Ubérisation Uber Brahim Ben Ali LFI Manon Aubry 9 juin

Ubérisation : victoire historique pour 4,1 millions de travailleurs qui pourraient devenir salariés !

Ubérisation. Coup de tonnerre, dans l’arène bruxelloise, la Commission européenne propose que les travailleurs de plateformes numériques soient reconnus comme salariés ! Selon ses estimations, ce sont jusqu’à 4,1 millions de travailleurs (livreurs et chauffeurs pour la plupart) qui seraient concernés par cette requalification. Victoire pour les travailleurs, défaite en rase campagne pour Uber, Deliveroo et Emmanuel Macron. Victoire toute particulière pour l’eurodéputée insoumise Leïla Chaibi. Notre article.

Présomption de salariat pour les travailleurs de plateformes numériques : l’aboutissement de deux ans de combat au Parlement européen

La Commission européenne vient de publier une proposition de directive imposant une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques. Cela signifie que les livreurs de repas à domicile, les conducteurs de VTC et l’ensemble des travailleurs ubérisés seront par défaut reconnus comme salariés et bénéficieront donc du salaire minimum, de congés payés, de la sécurité sociale, d’arrêts de travail, etc. Cette avancée sociale majeure est l’aboutissement de deux ans de travail mené par Leïla Chaibi, députée européenne membre de la Commission de l’emploi et des affaires sociales. Que de chemin parcouru depuis la présentation par l’eurodéputée en octobre 2019 de la première proposition de directive allant dans ce sens, alors qu’Uber se sentait à l’époque en terrain conquis et entendait profiter du chantier législatif ouvert par l’Union européenne pour créer un « tiers statut », hybride, entre salarié et travailleur indépendant.

Le message envoyé par la Commission européenne est clair et net : Uber, Deliveroo et autre Volt doivent cesser de se cacher derrière l’usage frauduleux du statut de travailleur indépendant et doivent assumer leurs obligations d’employeur, étant donné qu’elles exercent un lien de subordination vis à vis des personnes qui travaillent à leur service.”
Leïla Chaibi, députée européenne LFI, figure mondiale de la lutte contre l’ubérisation.

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L’eurodéputée insoumise Leïla Chaibi, figure de la lutte contre l’ubérisation.

En charge des négociations pour son groupe politique au sein de la commission emploi du Parlement européen, Leïla Chaibi était au cours des derniers mois parvenue à construire une majorité débouchant en septembre dernier sur la prise de position du Parlement européen en faveur d’une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques. Les émissaires d’Uber, Deliveroo et autres Glovo avaient pourtant sorti l’artillerie lourde en matière de lobbying pour obtenir le beurre et l’argent d’Uber. Ils avaient pu compter sur l’appui sans faille d’Emmanuel Macron et de son gouvernement, qui ont été les plus fervents défenseurs de leurs intérêts et ont tout fait pour permettre aux plateformes de contourner leurs obligations d’employeurs en matière de droit du travail et de protection sociale. L’annonce de la Commission sonne aujourd’hui le glas de l’impunité des plateformes en même temps qu’elle marque une défaite à plate couture d’Emmanuel Macron, chantre de l’ubérisation de l’économie et du monde du travail.

Lobby des ubérisés VS lobby d’Uber : 1-0


Le bras de fer a été gagné grâce à la construction patiente, au fil des mois, d’un lobby d’un nouveau genre, celui des travailleurs ubérisés mobilisés aux quatre coins de l’Europe, et dont l’irruption sur la scène bruxelloise, face au Parlement européen puis à la Commission européenne, a surpassé le pouvoir d’influence des lobbies des plateformes. Aussi, confrontée aux 120 livreurs, chauffeurs VTC et travailleurs ubérisés de 18 pays différents réunis le 27 octobre à l’occasion du contre sommet de l’ubérisation à l’initiative de la députée européenne, la Commission européenne à été forcée de prendre en compte les revendications des principaux concernés par le projet de directive plutôt que de céder aux sirènes d’Uber.

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Sommet contre l’ubérisation organisé le 27 octobre à Bruxelles.


Des millions de travailleurs concernés et des milliards d’euros pour les finances publiques.
Selon l’étude d’impact de la Commission européenne, 4,1 millions de personnes en Europe, livreurs et chauffeurs VTC principalement, seraient requalifiées en salariés et auraient donc accès au salaire minimum, aux congés payés, aux arrêts de travail, à la retraite, etc. Par ailleurs, plus de 4 milliards d’euros rentreraient dans les caisses des Etats membres de l’Union européenne avec la mise en application de la directive via les cotisations sociales dont devraient s’acquitter les plateformes.


Il reste une bataille à mener au Parlement européen et au Conseil avant que ces mesures ne rentrent définitivement en vigueur. Les négociations entre les deux co-législateurs européens commenceront au premier semestre 2022. Emmanuel Macron aura alors la présidence du Conseil de l’Union européenne et il est fort à parier qu’il continuera de s’ériger comme le plus fervent défenseur des plateformes. Leïla Chaibi et la délégation insoumise au parlement européen continueront de défendre les intérêts des travailleurs des plateformes numériques. Un combat qui porte en creux, et cela explique l’ardeur de Macron à se faire le VRP d’Uber, le risque de détricotage de l’ensemble du salariat via l’hégémonie du modèle de l’ubérisation.