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Logement : l’ONU démolit la loi anti-squat de la macronie

4 avril 2023. La trêve hivernale est finie depuis 4 jours seulement. Dans la matinée, par une note officielle, Balakrishnan Rajagopal – rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable – et Olivier De Schutter – rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme – alertent sur une potentielle violation par la France de ses engagements internationaux. Quelques heures plus tard, à l’Assemblée nationale, doit se tenir le vote en deuxième lecture de la proposition de loi du député Renaissance (ex-LREM) Guillaume Kasbarian, dite proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Résultats du scrutin ? 385 voix pour, 147 contre. L’alliance Macronie-LR-RN a encore frappé. Le texte adopté, il retourne au Sénat.

N’ayant eu jusque-là que faire du rapport 2023 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, des alertes de la Défenseure des Droits, de celles de 69 associations et syndicats dont le Syndicat de la Magistrature, voilà que la macronie fait fi des inquiétudes de l’ONU. Les griefs sont accablants. Anti-pauvres et anti-locataires, l’insoumission vous parlait déjà de cette loi brutale dans ses colonnes au mois de décembre 2022. Elle menace de pousser deux fois plus de gens dans la rue, alors que l’on compte 4,1 millions de personnes non ou mal-logées, 330 000 SDF, dont 42 000 enfants dans notre pays. Notre article.

Une proposition de loi qui bafoue le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Le 4 novembre 1980, la France ratifie le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’article 11 de ce texte contraint chaque État signataire à garantir « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris […] un logement suffisant ». En 1991, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels précise au sujet de cet article : « Les États parties doivent donner la priorité voulue aux groupes sociaux vivant dans des conditions défavorables en leur accordant une attention particulière. Les politiques et la législation ne devraient pas, en l’occurrence, être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés, au détriment des autres couches sociales. »

Mais les rapporteurs spéciaux de l’ONU s’inquiètent d’une violation du Pacte par la proposition de loi Kasbarian, par ailleurs déposée conjointement avec la députée macroniste Aurore Bergé.

En 5 points, l’ONU démolit la macronie

Tout d’abord, les rapporteurs spéciaux de l’ONU s’inquiètent de la criminalisation de l’occupation d’un logement sans titre. Élargissant le champ couvert par la notion de « domicile », la proposition de loi prévoit notamment de punir de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende l’occupation sans autorisation d’un local à usage d’habitation ou professionnel, y compris s’il est vide ou désaffecté. Alors que la Fondation Abbé Pierre rappelle que « les squats de domicile sont en réalité très rares (170 cas recensés par an) », une telle disposition frapperait de plein fouet des personnes d’une précarité absolue, dont le seul tort de prétendre à un toit et à un peu de dignité.

En conséquence, et compte tenu de l’absence d’étude d’impact déterminant les catégories de la population qui seraient atteintes par cette loi, l’ONU dénonce un texte risquant « d’affecter plusieurs catégories de personnes particulièrement vulnérables ». Parmi elles, les victimes d’un faux-bail, les ménages en impayé de loyer, ou les personnes ne pouvant pas disposer de l’accès au logement. Une honte.

Deuxièmement, l’ONU met en garde la France contre l’accélération de la procédure d’expulsion des locataires prévue par la proposition de loi. En faisant passer de 2 mois à 6 semaines les délais du commandement de payer et celui entre l’assignation et l’audience, le texte accroît drastiquement les risques d’expulsion. Des locataires faisant face à des difficultés temporaires (perte d’emploi ; séparation…) auraient ce faisant moins de temps pour rembourser leurs dettes ou trouver un autre logement.

Là encore, l’ONU s’en prend sans détour à la macronie. Pour les rapporteurs spéciaux, à moins que la loi ne favorise l’accès au logement pour les ménages précaires (ce qui n’est pas le cas), l’accélération de la procédure d’expulsion locative « constituerait une mesure régressive dans la mise en œuvre du droit au logement, en violation des obligations internationales de la France ».

Par ailleurs, l’ONU alerte sur la criminalisation de l’incitation à la commission du délit d’occupation illicite. Une telle disposition ferait peser la menace de 3750 euros d’amende sur les associations aidant les occupants menacés d’expulsion à faire valoir leurs droits. Décourager les actions de solidarité dans un État de droit, une honte.

Quatrièmement, les rapporteurs spéciaux de l’ONU avertissent la France quant aux risques que fait peser l’article 2 de la proposition de loi sur le respect du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Cet article, qui propose l’extension d’une procédure d’expulsion administrative à des locaux d’habitation vacants, inquiète l’ONU à double titre.

D’une part, parce qu’elle constitue une procédure expéditive qui ne nécessite pas de décision de justice et n’offre pas de voie de recours suffisante aux occupants. D’autre part, car elle n’implique pas de proposition de relogement alternative, et est donc susceptible de jeter des familles entières dans la rue. Et cela, rappelons-le encore, pour avoir eu le tort de trouver refuge dans un local vacant.

Dans un dernier point, l’ONU s’inquiète de la limitation de la liberté du juge dans son pouvoir d’octroi de délais de paiement de loyer. Comble du cynisme, les rapporteurs spéciaux soulèvent aussi le fait que l’article 7 de la proposition de loi dispose la suppression du maintien automatique des APL pour les locataires en impayé de loyer. Une telle disposition, en amputant encore davantage les ressources des locataires, ne rend que plus difficile leur possibilité de maintien dans les lieux. Aussi, le constat de l’ONU est glaçant et sans équivoques : « L’adoption de ces dispositions nous paraît de nature à augmenter le risque de sans-abrisme. »

En France, 10 fois plus de logements vides que de personnes sans domicile fixe

En 2022, conformément aux données de l’INSEE et de la Fondation Abbé Pierre, la France compte 330 000 personnes sans domicile, pour plus de 3 millions de logements vides. Alors que le devoir premier de chaque État est d’offrir un toit à ses habitants, en France, 7ème puissance économique mondiale, plus de 300 000 personnes sont SDF, « et en même temps », que 3 millions de logements demeurent vacants. Pire encore, au lieu de tout faire pour arracher ces personnes aux bras de la rue, la macronie y pousse plusieurs autres milliers sur l’autel d’une loi cruelle, destinée à satisfaire les fantasmes de la droite, de l’extrême droite, et de rassurer les multi-propriétaires.

Car rappelons-le, au-delà de l’irresponsabilité du gouvernement, une telle aberration est rendue possible par les maxi-propriétaires du parc locatif français. Se référant à l’édition 2021 du portrait social de la France par l’INSEE, l’on constate que 3,5% des ménages détiennent 50% des logements en location ; que parmi les 10% des ménages les plus aisés, 60% sont multipropriétaires ; ou que plus de 33% des 1% les plus aisés détiennent au moins 5 logements. Et tout cela, répétons-le encore, pendant que 330 000 personnes dorment dans la rue chaque soir, et qu’au moins 623 y sont mortes en 2021.

Par Eliot