LFI

Abrogation de la retraite à 64 ans, destitution de Macron, consentement dans la définition du viol… Quels textes défend LFI pour sa niche parlementaire ?

La France insoumise (LFI) va présenter 10 propositions de lois à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2024. C’est le jour de sa « niche parlementaire », le seul jour de l’année où un groupe d’opposition parlementaire peut défendre ses textes de loi et choisir l’ordre du jour des débats dans l’hémicycle. Lors d’une conférence de presse le jeudi 10 octobre, les députés rapporteurs de ces différentes propositions de loi se sont succédé pour présenter leurs textes respectifs. Des propositions de lois largement majoritaires dans le pays. Un sondage sur ces différentes propositions sera d’ailleurs publié mi-novembre.

Depuis, les députés insoumis ont déterminé l’ordre de présentation des textes en hémicycle et ont dévoilé ce jeudi 31 octobre deux nouvelles propositions de loi pour cette niche parlementaire : une résolution pour la destitution d’Emmanuel Macron, dont le débat à l’Assemblée nationale a déjà été empêché par Marine Le Pen et l’inscription du consentement dans la définition pénale du viol, porté de longue date par les associations féministes – une loi déjà déposée à l’Assemblée le 6 février 2024 par la députée insoumise Sarah Legrain.

Cette niche parlementaire « permettra, pour la première fois, à l’Assemblée nationale, de débattre et de voter les propositions issues du programme du Nouveau Front Populaire, qui, je le rappelle, a été placé en tête des élections législatives le 7 juillet dernier », selon les mots de Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire insoumis.

La première proposition de loi présentée dans l’hémicycle sera celle pour un moratoire sur le Mercosur et les autres traités de libre-échange. Elle sera suivie de celle sur l’abrogation la retraite à 64 ans, imposée par 49.3 aux Français. Alors qu’ils prétendaient, la main sur le coeur, vouloir l’abroger, les députés RN ont été mis face à leurs contradictions et à leurs renoncements par le Nouveau Front Populaire. Notre article.

1/ Un moratoire contre le Mercosur et les accords de libre-échange : LFI se pose en défenseuse des agriculteurs et en pointe sur les questions écologiques

La crise agricole du début de l’année 2024 a placé les projecteurs sur eux : les traités de libre-échange. Des traités votés par l’ensemble des groupes politiques, à l’exception notable des insoumis au Parlement européen. « Ils bénéficient à une ultra-minorité et sont mortifères sur le plan social et écologique », souligne Arnaud Le Gall, député LFI et chef de file de la proposition de loi en question. Concernant le Mercosur, « la commission européenne veut accélérer, l’Allemagne est à fond pour cet accord et veut absolument aboutir le plus vite possible. Nous n’avons pas du tout confiance dans les capacités de la France à résister à la manoeure qui se prépare ! »

Pour aller plus loin : Les traités de libre-échange tuent les agriculteurs

Sortir du libre-échangisme pour entrer dans le protectionnisme écologique, voilà la solution proposée par les insoumis au long terme. L’objectif : protéger les agriculteurs de notre pays et relocaliser une large partie de la production agricole, pour ne plus dépendre de matières premières produites dans des conditions sociales et écologiques délétères. À l’heure de l’accélération du dérèglement climatique et du fait la fragilité grandissante de nos matières premières, la France doit pouvoir se nourrir à la hauteur de ses besoins.

2/ Abroger la réforme des retraites : le combat pugnace de LFI

Pour rappel, la même proposition de loi avait été déposée par les insoumis lors de leur niche parlementaire en 2023. Yaël Braun-Pivet et le reste du camp présidentiel avait alors manœuvré pour censurer a priori cette proposition de loi. Le Bureau de l’Assemblée nationale, tordant allègrement les règles de la chambre basse du Parlement, avait évité à Emmanuel Macron un débat sur cette réforme inique et le risque majeur pour lui que cette abrogation soit effective.

Marque de leur pugnacité, les insoumis récidivent cette année, déterminés à faire abroger une loi rejetée par 93 % des actifs, qui a donné lieu au plus grand mouvement social depuis Mai 68. Anais Belouassa Cherifi, députée LFI de Lyon, sera la cheffe de file sur texte. « Nous continuons de mobiliser tous les outils à notre disposition pour mettre en application le programme arrivé en tête des élections législatives, celui du Nouveau Front Populaire », a souligné la députée insoumise.

La même Anaïs Belouassa Cherifi est montée à la tribune de l’Assemblée nationale ce jeudi 31 octobre, jour de la niche parlementaire du Rassemblement national. En moins de 5 minutes, elle a su démonter l’escroquerie sociale que constitue la proposition du parti lepéniste pour soi disant abroger la réforme des retraites.

« Quand il s’agit de pouvoir vraiment abroger la réforme des retraites, vous ne le faites pas, à l’image de vos trois votes pour le maintien de cette réforme la semaine dernière », a d’ailleurs rappelé la députée insoumise. Nous étions revenus dans nos colonnes sur l’arnaque de cette proposition de loi d’extrême droite, avec notamment un financement conditionné… à une arrivée putative du Rassemblement national au pouvoir ! Le rendez-vous est donné, par les insoumis, ce 28 novembre, pour voir être débattue une abrogation crédible et financée de la retraite à 64 ans.

Pour aller plus loin : Abrogation de la réforme des retraites : Marine Le Pen et ses députés votent contre pour la troisième fois

3/ Une résolution pour la destitution d’Emmanuel Macron : LFI repart à l’attaque après l’opération sauvetage du RN en faveur d’Emmanuel Macron

Les lâches manoeuvres de Marine Le Pen pour empêcher l’Assemblée nationale de débattre de la destitution d’Emmanuel Macron n’ont pas découragé les insoumis. Au contraire, une proposition de résolution pour la destitution du chef de l’État sera le troisième texte de loi des insoumis lors de leur niche parlementaire. Une réunion du Bureau de l’Assemblée nationale devrait se tenir d’ici le 28 novembre afin de déclarer cette proposition de loi recevable.

Un tel débat mettrait Marine Le Pen et ses sbires face à leurs responsabilités, suite à leur opération sauvetage du chef de l’État. Par ses manoeuvres, l’héritière Le Pen a tout fait pour que cette destitution ne soit pas discutée, pour ne pas que soit dévoilé au grand jour le vote du RN « contre la destitution d’Emmanuel Macron » comme « le refus de voter la censure du gouvernement Barnier », a dénoncé Mathilde Panot, rapportrice du texte de loi.

Pour aller plus loin : Censure, destitution, budget – Comment le RN multiplie les opérations de sauvetage de Macron

Le piège de l’escalade à la respectabilité encravatée semble se refermer sur le parti de Marine Le Pen. De nombreux électeurs ne comprennent pas les multiples opérations du RN pour sauver le soldat Macron. Lisa, électrice RN, témoigne à Mediapart au sujet de la destitution lancée par LFI pour destituer le chef de l’État : « Moi, je ne suis pas d’accord avec la gauche, mais j’ai signé pour la destitution tout de suite. « J’étais dégoûtée. Le RN nous a lâchés aux portes de l’Assemblée », assène-t-elle.

4/ De l’inscription de la notion de consentement dans la défintion pénale de l’agression sexuelle et du viol

L’insoumission est revenu dans ses colonnes sur cette question : pourquoi la notion de consentement n’est-elle pas prévue dans la loi, pour les cas d’agressions sexuelles et de viols ? Aujourd’hui, la France ne respecte pas ses engagements. À l’échelle de l’Union européenne, notre pays a refusé d’inscrire le consentement dans la définition du viol, malgré la Convention d’Istanbul qu’il a ratifiée en 2014 et qui le prévoit. Tandis qu’Emmanuel Macron se dit désormais prêt à ouvrir le débat, voire favorable à cette inscription dans la loi, le nouveau ministre de la Justice, Didier Migaud, est favorable à cette proposition de loi. Il se démarque de son prédécesseur, Éric Dupont-Moretti.

À l’heure actuelle, les trop nombreux cas de non-lieu prononcés par la Justice démontrent les lourdes lacunes de l’actuelle définition pénale du viol. Les quatre critères actuels – violence, contrainte, menace ou surprise – ne permettent pas une définition pénale du viol effective. « La loi française sur l’agression sexuelle et le viol ne mentionne pas explicitement le consentement. Elle fait résulter l’absence de consentement de la violence, contrainte, menace ou surprise. Sans preuves de [l’un des quatre critères], le consentement est en quelque sorte présumé », a expliqué la députée LFI Sarah Legrain, rapportrice du texte de loi.

La définition pénale actuelle est en décalage avec ce que l’on sait des agressions sexuelles. Dans 90% des cas de viols, le violeur est un membre de l’entourage de la victime. « Souvent, sans exercer forcément de violence physique laissant des traces, il va pouvoir s’appuyer sur un état de sidération, de dissociation, d’emprise de la victime », souligne la députée insoumise. Chaque année, en France, 94 000 personnes sont victimes de viols et d’agressions sexuelles, tandis que moins de 1% des viols sont condamnés en France par la Justice.

Pour aller plus loin : Viols – Pourquoi la notion de consentement n’est-elle toujours pas prévue par la loi ?

5/ Bloquer les prix de l’énergie dans l’hexagone et les Outre-mer : une proposition insoumise-phare pour protéger les Français face à l’inflation

1 Français sur 2 n’arrive pas à payer ses factures d’énergie. « J’ai rencontré une mère isolée avec un bébé qui se retrouve avec 4000 euros d’impayés de factures, des gens qui n’allument la lumière chez eux que quand ils mangent, parce qu’ils ont peur de l’explosion des factures. », témoigne la députée insoumise Alma Dufour, rapportrice de la proposition de loi. « En 3 ans, le tarif réglementé a augmenté de 45,3% et le gaz a doublé. Dans les Outre-mer, c’est la catastrophe », alerte-elle également.

Bloquer les prix est possible, contrairement à tous ceux que les néolibéraux crient sur les plateaux. C’est d’ailleurs inscrit dans le code du commerce. Ces derniers ont eux la preuve que les solutions autres que celles-ci ne fonctionnaient pas. En effet, le bouclier tarifaire porté par le camp présidentiel n’a pas fait baisser les factures d’électricité des Français. Ce dispositif a pourtant coûté 70 milliards d’euros.

La Cour des Comptes a publié l’année dernière un rapport accablant sur ce fameux bouclier. Ces 70 milliards « ont été englouti par les multinationales de l’énergie. Les trois plus grands fournisseurs d’électricité ont fait 100% de marges l’année dernière gràce à l’impot des Français ! », s’est exclamée Alma Dufour. « Nous proposons un blocage des prix d’urgence et de revenir au tarif réglementé de vente de l’électricité pour toutes et tous », conclut la députée LFI.

6/ Un moratoire contre les projets routiers et autoroutiers : l’A69 en ligne de mire

Il est urgent que la France sorte de ce modèle tout routier passéiste et dangereux et qu’elle entre définitivement dans l’ère de la bifurcation écologique nécessaire », insiste la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir. Celle-ci est députée LFI et rapportrice de la proposition de loi sur un moratoire concernant les projets et autoroutiers. Une mesure également présente dans le programme du NFP. Si tous les projets en cours étaient abandonnés, l’État pourrait récupérer 18 milliards d’euros. Face à l’urgence climatique, leur anachronisme est criant, car ils encouragent toujours le modèle du tout-voiture et du tout-camion.

Pour aller plus loin : Tentative d’incendie, déploiement militaire : contre les opposants à l’A69, un nouveau palier de violence est franchi

À ce titre, le projet A69 Toulouse-Castres est le plus connu. En résumé : cette autoroute va longer une route nationale faisant le même trajet, permettant de gagner seulement quelques minutes de transport, mais en perdant 400 hectares de terres et en menaçant toute la biodiversité aux allentours. « Ces projets ne sont plus d’intérêt général majeur, les alternatives ne sont pas assez étudiées […] Il est urget de décréter un moratoire ! », insiste la députée insoumise.

7/ Régulariser les praticiens et pharmaciens hors UE : une solution pour lutter contre les déserts médicaux et le trop faible nombre de soignants

Un tiers de la population français vit dans un désert médical. Malgré de nombreuses alertes depuis des années, notamment par les insoumis, le difficile accès au soin et le manque de personnel soignant ne semble pas intéresser le camp présidentiel. Difficile d’en attendre quoi que ce soit, alors qu’il a supprimé 21 000 d’hôpitaux en 5 ans. En introduction de son propos, le député LFI et rapporteur du texte de loi, Damien Maudet raconte une scène, devenue monnaie courante dans le pays, aux urgences de Limoges, dans sa circonscription.

« Encore en début de semaine, à Limoges, il y avait 80 patients dans les services d’urgence alors qu’il existe là-bas un peu moins de 20 boxs. Autant de vous dire qu’il y avait des patients qui étaient hospitalisés dans les couloirs des urgences. […] Il n’y a pas assez de médecins, de soignants pour ouvrir des lits ! », raconte-t-il.

Pour aller plus loin : Hôpital : elle meurt après 10 heures d’attente aux urgences, ses enfants portent plainte

En France, il existe 5 000 praticiens et pharmaciens à diplômes hors Union européenne (PADUE). Ils représentent 12 % des effectifs de médecins. Leurs contrats sont précaires. Ils sont payés un peu au-dessus au niveau du SMIC, alors que certains hôpitaux ne tiennent uniquement grâce à leur présence. Ils ne sont pas formellement reconnus comme médecins.

Cette situation fait qu’ils ne peuvent pas aider à résorber le nombre de déserts médicaux dans notre pays. Du fait d’un numerus clausus purement comptable à un concours dédié, la France se prive de nombreux médecins. La proposition de loi insoumise vise à supprimer le numerus clausus de leur concours et à ce que les Agences Régionales de Santé leur attribuent des autorisations temporaires d’exercer leur métier.

8/ De la reconnaissance de la pénibilité des métiers « féminisés »

Les métiers « féminisés » sont occupés à plus de 75 % par des femmes et 60 % des femmes occupent ces métiers. En France, 87 % des infirmiers sont des infirmières, 91 % des aide-soignants sont des aides-soignantes, 97 % des aides à domicile et des aides ménagères sont aussi des femmes, comme 73 % des agents d’entretiens, de même 76 % des caissiers et des vendeurs, ainsi que 92 % des AESH. « Le constat est simple : le Code du Travail a toujours été fondé sur des critères genrés, qui pénalisent les femmes », souligne Gabrielle Cathala, députée LFI et rapportrice de cette proposition de loi.

Pour aller plus loin : Les femmes gagnent 28,5 % de moins que les hommes dans le privé, les insoumis défendent l’égalité des salaires

Les objectifs affichés par LFI pour ce texte de loi sont les suivants : rétablir les critères de pénibilités supprimés par Macron en 2017 et en créer de nouveaux qui visent à reconnaître la pénibilité ou les risques professionnels dits émotionnels pour les femmes. Celles-ci trvaillent en grande majorité auprès de personnes âgées, handicapés, de mineurs en difficultés, de personnes victimes de violences psychologiques ou sexistes et sexuelle. Par ailleurs, certains critères déjà en place pénalisent les femmes, mais protègent les hommes, notamment sur la question du port de charges lourdes. Un autre aspect de la pénibilité au travail que les insoumis aimeraient changer.

9/ Limiter les écarts de salaires de 1 à 20 en entreprise : LFI veut faire cesser les inégalités mirobolantes de rémunérations

« Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi ». Ce 16 avril 2024, le PDG de Stellantis Carlos Tavares se fendait de cette formule provocante pour justifier son salaire de PDG – près de 100 000 euros par jour. La formule et le niveau indécent de sa rémunération ont déclenché une vive polémique. « Chiche ! », lui a répondu le député LFI Matthias Tavel en annonçant le dépôt d’une proposition de loi pour fixer un salaire maximum dans les entreprises. L’objectif ? Limiter de 1 à 20 les écarts entre la plus grande rémunération et le plus petit salaire au sein des entreprises.

Pour aller plus loin : « Mettons dehors les parasites financiers » : LFI dépose une série de lois pour mettre fin au gavage des ultra-riches

N’ayant pu être étudiée à l’Assemblée nationale suite àa la dissolution, Mattthias Tavel rédépose à nouveau sa proposition de loi. « C’est donc une loi de protection de l’intérêt général et de moralisation économique. Des salaires de 36,5 millions d’euros ne sont pas acceptables. Un être humain ne peut pas gagner 1 700 fois plus qu’un autre. Ce ne sont pas des écarts moralement dans une société civiliée. C’est aussi une loi de justice sociale pour les salariés de ses entreprises ! »

10/ Garantir la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat

Sans surprise, cette proposition a pour rapporteur le député LFI Paul Vannier, spécialiste des questions d’éducation à la FI. Pourfendeur des dérives du collège privé réactionnaire Stanislas, il vise, par ce texte de loi, à « introduire un malus qui diminuerait le financement public des établissements privés sous contrat qui contribuent le plus à la ségrégation socio-scolaire ».

Pour aller plus loin : Enseignement privé : le rapport accablant du député LFI Paul Vannier

https://twitter.com/L_insoumission/status/1749814257976512666?s=20

À titre d’exemple, ces établissements ont trois fois moins de boursiers que les établissements publics. Pourtant, les établissements privés sous contrat sont financés sur fonds publics à plus de 75%. Soit le plus haut niveau au sein des pays de l’OCDE, sans aucune contrepartie. Cela représente 12 à 15 milliards d’euros par an. Par ailleurs, la mesure défendue par le député insoumis était présente au sein de programme du Nouveau Front Populaire.

Par Nadim Février