budgétaires dans le logement et investissements dans l’urgence, échoue totalement. Face à la rupture imminente du système d’hébergement, une réponse structurelle est cruciale. La mise à disposition et donc la construction massives de logements abordables s’impose comme la seule solution pour réduire la tension et éviter une catastrophe sociale. C’est le cœur du plan Comment nous allons passer à zéro sans-abri présenté par Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle 2022.

Mettre les femmes à la rue, un choix politique d’une violence inouïe

37,5% des personnes sans abris sont des femmes. En raison des violences systémiques dont elles sont victimes, être privé de son logement, c’est être privé de son refuge, parfois du seul endroit où l’on peut prendre un peu de force avant de reprendre la lutte quotidienne pour sa dignité, pour faire sa place dans son entreprise, dans ses cercles amicaux, familiaux. Les récits des femmes à la rue avec ou sans enfant, sont terribles. Et presque toujours marquée par des violences sexistes et sexuelles.

Élodie mère de deux filles de 3 et 5 ans, est à la rue depuis deux mois. Elle témoigne pour la fondation Abbé Pierre : «Des propositions d’hommes pour se faire héberger en échange de sexe, je ne les compte même plus, parfois ce n’est même pas des propositions, ils cherchent à me prendre de force. Une fois, il y a trois hommes là, ils ont failli me violer. J’étais avec les deux petites. C’est trop dur de vivre ça. »

Pour aller plus loin : Les pieds sur Terre, Elina Dumont, de la rue à la scène

Toute chose égale par ailleurs, c’est donc plus difficile, plus violent pour les femmes que pour les hommes de vivre sans toit.

Sur cette inégalité structurelle, le gouvernement a pris une décision terrible : Une directive de l’État, en juillet 2023, demande de réduire le nombre de nuitées hôtelières d’urgence accordées aux femmes victimes de violences. Quitter le domicile où le conjoint nous violente est déjà une étape suffisamment difficile, souvent dangereuse, voir mortelle. Y ajouter la crainte de se retrouver sans aucune solution de logement est un choix politique scandaleux.

Autre aberration : Depuis janvier 2023, une personne victime de violences ne peut être mise en sécurité que dans son département de résidence. Toutes les femmes qui cherchent à mettre un maximum de distance entre elle et leur tortionnaire seront donc obligé de se débrouillée seule. Cette directive n’a qu’un seul objectif, réduire les montants de l’hébergement.

Pour réduire la dette et obéir aux ordres de la Commission européenne, Emmanuel Macron oblige les femmes victime de violence à choisir entre la rue ou la mort.

Pour aller plus loin : « Vous attendez que je me fasse tuer » : des femmes victimes de violences sont privées d’hébergement d’urgence

Des mal logés criminalisés au lieu d’être accompagné

Plus de 22 189 personnes vivent dans des habitats précaires (autrement dit des bidonvilles) en France métropolitaine, un chiffre sous-estimé excluant les exilés à Calais et Dunkerque, ainsi que les Outre-mer.

Plutôt que de promouvoir une politique de résorption des bidonvilles avec un accès aux droits, une politique volontariste de construction de logement neuf, le gouvernement privilégie une approche sécuritaire, entraînant des expulsions illégales sans solutions de relogement ou d’hébergement. La situation à Mayotte, marquée par l’opération Wuambushu en avril, illustre cette approche répressive, entraînant des conséquences dramatiques sur la vie locale avec des ruptures dans les services publics essentiels et des alternatives insuffisantes.

La loi Kasbarian-Bergé : épée de damoclès

Avec ces graves lacunes en matière d’hébergement d’urgence, l’entrée en vigueur de la loi Kasbarian-Bergé est un coup de massue. Cette législation, au lieu de protéger les ménages vulnérables, affilie toutes les personnes qui éprouvent des difficultés à payer le loyer à des squatteurs et organise l’accélération des procédures d’expulsions. Les associations alertent du risque d’une explosion des expulsions à des niveaux alarmants. En 2022, 17 500 ménages, soit près de 38 000 personnes, ont été expulsés, une augmentation de plus de 130 % en deux décennies. Avant l’entrée en vigueur de cette loi inique.

Tous les indicateurs sont au rouge : 19,2 % de la population française est en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, 5,6 % fournit un effort financier excessif pour se loger. La France est même au-dessus de la moyenne des pays de l’Union Européenne (UE) concernant les personnes en retard de paiement de loyer ou d’hypothèque (5,4 % en France, contre 3,2 % au niveau européen). De même pour les factures d’eau ou d’énergie (7,1 % en France, en hausse de 30 % en un an, contre 6,4 % dans l’UE), selon les données Eurostat pour l’année 2021.

Pour aller plus loin : Ravages de l’inflation : les Caravanes populaires des insoumis à la rencontre des Français

Dans ce contexte précarisation croissante, cette loi Kasbarian-Bergé risque d’aggraver la situation, excluant davantage de personnes du logement. La France, au lieu de tendre la main aux plus vulnérables, choisit de les repousser plus loin dans la détresse.

Pour aller plus loin : Logement : l’ONU démolit la loi anti-squat de la macronie

Pour les JO, une mission : Expulser les expulsés

Plutôt que d’éradiquer la misère, Macron choisit de l’éloigner des yeux du grand public. Pas question que des personnes mourant de soif sur les trottoirs viennent ternir sa belle cérémonie d’inauguration des JO. Pas question que le monde se rendent compte que la France est plus que jamais la patrie des droits de l’homme blanc et riche. Ainsi 1760 personnes, principalement des migrants sans abri, ont déjà été dirigées vers dix « sas régionaux » d’accueil temporaire en France. Le gouvernement promet que ces espaces sont créés pour soulager la saturation des centres d’hébergement en Île-de-France.

Mais les associations du secteur ne sont pas nées de la dernière pluie. Selon le directeur Ile-de-France de la Fondation Abbé Pierre, Eric Constantin : « Bien sûr, il n’y a pas de directive disant “les JO sont dans un an, merci de trouver des solutions en dehors de Paris”. Mais on ne peut que s’étonner des concordances, les “sas” devant fonctionner jusqu’à fin 2024. »

Pour aller plus loin : « Nettoyage social » à l’approche des JO Paris 2024 : étudiants, SDF et migrants expulsés, les associations tirent la sonnette d’alarme

Les solutions pour l’hébergement d’urgence

Face à cette crise sans précédent, la Fondation Abbé Pierre propose en septembre 2023 un plan d’urgence indispensable. Il inclut un moratoire sur les expulsions locatives sans relogement, une évaluation rapide des besoins à travers des cellules d’urgence territorialisées, et des réponses dignes et adaptées. Ces mesures comprennent la création de places d’hébergement, l’utilisation de bâtiments disponibles, et le renforcement des équipes de travailleurs sociaux. La Fondation appelle à une mobilisation massive de tous les acteurs, allant des préfectures aux bailleurs, pour garantir un accès au logement digne et immédiat.

Le mouvement insoumis, fidèle à sa tradition de représentant de celles et ceux qui ont le moins, relaie, à nouveau, l’appel à l’aide des associations de soutien aux personnes sans abris dans un communiqué intitulée : La France a froid, Macron regarde ailleurs. Les insoumis multiplient les propositions depuis 2017 : investissement massif dans l’hébergement d’urgence et le logement social, et réquisition des logements vides.

Pour aller plus loin : Vague de froid : LFI multiplie les propositions

La politique de Macron, entre discours creux et mesures insuffisantes ou dégradantes, est un échec total dans la lutte contre le sans-abrisme. Aucune stratégie n’est mise en œuvre pour résoudre cette crise humanitaire qui frappe les plus vulnérables de notre société. L’urgence sociale ne peut plus attendre. Une société gouvernée par les besoins, afin de protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens est plus que jamais nécessaire.

Par Ulysse

Crédit photo : Une femme et un enfant sont assis dans une tente devant l’hôtel de ville de Paris lors d’une action organisée par l’association Utopia56, le 24 juin 2021. © AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT

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