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Nazi ou pas ? Mélenchon répond à la ministre Retailleau

Jean-Luc Mélenchon s’exprime dans les colonnes de l’insoumission.fr.

Mélenchon : « Le président de l’université de Lille n’est pas un nazi »

Le président de l’université de Lille n’est pas un nazi. Madame la ministre si je pensais qu’un nazi présidait l’université de Lille, je le dirais, sans peur de vous et de vos plaintes. Je ne pense pas que le président actuel le soit. Je l’ai même qualifié de « brave homme sans doute » dans mon discours. Je ne dirai jamais d’un nazi qu’il est « un brave homme sans doute ». J’ai dénoncé la lâcheté qui conduit au mal comme l’a décrit Hannah Arendt. Car il s’est plaint dans son communiqué des pressions qu’il a subies.

Pourquoi y a-t-il cédé ? Quelles sont ces menaces et qui les a proférées ? Sa décision est si peu justifiée qu’un des conseils de faculté de cette université l’a récusée. D’ailleurs avez-vous entendu parler dans une seule des universités ou j’ai présenté mon livre « Faites mieux » avant Lille de propos ou d’incidents qui aient troublé l’ordre public ?

À votre tour, vous vous défaussez de vos responsabilités dans la défense des libertés universitaires. Qui a menacé de faire du désordre pour exiger l’interdiction de notre conférence à Lille ? Pourquoi le président de région Nord a-t-il exigé que je sois interdit de parole dans toutes les universités ? Pourquoi la député Renaissance de Lille a-t-elle appelé au désordre contre nous ? Votre action en justice est une diversion pour faire parler de vous et faire oublier le crime que nous combattons : le génocide des Palestiniens.

Aujourd’hui vous décidez d’une plainte qui n’aura aucune conséquence car elle sont sans objet réel. Et vous le savez. Pourquoi faites-vous cela ? Parce que vous avez peur. Des meutes de rustres vous rendent responsable du dégout général qui s’exprime dans toutes les universités françaises contre l’abject génocide de Gaza. Et contre ceux qui tâchent de faire taire la protestation qu’il exige pourtant comme un devoir moral et politique absolu. Dans le monde entier et notamment aux États-Unis, les étudiants le clament par milliers. La jeunesse française honore sa patrie républicaine en le faisant à son tour aux yeux du monde. La jeunesse a toujours raison de lancer ses alertes à ses ainés et ceux qui la répriment ont toujours tort.

Dimanche j’ai déjeuné avec Mathilde Panot avant l’épisode de la ministre qui porterait plainte contre moi. On faisait le point. Elle-même était de retour de son émission sur je ne sais plus quelle chaine. Des questionneurs automatiques y avaient suivi l’ordre des banalités ordinaires dans une rencontre médiatique avec une personnalité Insoumise. Ceux là ont fait un usage plus distrayant de leur grossière inculture en innovant pour demander à Mathilde Panot pourquoi elle n’appelait pas un génocide les bombardement de Bachar El-Assad il y a dix ans. Quelles quiches ! Le pays s’interrogeait en effet ! Les voir se repeindre en amis de Daech nous a fait rire. Ce jour-là, je fêtais mon huitième jour sans télé française.

Comme pour les clopes en période de sevrage autrefois je n’avais fait que deux exceptions. La première le lundi soir avant mon départ pour Erevan pour voir ce que donnerait sur une grande chaine la soirée de ma conférence à Sciences Po. La seconde pour assister le vendredi soir au naufrage d’une autre grande chaine continue quand Sciences Po fut occupée puis barrée. On regardait en même temps CNN et BBC sur le même sujet. Je n’en dis pas plus car on avait honte de voir ce qu’est devenue « l’information » à la française. Déjà le lundi avant mon arrivée rue Saint-Guillaume, une information de l’intérieur nous avait mis en garde.

Quatre dirigeants jeunes de l’extrême droite et de la droite donnaient rendez-vous dans un bistrot à x journaliste de télé. Ils iraient ensemble devant Sciences Po pour y provoquer les étudiants insoumis qui m’y attendraient. À l’heure dites ils y étaient. Clic clac, bonjour kodak ! Souriez ! Vous êtes filmés vous aussi. Leur rêve : une ambiance de violences et de tensions « contre la récupération ». Ce fut un bide pour eux. Pour finir, une fois sur place seuls Quentin Coton (uni), Alice Cordier (Némésis, féministe d’extrême droite) se montrèrent à visage découvert.

Ils glapirent et vociférèrent pour la joie des caméras excitée par le buzz ainsi offert. « LFI pris à partie par les manifestants ? » s’interrogea gravement l’écran d’une chaine liée à la manipulation. Rires : l’opération tourna court. D’abord parce que la masse d’étudiants présente dedans et dehors réduisait à néant l’angle choisi à propos d’une « minorité agissante » pro palestinienne. Et parce que le malheureux Quentin Coton ayant ciblé une jeune femme pour rouler les mécaniques et pousser des hurlements fut mis en déroute par l’intéressée. Une insoumise grand teint, évidemment, « wokiste intersectionnelle+islamogauchiste+écoterroriste+apologiste-du-terrorisme ».

Un mètre cinquante-six féminin rationnellement déterminée renvoya le chiot halluciné et braillard en amphis : « allez hop ! hop ! hop ! va en cours ». Magique! Hélas Quentin Coton n’est pas étudiant dans cette établissement comme la télé veut le faire croire. Il est donc retourné au bistrot préparer son prochain diplôme de provocateur. Les autres comploteurs sont restés discrets. Moi je n’ai rien vu de tout cela, sauf la main d’un type qui a essayé de me frapper sur mon passage en disant « ami du Hamas ! ».

Je ne comprends rien à cet « amis du Hamas » qui m’en voulait. Les médias s’ennuieraient sans moi ! J’occupe des pages de délire ici et là, des heures de plateaux de blabla. Beaucoup sont des rubricards qu’on a enterré vivants là, ne sachant quoi faire d’autres avec eux. Ou elles.

Ainsi, les deux malheureuses du journal Le Monde. Pour leur cinquante et unième article hostile d’affilé, elles ont fini par rater leur angle faute de motivation au travail. Métier ennuyeux, répétitif, sans prestige qui fait de vous les parias des diners en ville dont on se moque ensuite entre soi et entre collègues qui savent à quoi s’en tenir sur les personnes autant que sur les trajectoires. Selon elles, à Sciences Po, je « tentais de me justifier » pour avoir cité Hannah Arendt. Nul ! C’est le contraire !

J’assume et je l’ai répété devant les centaines d’étudiants présents dans l’amphi de Sciences po. Donc elles n’ont pas écouté. Elles se « sont fait raconter », comme d’habitude. Il est vrai qu’elles venaient de découvrir l’existence de Arendt. Mais elles n’ont toujours pas compris, cela va de soi, le sujet posé. C’est-à-dire ce que veut dire le mécanisme de la « banalité du mal ».

Elles auraient pu reprendre à leur compte les critiques de l’époque contre cette thèse. Il était facile de recopier les grands esprits qui déjà dans L’Obs, en 1963, s’étaient demandés si Arendt ne serait pas nazie. Je donne là un coup de main gratuit aux plumitifs anti-insoumis. Au total, si l’on passe le moment désagréable où, comme d’habitude, les éléments de langage d’une certaine extrême droite sont mis en circulation dans les rédactions je suis extrêmement satisfait du résultat obtenu. Nombre de personnes, de jeunes gens sont allés chercher les livres en question.

La consultation de mon discours de 2001 pour la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv a été bonne. Mais surtout ce mercredi une grande chaine met à l’ordre du jour (« La grande librairie » sur France 5) le thème de l’entrée dans la pratique bureaucratique banalisée du mal. D’autres se préparent.

Des intellectuels reprennent la plume. Un secteur de l’université de Lille a osé exprimer après vote interne une réfutation de l’interdiction de notre conférence. C’est le point décisif. Le but est que dans ces milieux cesse le conformisme et la soumission aux dominants universitaires du moment, tous idéologiquement marqués et ne le cachant plus. Le feu se rallume. Des résistances de cette nature apparaissent dans le monde entier après des mois de sidération et de peur de parler.

Ainsi cet exemple parmi tant d’autres à l’Université d’Indianapolis (Etat d’Indiana, Etats-Unis) la vice-doyenne de l’université, Elizabeth Dunn, est descendue sur le terrain aux cotés des étudiants et des professeurs engagés contre le génocide : « Je pourrais perdre mon emploi à cause de ma présence ici, mais je ne pouvais pas rester assise et attendre ! ».

L’ambiance a changé aux USA depuis les débuts des crimes de guerre en novembre lorsqu’étaient licenciés des doyens de facs Nord-américaines hostiles au signaux de génocide. Car après tant de jours la honte commence à s’installer dans les consciences à propos de la lâcheté du silence. La diversion iranienne n’a servi à rien. Les images des fosses communes à Gaza, des malades enterrés vivants (pour ne parler que de cela) et celles qui arriveront avec la prochaine tuerie à Rafah font leur effet.

Le sujet ne s’essouffle pas dans les consciences. En témoigne les contorsions d’une girouette comme le PS Jérôme Guedj. Il plaide désormais pour un « entre deux » entre génocideurs et prétendu partisans de « l’effacement d’Israël ». Son recul est net. Certes, c’est une nouvelle façon de continuer à nous insulter en nous attribuant une position qui n’est pas la nôtre. Mais on voit clairement une honte émerger de ces couinements.

L’ambiguïté du propos est un signe dans son milieu de fanatisme. L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions. Une nouvelle fois un « ni-ni » sur le mode de « la circonspection balancée » apprise à l’ENA. Bousculé par Meyer Habib sur l’estrade d’une manifestation du Likoud au Trocadéro, le PS Jérôme Guedj sait maintenant qu’il ne serait guère mieux accueilli ailleurs.

Ce qui lui pend au nez comme les autres : pour des générations ils seront les socialistes qui ont couvert un génocide. Mais surtout aussi renié les principes les plus constants de la gauche du judaïsme en France. Ils sont ceux qui ont ridiculisé l’accusation d’antisémitisme en l’infligeant à tous ceux qui ne se sont pas tenus au garde-à-vous de la solidarité inconditionnelle devant Netanyahu.

Du pape au secrétaire général de l’ONU, tout y est passé. Ils sont ceux qui ont permis de voir s’épanouir des dérives communautaristes que leur pères et grands-pères avaient combattues toute leur vie. Et cela jusqu’au point à présent de voir émerger la proposition de former une milice communautaire en lien avec un ministère israélien ! J’en passe et des plus nulles encore ! Dans quelques mois, le PS n’osera plus lui-même s’appeler « PS » tant cette dernière couche d’infamie a ressuscité toutes les autres et lui vaut le dégout de tous ceux à qui il a rendu la vie impossible dans notre pays. Et le vote du 9 juin ne me démentira pas. 

Jean-Luc Mélenchon