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Le programme économique de Marine Le Pen : une saignée pour les classes populaires

Marine Le Pen. Refus d’augmenter le SMIC, de bloquer les prix, de dégeler le point d’indice des fonctionnaires, recul sur les retraites, arnaque sur l’ISF, remboursement de la dette, maintien de la flat-tax, austérité dans les services publics… Le programme économique du Rassemblement national (RN) est une saignée pour les classes populaires. Pourtant, vous n’en entendez jamais parler. Et ce, alors qu’une grande majorité de ses sympathisants se prononcent pour l’augmentation du SMIC, la restauration de l’ISF ou encore un grand plan d’investissement dans les services publics. À contre-courant, la candidate du RN épouse le vieux discours du système néolibéral : remboursement de la dette. Marine Le Pen s’est macronisée depuis 2017. Décryptage.

1) Marine Le Pen refuse d’augmenter le SMIC

Les sympathisants du Rassemblement national (RN) risquent d’être fort déçus. Le programme économique de Marine Le Pen va à l’encontre de leurs attentes économiques. C’est ce que nous révèle en effet une étude de l’Ifop sur les préoccupations des Français. 69% des sympathisants du RN se déclarent favorables à l’ »instauration d’un grand plan de réinvestissement dans les services publics, en particulier de santé ». Difficilement compatible avec le remboursement de la dette et l’austérité budgétaire, nouvelle doctrine économique du RN, nous y reviendrons.

60% des sympathisants du RN se prononcent également en faveur du rétablissement de l’ISF. Contrairement aux personnes présentes sur la liste RN aux dernières élections européennes, et à la proposition figurant dans le programme du RN, nous y reviendrons également.

Mais le décalage le plus frappant entre les attentes économiques des sympathisants RN et le « programme économique » ou plutôt les prises de positions économiques de Marine Le Pen, se trouve sans doute sur la question de l’augmentation des salaires. Une large majorité de sympathisants RN (60%) se prononce en effet en faveur de l’augmentation du SMIC à 1400 euros net, comme le propose Jean-Luc Mélenchon. Problème : Marine Le Pen y est fermement opposée. Dès le 25 janvier 2017 elle affirmait ne « jamais avoir proposé l’augmentation du SMIC » arguant « une charge supplémentaire sur les entreprises ».

Le 26 novembre 2019, en plein mouvement des gilets jaunes, répondant à une question de Jean-Jacques Bourdin, la responsable du RN le confirmait : « j’ai toujours dit que l’augmentation du SMIC entrainerait une charge supplémentaire pour les entreprises qu’elles ne peuvent pas assumer ». Travailleuses et travailleurs exploités, circulez, il n’y a pas d’augmentation de salaires à attendre avec Marine Le Pen.

2) Marine Le Pen refuse de bloquer les prix

Encore plus révélateur que son refus d’augmenter les salaires ? Marine Le Pen refuse le blocage des prix, proposition de Jean-Luc Mélenchon, malgré l’explosion des prix de l’essence et des produits de première nécessité dans notre pays. Et ce, alors même que face à l’inflation notamment du prix de l’essence, des blocages de dépôts pétroliers sont en train de s’étendre dans tout le pays face à l’explosion des prix : Brest, Lorient, la Rochelle, Rennes, Agen, Gennevilliers…

Face à cette situation de crise, Emmanuel Macron a prévu une baisse de 15 centimes, ristourne effective le… 1er avril. 3 ans après le lancement des Gilets Jaunes, et alors que le pouvoir d’achat est la priorité absolue des Français à 24 jours de la présidentielle, le sujet du prix de l’essence et du blocage des prix des biens de première nécessité est explosif. Mais ce n’est visiblement pas une priorité pour Marine Le Pen.

3) Marine Le Pen refuse de dégeler le point d’indice des fonctionnaires

Alors que notre hôpital public est en détresse absolue depuis de longues années, en craquage et en burn-out accru depuis la crise sanitaire qui nous pourrit la vie depuis maintenant 2 ans, que de plus en plus de soignants démissionnent et que l’Hôpital a de plus en plus de mal à recruter, Marine Le Pen refuse de dégeler le point d’indice des fonctionnaires.

Alors que Jean-Michel Blanquer a supprimé 7 900 postes dans le second degré (soit l’équivalent de 166 collèges) depuis 2017, a encore supprimé 440 postes à la rentrée 2022, que le métier d’enseignant fait face à une crise de vocations inquiétant (baisse de 30% du nombre de candidats au CAPES depuis 20 ans, nombre de démissions d’enseignants multiplié par 4 depuis 2012), Marine Le Pen refuse de dégeler le point d’indice des fonctionnaires. Chacun ses priorités.

4) Marine Le Pen recule sur les retraites

Alors que le sujet des retraites s’invite comme un des thèmes centraux de cette campagne présidentielle, alors qu’Emmanuel Macron et Valérie Pécresse veulent tous deux repousser l’âge de départ légal à 65 ans, Eric Zemmour, que Jean-Luc Mélenchon avait eu l’occasion de mettre KO sur le sujet lors de l’émission Face à Baba le 27 janvier dernier, veut passer l’âge de départ à la retraite à 64 ans, Marine Le Pen, a renoncé à la retraite à 60 ans, alors qu’elle la portait depuis plus de 10 ans. Le seul candidat en position de se qualifier au second tour à défendre la retraite à 60 ans, c’est Jean-Luc Mélenchon.

Et ce, alors même que ce quinquennat a fait naître sur les retraites le plus long mouvement social depuis 50 ans en France. En plein mouvement des retraites, alors qu’1,5 millions de travailleuses et travailleurs descendaient dans la rue pour défendre leur droit, Marine Le Pen osait déclarer dans un entretien à Valeurs actuelles : « s’il apparaît que l’on ne peut pas maintenir notre système de retraite et accorder un départ à 60 ans (…) les Français accepteront les sacrifices qu’on leur demandera. ».

Les centaines de milliers de Français qui se sont battus durant des mois avec des zéros sur leur fiche de paye pour leur retraites apprécieront. Le constat est le même lorsqu’en plein mouvement des Gilets Jaunes, Marine Le Pen se déclare contre la hausse du SMIC chez Jean-Jacques Bourdin.

5) Marine Le Pen et l’arnaque de l’impôt sur la fortune (ISF)

La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) a été, avec, « et en même temps », la baisse des aides personnalisées au logements (APL), dont on vient d’apprendre qu’elle a été conseillée à Macron par le sulfureux cabinet de conseil McKinsey pour la bagatelle de 4 millions d’euros, l’une des premières mesure du quinquennat Macron. Mesure qui restera comme un marqueur fort du mandat du président des riches.

Pourtant, celle qui ose parfois encore se présenter comme une candidate anti-système, propose dans son programme de créer un Impôt sur la Fortune Financière qui remplacerait l’Impôt sur la Fortune Immobilière actuel (qui a remplacé l’ISF, NDLR), véritable arnaque qui reviendrait à rétablir l’ISF tel qu’il existait avant Macron mais en retirant du barème la résidence principale (ou résidence secondaire si locataire de sa résidence principale), exonérant les œuvres d’arts détenues depuis plus de 10 ans, les monuments classés ou inscrits aux monuments historiques ainsi que certains biens professionnels.

Cette mesure figurant dans le programme de Marine Le Pen rapporterait 3,4 milliards (contre 2,3 milliards prévus pour 2022 pour l’IFI, qui a remplacé l’ISF). C’est 3 fois moins que l’Impôt sur la fortune renforcé que propose les insoumis et 1,7 milliard de moins que ce que rapportait l’ISF avant que Macron ne le supprime. S’attaquer aux grandes fortunes n’est pas la priorité de Marine Le Pen, comme en témoigne également son maintien de la « flat-tax ».

6) Marine Le Pen maintient la « flat-tax »

Marine Le Pen ne compte pas revenir sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU), plus connu sous le nom de « flat-tax », mis en place par Emmanuel Macron lors de son arrivée au pouvoir. La candidate du RN compte maintenir la flat tax à 30 % sur les revenus du capital jusqu’à « un plafond à déterminer« . Au-delà, c’est l’imposition sur le revenu qui s’appliquera avec les abattements qui existaient. Marine Le Pen maintient donc (en partie) le cadeau de Macron pour les financiers. Avec Marine Le Pen, les travailleurs seront toujours plus taxés que les actionnaires.

7) Revirement de Marine Le Pen sur la dette, pour le remboursement et l’austérité

Le tournant économique de Marine Le Pen est flagrant sur un sujet central : le remboursement de la dette, duquel découle tous les autres. Le 21 février dernier, c’est par une tribune dans l’Opinion que la responsable du RN affiche la couleur : « une dette doit être remboursée ». Marine Le Pen ajoutant : « contre vents et marées ». Son « there is no alternative » à elle.

Pour donner corps à cette nouvelle ligne de « sérieux budgétaire », Marine le Pen met régulièrement en avant ses alliés qui gouvernent dans d’autres États européens. L’exemple de Matteo Salvini est ainsi revenu à de nombreuses reprises dans les discours de la responsable du RN. Exemple douteux.

Le gouvernement auquel a participé Matteo Salvini a en effet fini par capituler face à la Commission européenne sur son budget pour rentrer dans les clous des traités budgétaires. Il a sacrifié les mesures les plus redistributives : le projet de revenu minimum a été divisé par six, les retraites ont été désindexées de l’inflation et les investissements publics ont été divisés par trois. Voilà ce que prépare Marine Le Pen : l’austérité budgétaire et la destruction des services publics pour rembourser la dette. Anti-système on vous dit.

Par Pierre Joigneaux.