Ce dimanche 17 octobre 2021, Jean-Luc Mélenchon était en meeting à Reims. En clôture de la Convention populaire, démonstration de force des insoumis autour de leur programme l’Avenir en commun. L’occasion de mettre en avant des mesures de rupture écologiques, sociales et démocratiques, plébiscitées dans le pays. Celui qui s’affirme depuis de longs mois comme le leader de la gauche dans les sondages, en a profité pour charger le bilan d’Emmanuel Macron. Un raid au vitriol contre la politique du président de la République, le jour du refus de la misère. Et un appel à la jeunesse, aux abstentionnistes et à toute la société face à l’urgence climatique. Un discours aux accents jaurésiens. Notre article.
Le programme d’Emmanuel Macron pour 2022 : « la pire cure d’austérité jamais vue »
« Monsieur Macron a un programme mais il ne vous le dit pas. Il l’a envoyé à la Commission européenne. Il a promis de ramener le déficit de l’État de 9% à 3%, la pire cure d’austérité jamais vue ». Voici le « projet » d’Emmanuel Macron saison 2, selon Jean-Luc Mélenchon. Le leader des insoumis fait ici référence à une révélation du journal Les Échos datant du 9 avril : le gouvernement prévoit de faire revenir le déficit public sous les 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2027. Un deuxième quinquennat en un adjectif : austéritaire.
« Ces derniers mois nous avons vécu la peur, l’isolement, le doute, la précarité, avec une certitude : depuis 2017 nous avions prévu, avec l’Avenir en commun, de sauver nos hôpitaux ». Ces mots avaient été prononcés la veille sur la même scène par la députée insoumise Caroline Fiat, qui avait ressorti son costume d’aide soignante durant le premier confinement pour venir aider les collègues en première ligne en sac poubelle.
Une banderole de soignants alertait déjà en Février 2020, avant même l’arrivée du coronavirus : « vous comptez les sous, on va compter les morts ». Avec la suite qu’on connaît : des soignants obligés de trier les patients dans les couloirs des hôpitaux. Un hôpital public ravagé par des décennies de cures d’austérités aux conséquences sanglantes. Jean-Luc Mélenchon l’a rappelé ce dimanche : « si monsieur Macron continue à la cadence actuelle, il fermera encore 1.200 écoles dans son prochain mandat. Et 22.000 lits d’hôpitaux. Ne le laissez pas faire ! ». 5 700 lits d’hôpitaux ont ainsi été fermés par le président de la République en… 2020, en pleine pandémie mondiale.
Une charge virulente contre la vision économique réactionnaire d’Emmanuel Macron
Un rapport explosif de France Stratégie, institution rattachée à Matignon, vient d’une nouvelle fois confirmer les effets de la réforme fiscale d’Emmanuel Macron en 2018, et notamment de ses deux mesures phares, la suppression de l’ISF et l’instauration de la « flat tax » : l’explosion des dividendes, et de la richesse des 0,1% les plus riches du pays, quand 4 millions de Français ont basculé dans la pauvreté ces deux dernières années.
Le leader des insoumis l’a rappelé ce dimanche : « l’impôt sur la fortune (ISF), en 4 ans (si il n’avait pas été supprimé et transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018, NDLR), ça vous aurait donné : 300 000 logements sociaux, 280 000 places de crèche, la paye de 60 000 enseignants, et le fonctionnement de 50 hôpitaux ! La France n’a pas les moyens d’avoir de tels riches. On est capable de trouver des riches qui coûtent moins cher ».
Et Jean-Luc Mélenchon d’enchaîner, déconstruisant une fake news d’Emmanuel Macron sur le temps de travail : « La France ne travaille pas assez ? Macron est un menteur. Un travailleur français travaille 2h30 de plus qu’un allemand, 4h de plus qu’un danois, 7h de plus qu’un néerlandais. Alors quel est le modèle de Macron ? La Roumanie, la Grèce, la Pologne, ça donne envie ! ». Si le leader des insoumis a affirmé refuser de vouloir faire un « cours d’économie politique », il a une nouvelle fois endossé le costume de tribun du peuple qui vulgarise l’économie, alertant notamment sur le sujet de la dette publique et des retraites.
En ce dimanche 17 octobre 2021, journée internationale du refus de la misère, celui qui depuis de longs mois s’affirme comme le favori des sondages à gauche, a rappelé l’injustice du monde sous le règne du capitalisme : « 26 personnes possèdent autant que 50% de tout le reste de l’humanité. Non seulement le capitalisme détruit la nature et les êtres humains, mais il est incapable de se corriger car même quand il déclenche des catastrophes, il s’enrichit ».
Passer l’hypocrisie écologique au karcher
L’accumulation du capital détruit l’humain et la planète. Un constat faisant de l’urgence sociale et écologique un seul et même combat. Le constat de Jean-Luc Mélenchon, des insoumis, et du pôle populaire plus largement depuis de longues années. Un constat cependant loin d’être partagé par le centre-gauche, le pôle social-démocrate, aujourd’hui incarné par les candidatures d’Anne Hidalgo et Yannick Jadot. Le favori de la gauche en a profité pour faire passer un message à l’encontre de ces « beaux parleurs » qui promettent de faire de l’«écologie politique sans s’attaquer au capitalisme, sans poser la question centrale du protectionnisme écologique face aux traités européens qui prévoient le libre-échange ».
Jean-Luc Mélenchon a lancé un appel ce dimanche : « c’est cette hypocrisie que la jeune génération doit passer au karcher ». Le leader de la gauche, habitué aux attaques, de préciser que c’est bien l’hypocrisie qu’il faut passer aux karchers, pas les hypocrites. Et d’enfoncer le clou : « l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ». L’insoumission avait déjà développé le concept d’écologie populaire porté par le leader des insoumis, et expliquer comment les riches détruisent la planète : 30 entreprises multinationales à l’origine de 70% des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Les tenants de l’écologie libérale se concentrent quant à eux sur les responsabilités individuelles, promeuvent la taxe carbone pour des citoyens n’ayant pas d’autre choix que de prendre leur voiture face à la destruction méthodique des services publics. L’actuelle explosion du prix du carburant et de l’énergie a d’ailleurs relancé ce week-end la prise de ronds points à travers le pays. Un retour des gilets jaunes, que l’insoumission va suivre avec attention. Le leader des insoumis a une nouvelle fois rappelé ce dimanche sa proposition de bloquer les prix des énergies.
Ouverture d’un Parlement de l’Union Populaire avec tous les intellectuels, syndicalistes, associatifs, créateurs, combattants de l’urgence écologique, sociale et démocratique
Jean-Luc Mélenchon a profité de ce meeting rémois pour annoncer des bonnes nouvelles pour le pôle populaire s’organisant dans le sillage de sa candidature : la sortie de l’Avenir en commun, le programme de l’union populaire, en librairie ce 18 novembre 2021, et la création d’un Parlement de l’union populaire. Ce dernier devrait être composé de tous « les intellectuels, syndicalistes, créateurs, toutes les femmes et les hommes qui se battent dans ce pays ». Le leader de la gauche a également annoncé qu’une grande marche pour la 6e République aurait lieu le 20 mars 2022, clin d’œil à la marche pour la 6e République qui avait rassemblé plus de 130 000 personnes le 20 mars 2017.
Jean-Luc Mélenchon a également dénoncé le rôle néfaste de sondages annonçant des résultats sur la base… d’une abstention de 50% à l’élection présidentielle. S’inscrivant dans la lignée du sociologue Pierre Bourdieu, le leader des insoumis a commencé par poser la question de l’existence même des sondages, de leur pouvoir performatif intoxiquant les campagnes et les débats de fond dans la société. Le leader de la gauche a ensuite souligné la sous-représentation des catégories populaires dans ces enquêtes d’opinion. Une présidentielle où la moitié du peuple ne se déplacerait pas s’exprimer dans les urnes ? « Le rêve de la caste qui domine ce pays », de l’oligarchie « qui rêve de voir le peuple disparaître des élections ».
Appel à la jeunesse et clin d’œil à Jaurès
Le leader des insoumis a réaffirmé que, contrairement à ce qu’indiquaient ces sondages, non les Français ne sont pas de droite. Face à la zemmourisation médiatique en marche, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le peuple n’est pas obsédé par les idées racistes mais bien par l’augmentation du SMIC à 1400 euros net ou encore la mise en place du RIC, deux des nombreuses mesures du programme des insoumis plébiscitées par la société.
Le favori de la gauche a achevé son discours en passant un appel à la jeunesse, jeunesse qui l’avait largement placé en tête lors du premier tour de la dernière présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a conclu citant le discours de Jean Jaurès aux obsèques de Francis de Pressensé en janvier 1914, appelant la jeunesse à « tenir fermement le fil rouge, celui qui de la grande Révolution française à aujourd’hui, nous a permis d’être dans cette salle si nombreux pour dessiner un avenir pour le pays quand tous les autres se sont écroulés, vautrés dans le social-libéralisme ».
Un appel à la jeunesse à maintenir le flambeau allumé et à plus que jamais poursuivre la lutte face à l’urgence écologique et sociale qui ravage le pays, entouré de Mathilde Panot, Adrien Quantennens, Manuel Bompard et Manon Aubry… à peine trente ans tous les quatre.
« Je m’adresse aux plus jeunes d’entre nous. Ce monde est beau, ne le laissez pas être gâché. Je vous le dis : vous n’aurez rien du tout si vous laissez aller, vous n’aurez rien du tout si vous ne vous battez pas pour que ça change. Je ne demande pas aux jeunes gens de venir à nous par mode. Ceux que la mode nous a donné, la mode nous les a repris. Qu’elle les garde. Ils vieilliront avec elle. Mais je demande à tous ceux qui prennent au sérieux la vie, si brève même pour eux, qui nous est donnée à tous, je leur demande : qu’allez-vous faire de vos vingt ans ? Qu’allez-vous faire de vos cœurs ? Qu’allez-vous faire de vos vingt ans ? ». Du Mélenchon et du Jaurès dans le texte.
Par Pierre Joigneaux.