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« Purge contre la ligne sociale », « re-radicalisation » : au RN, la crise c’est maintenant

C’est la crise au Rassemblement national (RN). « Des années de dédiabolisation réduites à néant », des « fous furieux qui ne sont obsédés que par l’identité » au détriment « de l’aspect social », « les excès pratiqués par le Front national d’un autre temps », « un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale », la « sonnette d’alarme sur une potentielle re-radicalisation »… Ces propos ont été tenus par Steve Briois, Bruno Bilde et Louis Aliot, trois lieutenants historiques de Marine Le Pen.

La victoire écrasante de Jordan Bardella (84,84 % des voix) au 18ème congrès du RN a été éclipsée par une autre image ce samedi. Celle de la fronde des tenants de la ligne « sociale », opposés à la « re-radicalisation » du parti incarnée par Bardella. Des lieutenants historiques de Marine Le Pen qui se lâchent à la presse ? Au RN, la crise c’est maintenant. Notre article.

« Une purge contre ceux qui défendent la ligne sociale » : fracture sur le choix économique du RN

Steve Briois, Bruno Bilde et Louis Aliot lisent ils l’insoumission.fr ? Mercredi, nous sortions un article intitulé « Le RN a choisi son camp : celui des riches ». Samedi midi, le maire d’Hénin-Beaumont, lieutenant historique de Marine Le Pen, symbole du labourage des bassins miniers par l’extrême droite, confirmait le choix du RN par une sortie fracassante dans la presse dénonçant « un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale ».

L’évolution de la ligne économique du parti d’extrême droite s’était déjà fait ressentir depuis le départ de Florian Philippot le 21 septembre 2017, notamment à travers l’évolution du discours de Marine Le Pen sur le remboursement de la dette et de l’austérité dans nos services publics. Le 21 février dernier, c’est par une tribune dans l’Opinion que la responsable du RN affichait la couleur : « une dette doit être remboursée », ajoutant : « contre vents et marées », son « there is no alternative » à elle.

Depuis le début du quinquennat, le choix économique du RN est limpide : vote contre la régulation des jets privés et des yachts, contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), contre la taxation des super-profits, contre l’imposition des multinationales, « et en même temps » contre l’augmentation du SMIC, le blocage des prix, le gel des loyers et une réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) qui favoriserait les petites et moyennes entreprises (PME).

Dans la lutte des classes, le RN a choisi son camp : le capital plutôt que le travail, les gros plutôt que les petits, les riches plutôt que les pauvres. On pourrait résumer les votes du RN ainsi depuis le début du quinquennat : fort avec les faibles, faible avec les forts.

Après avoir essayé de s’imposer comme la candidate du pouvoir d’achat pendant la campagne présidentielle, alors que son programme économique est une saignée pour les classes populaires, Marine le Pen et ses troupes ont fait tomber le masque à l’Assemblée nationale : alliance systématique avec la macronie pour défendre les intérêts de la poignée d’assistés d’en haut qui confisque toutes les richesses, contre l’intérêt du plus grand nombre. Le RN a choisi son camp, le capital et ses médias le lui rendent bien. Une ligne qui déçoit cependant des lieutenants historiques de Marine Le Pen.

La crise éclate en plein congrès du RN : des fidèles de Marine Le Pen se lâchent auprès de la presse et dénoncent une « re-radicalisation »

Sur BFMTV, le Maire d’Hénin-Beaumont est allé très loin, évoquant des « fous furieux qui ne sont obsédés que par l’identité », au détriment « de l’aspect social ».

Ce proche historique de Marine Le Pen dit avoir « tiré la sonnette d’alarme sur une potentielle re-radicalisation » depuis « de nombreux mois ». Et dénonce notamment « les ronds de jambe faits à certains intégristes », les « positions droitardes » « contraires au “ni droite ni gauche” qui a prévalu pendant des décennies au Front national »« Certaines outrances me donnent encore raison », ajoute-t-il, regrettant « que des années de dédiabolisation soient réduites à néant ». Tacle appuyé, fracture.

Trois semaines plus tôt, ce n’est autre que Louis Aliot, le vice-président du parti d’extrême droite, qui avait sortie la sulfateuse dans L’Opinion. Des propos difficilement croyables dans la bouche du numéro 2 du parti dénonçant : « les excès pratiqués par le Front national d’un autre temps », la « nostalgie radicale », les « déclarations fracassantes qui flattent simplement la nostalgie que nous pouvons avoir d’une France qui n’existe plus ». « À nous maintenant de couper le cordon d’une histoire tumultueuse et ambiguë ». L’histoire d’un parti fondé par un Waffen SS.

Quelle « re-radicalisation » et « nostalgie » Steve Briois, Bruno Bilde et Louis Aliot, les trois lieutenants historiques de Marine Le Pen, dénoncent ils ? « Retourne en Afrique », la sortie raciste du député RN Grégoire de Fournas contre le député insoumis Carlos Martens Bilongo ? La ligne incarnée par le nouveau président Jordan Bardella, qui reprend à son compte la théorie complotiste du « grand remplacement » de l’écrivain Renaud Camus et d’Éric Zemmour, que Marine Le Pen elle même qualifiait de « vision complotiste » ?

La crise au RN, c’est maintenant. Mais ne nous racontons pas d’histoire, le parti d’extrême droite n’a jamais été aussi proche de prendre le pouvoir. Le RN a choisi son camp, et le capital et ses médias le lui rendent bien. Plutôt Hitler que le Front populaire dans les années 30, plutôt le Pen que Mélenchon aujourd’hui. L’insoumission s’est donnée comme mission de démasquer l’extrême droite en tenant les deux bouts : démasquer son imposture sociale, son alliance avec le capital d’une part, démasquer ses liens avec les groupuscules néo-nazis, ses sorties racistes, d’autre part. Et dans ce combat, l’insoumission a trouvé des alliés inattendus.

Par Pierre Joigneaux.

extrême-droite
Pour aller plus loin : « Plutôt Le Pen que Mélenchon » : quand le retournement du barrage républicain était prédit par Frédéric Lordon


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