Valérie Labatut, l’une des plus belles rencontres du tour de France de l’insoumission. L’inspectrice du travail, secrétaire nationale de la CGT, amie d’Anthony Smith, est de tous les combats pour les travailleuses et travailleurs. Avec un cœur immense, une force incroyable, une énergie rare. L’insoumission est allée à sa rencontre dans l’Oise, où elle vit depuis toujours, et où elle a perdu d’un cheveu face au Rassemblement National lors des dernières législatives. Valérie Labatut nous a raconté une vie extraordinaire, celle d’une insoumise. Portrait.
« Pas d’une famille de gauche »
Valérie Labatut ouvre les yeux le 23 novembre 1974. Elle grandit dans le petit village de Fleurines, moins de 2000 habitants, dans la maison de sa grand-mère. Milieu social : capital culturel +, capital économique -. Des parents présents, mais pas d’argent. Le foyer vit modestement avec la pension de réversion de la grand-mère. Ses deux parents ne travaillent plus. « Ils ne cédaient pas sur l’essentiel : avoir du temps ».
Après une scolarité perturbée par la guerre, sa mère quitte l’école à 16 ans, puis travaille en tant qu’intérimaire à des tâches de secrétariat. C’est l’époque des Trente Glorieuses et on trouve assez facilement du travail. A la naissance de sa fille, elle arrête de travailler. Sa mère à elle, était couturière. Le grand-père maternel, ouvrier chez EDF, faisait les trois-huit sur les barrages hydroélectriques. Originaire de Toulouse – l’origine de son nom Labatut, le père de Valérie a fait fortune très jeune, sous la quatrième République, grâce au trafic des piastres, puis a tout perdu. Dans les affaires avant de devenir producteur de westerns-spaghetti, il s’installe en Suisse pour ne pas payer d’impôts. Il vit grand train : cigarettes, whisky et p’tites pépées ! Le choc pétrolier de 1973 achèvera de le ruiner. Rattrapé par le fisc, il fera même de la prison pour dette. En 1974, à la naissance de Valérie, il n’a plus rien. Il ne parviendra jamais à « se refaire ».
« Pas une famille de gauche ». Ça ne parlait pas trop politique à la maison. Enceinte, la mère de Valérie était bien allée à un meeting en 1974. Mais c’était celui de Giscard. On écoutait régulièrement les débats à la télé, mais pas d’engagement : « pas le profil élevé par des parents de gauche ».
Une enfance à se serrer le ceinture
Lorsqu’elle a 14 ans, sa grand-mère et son père meurent coup sur coup. Le seul revenu de la famille disparaît. Les premiers temps, dur de se chauffer. Valérie et sa mère font bouillir de l’eau pour se laver. Ensuite, elles vivent en se serrant la ceinture grâce à la générosité d’une grande tante veuve et sans enfant. Toujours dans la maison de la grand-mère, à la campagne, à 50 kilomètres de Paris. Et sans voiture. La petite Valérie va à l’école en car. Elle reste toujours à l’étude le soir, même quand les cours finissent plus tôt. Pour aller faire les courses, elles demandent à des amis. La boulangère fait crédit de temps en temps. « J’avais l’impression qu’il fallait encore et toujours dire merci ».
« Mais je ne veux pas jouer les Cosette non plus ! ». Somme toute, la petite Valérie grandit dans un environnement très agréable, un grand jardin, des poules, des lapins, des chats… Une vie simple, sans extra. Au milieu des livres que sa mère se plaît à dévorer. Parfois, c’est l’escapade à Paris : elles prennent le car vers Fort d’Aubervilliers pour rejoindre la capitale. Elles se baladent dans les beaux quartiers, vers la Madeleine. Tous les étés, grâce à la générosité de la grande tante maternelle, direction la mer. La Normandie, à Cabourg.
À l’école, Valérie est une bonne élève. Un pur produit de « l’École publique Républicaine ». Elle va faire son collège à Pont-Sainte-Maxence, une petite cité ouvrière de l’Oise, encore et toujours. Elle ira au Lycée à Senlis, ville bourgeoise. Carte scolaire oblige. Ses amis à l’École viennent de milieux sociaux plus privilégiés. La classe moyenne sup’. Valérie le vit mal. « Je souffrais de la différence de statut social avec mes amis ». Boursière, elle se sent stigmatisée. De là naît une grande aspiration : « Plus tard, j’aurai les moyens de mon indépendance ». À l’École, Valérie bosse pour. Elle aime : les matières littéraires, la philosophie, et l’allemand. Avec 20 chats à la maison pour l’épauler. Réussir par l’École, pour ne plus être toujours redevable.
L’École de la République pour devenir indépendante
À la maison, pas trop de règles. Une liberté que ses amis lui envient ! Une mère pas trop stricte, et pourtant une enfant sage. Comme quoi ! À l’école, elle met les bouchées doubles. Bac littéraire en poche, direction la classe prépa. Khâgne-hypokhâgne, littéraire toujours ! À Paris, sa mère a gardé un petit trésor : une chambre de bonne de 10m2, sous-louée toutes ces années, et précieusement gardée pour sa fille. Valérie sait qu’elle a sacrément de la chance de faire des études !
On est en 1992. Valérie a 17 ans. Elle étudie la philosophie et l’allemand. Elle passe son année de maîtrise en Allemagne grâce à une bourse Erasmus. Au retour, c’est le grand saut dans le monde du travail. Le début d’une longue histoire entre le travail et Valérie Labatut.
Enseignante vacataire de philo pendant 10 ans à courir dans toute l’Île-de-France, avec un deuxième boulot le soir
Enseignante vacataire, Valérie Labatut va enchaîner les contrats précaires. Elle sillonne l’Île-de-France. Lycées publics, privés, sous contrats, hors contrats… Le matin au Perreux-sur-Marne, l’après-midi à Évry, le soir à Maisons-Laffitte. Valérie passe sa vie dans les transports, cumulant pas moins d’une trentaine d’employeurs différents en dix ans. Sans compter les cours particuliers qu’elle dispense à foison. Un soir sur deux, une deuxième journée de travail commence. Chez Axa Assistance, elle organise des rapatriements sanitaires. Il y a fort besoin de faire rentrer de l’oseille. Les cours de philo, ça ne paye pas.
Un soir, la révélation : le documentaire La dernière digue : l’inspection du travail, passe à la télé
Puis un soir, rentrée tard du boulot, la prolétaire des profs de philo allume la télé. « Quand tu rentres tard du boulot, tu ne peux pas dormir tout de suite. Tu as besoin d’un sas pour décompresser ». Et là, elle tombe sur le documentaire de Richard Blois : La dernière digue : l’inspection du travail. Valérie est scotchée : « Ce fut un peu comme une révélation, une évidence ! »
Dès le lendemain, elle commande les cours du CNED. Elle va passer le concours d’inspectrice du travail en candidate libre. C’est parti. Elle décroche le concours de contrôleur du travail en 2005, puis celui d’inspecteur du travail en 2006. Après 18 mois de formation près de Lyon, elle prend son poste dans les Yvelines en 2008. « Depuis, je ne galère plus ».
« J’adore mon métier ». La toute jeune inspectrice commence pourtant dans le dur. Alcatel, Thales, Peugeot. Sa zone d’activité : Vélizy. Des plans sociaux à la pelle. Des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), ce nom si cruel donné par les libéraux pour euphémiser et ne pas nommer la terrible réalité : les licenciements à la chaîne. Les PSE s’enchaînent, beaucoup de travail pour Valérie. En 2011, leucémie. Elle demande à se rapprocher de son domicile et est mutée dans les Hauts-de-Seine, sur un secteur plus industriel.
« Marx a joué dans le fait que je devienne inspectrice du travail »
Parmi les philosophes étudiés, une petite préférence tout de même pour un certain Karlito. « J’aimais beaucoup la pensée de Marx que j’ai découverte grâce à mon professeur de philosophie en Khâgne, ancien militant maoïste à la Gauche prolétarienne, proche de Louis Althusser et de Michel Foucault, qui décryptait pour nous les concepts d’exploitation, d’aliénation, d’extorsion de la plus-value et de sur-travail ». Dire que ce sont les conditions matérielles d’existence qui déterminent la conscience, c’est opérer une véritable révolution de la pensée.
Entre plans de licenciements et délocalisations, la désindustrialisation fracasse la France
La désindustrialisation a fracassé le département de l’Oise. C’est la raison de notre venue dans le bassin creillois : parler des usines qui ont fermé et des conséquences pour la population. Plus tôt dans la journée, Valérie Labatut est venue me chercher à la gare de Creil et m’a emmené sur les traces des anciennes usines du bassin creillois. Nous sommes allés sur le site des anciennes usines de production automobile Chausson d’abord, qui employaient jusqu’à 5000 ouvriers dans les années 70. « Tout le monde connaissait quelqu’un qui travaillait là-bas ». Puis, à deux pas de la gare de Montataire, sur les vestiges de l’ancienne usine de rotatives Goss-Marinoni, qui servaient à imprimer Le Petit journal illustré, et qui a fermé ses portes en 2013.
Avec des conséquences terribles : 38% de taux de pauvreté dans le bassin creillois (14% au national, NDLR). Pourtant, pas d’« assistés » ici, pas de « gauche des allocs », Valérie Labatut nous montre un article du Courrier Picard : il y a plus d’emplois à pourvoir dans la région que de gens au chômage. Pourquoi ? Notamment parce qu’il n’y pas d’adéquation entre les emplois et les qualifications. Pendant que nombre d’habitants de l’Oise vont travailler, souvent de nuit, ou très tôt, à Paris, dans le sens inverse, des travailleurs qualifiés viennent travailler dans le département. Un chassé-croisé sur la ligne du TER K10.
L’incroyable pouvoir de protection de l’inspecteur du travail
On est assis en terrasse face à la gare de Montataire, le soleil tape fort. Valérie Labatut se lève et demande à un gros 4X4 de couper son moteur. Le chauffeur, en pleine discussion avec un homme attablé, s’exécute. Elle revient. On reprend le fil de notre entretien.
Son métier d’inspectrice du travail. Elle aime appréhender les conditions de travail des salariés, qu’on lui explique le travail. Les inspecteurs du travail ont le droit de pénétrer dans tous les lieux où se trouvent des travailleurs, de jour comme de nuit. Ils ne sont pas contraints de prévenir de leur venue. Faire obstacle à l’exercice de leurs missions est un délit. L’inspecteur du travail détient un pouvoir exorbitant du droit commun. Par exemple, il peut arrêter tout ou partie d’un chantier ou d’une activité pour soustraire les travailleurs à une situation à risque, notamment en cas d’exposition à l’amiante, de risque de chute, de risque d’ensevelissement, en cas de contact à risque avec une machine non protégée.
Valérie Labatut, une passion contagieuse pour son métier
Le temps file, la discussion est passionnante. Des Valérie Labatut, on voudrait en rencontrer dans tout le pays. On commande un deuxième Perrier citron, le soleil de l’Oise continue de taper aussi fort. On croirait que la petite gare de Montataire, juste en face de notre terrasse, est sortie d’une autre époque. Un décor de vieux film. Valérie Labatut checke en vitesse ses messages sur Telegram, l’application qui pourrit la vie à tous les militants politiques, très vite noyés sous les messages dans les innombrables boucles. Il faut dire qu’on en oublierait presque que Valérie Labatut est en campagne. Elle est candidate dans la 3ème circonscription de l’Oise. C’est la dernière ligne droite, la dernière semaine avant le premier tour. Et le RN est redoutable dans le département. Valérie Labatut nous décrit des habitants qui ont peur du « grand remplacement » alors même qu’ils habitent des villages dans lesquels on ne croise jamais aucune personne d’origine étrangère.
Valérie Labatut rechausse ses lunettes de soleil, on est reparti. Elle nous reparle de son métier qui la passionne tant, une passion contagieuse. Elle aime tellement son métier. « J’ai une grande chance, il y a tellement de boulots où tu t’ennuies. Je prends beaucoup de plaisir à faire ce métier-là. Le travail est varié. On apprend tous les jours. On a beaucoup d’autonomie et de latitude décisionnelle. On rencontre des gens très différents. J’aime être sur le terrain, j’aime rencontrer les gens ». Pour l’instant, elle refuse les promotions, elle préfère être sur le terrain, au contact des travailleuses et des travailleurs.
Chantier interdit au public
Valérie cite un ouvrage qui l’a marquée : Chantier interdit au public. L’enquête du sociologue Nicolas Jounin, terrible immersion parmi les travailleurs du bâtiment. De la grande sociologie, du grand journalisme. Un ouvrage qui m’a marqué aussi, et qu’on recommande vivement aux lecteurs de l’Insoumission. Des travailleurs intérimaires non protégés, abandonnés, victimes de racisme. Des conditions de travail inacceptables, en France. Pour contrôler les entreprises voyous, dans le bâtiment comme ailleurs, pour protéger les salariés, nous avons un besoin vital dans le pays : recruter des inspecteurs du travail.
L’engagement syndical, pour recruter des inspecteurs du travail
C’est une fois rentrée au Ministère du travail que Valérie Labatut va s’engager syndicalement. « C’est parfois compliqué de s’engager quand tu bosses pour joindre les deux bouts. Quand tu changes d’employeur tout le temps, tu n’appartiens pas vraiment à un collectif ».
Première étape de 2006 à 2008, pendant sa formation à Lyon. Valérie Labatut prend sa carte à la CGT. A partir de 2008, elle prend des mandats dans les instances locales. En 2017, elle intègre la commission exécutive nationale du SNTEFP-CGT, premier syndicat du Ministère du travail, et devient secrétaire nationale du syndicat.
L’un des combats prioritaire du syndicat : le manque d’inspecteurs du travail. Les chiffres sont sans appel : 30% d’effectif en moins en seulement 10 ans. 16% de postes vacants. À peine plus de 1800 inspecteurs du travail pour 20 millions de salariés. Départs à la retraite non remplacés, suppressions de postes… Comme dans l’ensemble de nos services publics, l’austérité néolibérale fait ici des ravages. Dans ces conditions, sur les secteurs en intérim, on ne gère que les urgences. Et des urgences, il y en a un paquet.
Ces accidents et ces morts au travail, ces vies dont on ne vous parle jamais
Les accidents du travail en France sont invisibilisés, minimisés, sous-déclarés. Les chiffres sont bien en deçà de la réalité, notamment en raison de la multiplication des faux statuts. Ainsi, l’accident du travail d’un livreur à vélo sera recensé comme un accident de la route !
Ça, c’était avant, avant le combat de Leïla Chaibi pour la présomption de salariat des travailleurs des plateformes (que nous avons largement documenté à l’insoumission, voir nos entretiens vidéos avec Leïla Chaibi sur le sujet : notre entretien en 2020, notre entretien en 2021). Combat auquel a participé une certaine Valérie Labatut, que nous avons croisée à Bruxelles lors du Forum transnational des alternatives à l’ubérisation le 8 septembre 2022.
Pour dénoncer ce phénomène de sous-déclaration, un homme fait, depuis des années, un travail on ne peut plus précieux : le recensement des accidents graves et mortels au travail dans le pays. Cet homme s’appelle Matthieu Lépine, un professeur d’histoire insoumis, dont vous pouvez suivre le travail de salubrité publique en vous abonnant au compte : Accident du travail, silence des ouvriers meurent (lire ici l’article de l’insoumission sur son travail), ou en lisant son livre choc qui vient d’être publié aux Éditions du Seuil : L’Hécatombe invisible. Enquête sur les morts au travail.
La hausse du nombre de morts au travail en France est continue entre 2010 et 2019, passant de 537 à 790, soit deux morts au travail chaque jour. Deux morts au travail chaque jour. Sans compter que les statistiques comptent uniquement les salariés du régime général, pas les agriculteurs, les fonctionnaires, les travailleurs indépendants, sans-papiers… Une hécatombe invisible. La France insoumise vient de déposer une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à faire du 10 mars (en souvenir de la catastrophe de Courrières) un jour férié national en hommage aux morts du travail. L’insoumission.fr était au rassemblement en hommage aux morts au travail organisé par les familles des victimes le 4 mars dernier à Paris (photo ci-dessous).
L’engagement politique, l’amitié avec Anthony Smith
Puis vient son engagement politique. Très récent. Fruit des circonstances. Elle raconte le scandale. Son collègue Anthony SMITH (l’inspecteur du travail suspendu pour avoir réclamé des masques pour protéger des aides à domicile pendant le Covid, lire notre portrait), « un très cher ami », muté à 200 kilomètres de chez lui pour avoir osé réclamer des masques pour protéger des salariés.
Elle raconte la lutte menée par les organisations syndicales et l’incroyable campagne de soutien à Anthony. Elle raconte aussi le soutien des camarades de LFI, notamment de Mathilde Panot et de Thomas Portes, et des quelques 165 000 signataires de la pétition lancée par le comité de soutien à Anthony. Une lutte victorieuse puisque la sanction prise à l’encontre de l’inspecteur du travail a été annulée par le Tribunal administratif de Nancy le 20 octobre dernier. Ce jour-là, qui organise le rassemblement devant le tribunal et organise les prises de paroles ? Une fois de plus, l’insoumission croise Valérie Labatut dans la lutte, avec le sourire : la lutte paye. Désaveux pour Muriel Pénicaud et Élisabeth Borne, les deux ministres du travail successives au moment de l’affaire. Victoire pour le monde du travail.
« 22%, c’est une magnifique réussite »
Valérie Labatut rejoint le Parlement de l’Union Populaire en janvier 2022. Elle rejoint dans le même temps les groupes d’action de l’Oise et se prend au jeu de la campagne présidentielle. Elle milite pour l’Avenir en commun, organise et participe à des réunions publiques un peu partout en France et dans l’Oise. Elle prend la parole au meeting de Jean-Luc Mélenchon à Montpellier pour témoigner de la lutte syndicale menée au Ministère du travail.
Le 10 avril 2022, elle est au cirque d’Hiver. Comme tout le peuple de gauche, elle doit sécher ses larmes. « Le combat continue. Faites mieux ! ». Elle reçoit le message de Jean-Luc Mélenchon. « 22%, c’est une magnifique réussite ». Dès le lendemain, elle propose sa candidature aux législatives sur la 4ème circonscription de l’Oise où elle habite. Elle est finalement investie candidate de la NUPES sur la 3ème circonscription, à douze kilomètres de là. Elle en est la première étonnée. On veut une inspectrice du travail à l’Assemblée ! Dès le mardi, au charbon. Elle ne verra pas beaucoup ses jumeaux de 4 ans pendant les deux mois qui suivront.
Les fractures de l’Oise
Il faut labourer la circonscription, elle est à la fois rurale et urbaine. 42 communes, et une seule Valérie Labatut. Les résultats de la présidentielle montrent une prédominance de l’extrême-droite qui a rassemblé 38% des voix contre 36% pour l’Union populaire, 24% pour LREM + LR, 2% pour Lassalle.
Avec une fracture nette, comme presque partout en France : les grandes villes votent à gauche. A Méru, Creil, Montataire, Jean-Luc Mélenchon a fait des scores staliniens. 56% à Creil sur l’ensemble des bureaux de vote. Le score monte même à 75% dans certains quartiers populaires de Creil. La ruralité vote Le Pen. Résultat de la trahison et de l’abandon des classes populaires par le PS, théorisé par la note Terra Nova de 2011.
Toute nouvelle dans le militantisme politique, Valérie va devoir incarner l’union de la gauche et aider à aplanir les aigreurs et les conflits entre les différentes composantes de la gauche locale.
L’affaiblissement des services publics, le RN qui cartonne dans l’Oise
L’inspectrice du travail insiste sur l’affaiblissement des services publics. Elle alerte sur l’état des hôpitaux du département. Sur les déserts médicaux. Sur le départ de médecins. Le SMUR et le service des urgence qui ferment à Senlis. La fermeture de la maternité de Creil en 2019. L’état de l’Hôpital de Beaumont sur Oise, la ville du scandale Adama Traoré. Marine Le Pen a su parler à certains oubliés, Jean-Luc Mélenchon à d’autres, réussissant l’exploit de reconquérir le vote d’une partie du précariat.
Mais aux législatives, l’Oise se partagera entre le RN et les Républicains, 3 députés chacun, et Éric Woerth (ex-ministre de François Fillon, passé par les différentes nuances de droite : de l’UMP, à LR pour finir à Renaissance, NDLR). Dans sa circonscription, Valérie Labatut perd d’un cheveux contre le RN (52 à 48). En cas de dissolution, la bataille s’annonce féroce.
Protéger le travail du capital : le cheval de bataille de Valérie Labatut
À l’Assemblée nationale, Valérie Labatut aimerait porter la question du travail. Un sujet brûlant à gauche. Elle aimerait faire rentrer le combat pour la présomption de salariat, mené par l’eurodéputée insoumise Leïla Chaibi au Parlement européen, dans les murs de l’Assemblée nationale. Porter également l’abrogation de la Loi El Khomri. La loi dite « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels », ou plus simplement loi de destruction du droit du travail au service du capital. La loi El Homérique, celle qui a préparé le terrain à un certain Emmanuel Macron, enfanté par François Hollande.
Autre combat que Valérie Labatut souhaiterait porter : donner de la voix et du pouvoir aux représentants des salariés dans les entreprises. Restaurer les comités d’hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail, les CHSCT, détruits par Macron en 2020. Rétablir les contre-pouvoir dans l’entreprise, détruits par le PS et la macronie. Valérie Labatut souhaiterait participer à la bataille culturelle de fond contre le discours néolibéral, celui du « coût du travail », de la politique de l’offre, de la « flexibilisation », et ainsi de suite. Une inspectrice du travail insoumise, bientôt à l’Assemblée ?
Depuis l’entretien réalisé en juin dernier, on a recroisé Valérie Labatut. À Bruxelles et à Nancy. À chaque fois dans la lutte. À chaque fois pour défendre le droit des salariés. À chaque fois avec le sourire. À chaque fois avec un cœur immense. Si le pays était peuplé de Valérie Labatut, le pays irait bien mieux.
Par Pierre Joigneaux.