mayotte outre-mer

À Mayotte, Élisabeth Borne accueillie sous les huées par une population qui meurt de soif

Ce 8 décembre 2023, la Première ministre Élisabeth Borne est en déplacement à Mayotte. À peine débarquée, l’accueil par les huées annonce la couleur. « On en a marre, on en a marre ! », a scandé son comité d’accueil. En question ? Sur place, l’eau est devenue une denrée des plus rares. Deux jours plus tôt, la préfecture interdisait partiellement la consommation d’eau du robinet à cause de la présence de métaux lourds, « au-delà des seuils d’alerte ». Depuis des mois, lorsque l’eau est consommable, elle n’est disponible qu’un jour sur trois. En 2023, la 7ème puissance économique mondiale n’est plus capable d’assurer le droit d’accès à l’eau potable à ses citoyens.

Quelle fut l’une des premières annonces d’Elisabeth Borne ? Poursuivre les distributions d’eau en bouteille « aussi longtemps que nécessaire ». Le matin même, la présidente de l’association Mayotte a soif sonnait une nouvelle fois l’alerte : « Ce n’est pas humain, c’est indigne de la France qu’on nous demande d’aller nous entasser par centaines dans des zones de distribution de bouteilles d’eau ». Face à la Première ministre, la colère est vive.

En tant que cheffe du gouvernement d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne est comptable des longues années d’abandon et de mépris des territoires transocéaniques de la part du camp présidentiel. En 2017, le volet ultra-marin du programme du chef de l’État s’intitulait « Les Outre-mer, un potentiel à libérer ». 6 ans après, le président de la République et ses alliés n’ont libéré que de la protestation et de la colère. La liste des méfaits est longue. Notre article.

Scandale au pluriel : Mayotte a soif, des métaux lourds sont présents dans l’eau

À Mayotte, l’eau a été interdite partiellement à la consommation le 6 décembre sur une partie de l’archipel. La raison ? La présence de métaux lourds « au-delà des seuils d’alerte ». « Dans ces circonstances et dans l’attente des prochains résultats, l’eau n’est pas potable et ne peut en aucun cas être consommée pour les usages suivants : boisson, préparations alimentaires et hygiène bucco-dentaire », a déclaré la préfecture. « Compte-tenu de la nature des paramètres détectés, ni l’ébullition, ni l’ajout de chlore ne rendent l’eau potable », ajoute-t-elle.

Pour aller plus loin : Scandale – À Mayotte, de l’eau au robinet moins d’un jour sur trois, l’État distribue des bouteilles en plastique

Mayotte n’avait vraiment pas besoin de cela. Ses habitants ont soif, mais l’eau n’y est accessible qu’un jour sur trois (BFMTV). En 2023, la 7ème puissance économique mondiale n’est plus capable d’assurer le droit d’accès à l’eau potable à ses concitoyens. Pour pallier cette crise, l’État essaie très tardivement d’y répondre… en distribuant des bouteilles en plastique. Une pollution très difficilement absorbable pour Mayotte. Le niveau d’alerte s’explique aussi par la vétusté des infrastructures hydriques du département. Pour rappel, le mauvais état des canalisations dans les Outre-mer conduit à une perte de 50% de l’eau potable pendant son transport.

Face à la crise de l’eau exceptionnelle que vivent Mayotte ou la Guadeloupe, est-ce tout ce dont l’État est capable ? Distribuer des bouteilles en plastique ?

image 3
Crédits : Xab / La Plume Rieuse.

De l’abandon et du mépris des territoires dits d’« Outre-mer » par le camp présidentiel

« Les Outre-mer, un potentiel à libérer » : ainsi s’intitulait le volet du programme présidentiel du chef de l’État en 2017. C’est plutôt une colère profonde qu’ont créée le chef de l’État et ses alliés, par leur mépris et leur abandon méthodique de ces territoires.

Dans le programme d’Emmanuel Macron, l’objectif n°2 affiché était « Soutenir l’activité et l’emploi dans les Outre-mer pour lutter contre le chômage et l’exclusion ». Quels sont les derniers chiffres liés à l’emploi dans les territoires transocéaniques ? En 2021-2022, seulement 57 % des 15-64 ans en Martinique occupaient un emploi. Ils étaient 51 % en Guadeloupe, 42 % en Guyane, 49 % à La Réunion, 31% à Mayotte (INSEE). En France métropolitaine, ils étaient 68 %.

Les chiffres de la grande pauvreté sont édifiants. Elle touche cinq à dix fois plus les départements d’outre-mer (DOM) que la métropole (INSEE, 2018), selon l’observatoire des inégalités. La grande pauvreté concerne 11,8 % de la population en Guadeloupe, 10,5 % en Martinique, 29,1 % en Guyane, 13,5 % à la Réunion. En France métropolitaine, on tombe à… 2%. Un calédonien sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

Le 20 novembre 2023, l’UNICEF publiait un rapport sur les droits de l’enfant dans les territoires transocéaniques. « À La Réunion, près de la moitié des enfants sont pauvres (46 %). Ce chiffre s’élève à 6 enfants sur 10 en Guyane et 8 sur 10 à Mayotte, tandis qu’il s’élève à 2 sur 10 dans l’Hexagone », peut-on lire. Difficile accès aux soins, à un logement décent, à l’éducation, prévalence de violences intrafamiliales, sexistes et sexuelles… Sur place, toutes ces problématiques sont exacerbées.

Mépriser les Outre-mer ? Un sport national du côté des macronistes. Une situation justement décrite par des élus des territoires transocéaniques dans une tribune parue en 2022, trois jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. « Bien que les Outre-mers représentent un atout géopolitique indéniable, ils demeurent les parents pauvres des politiques sociales du gouvernement », déploraient-ils. Dans leur tribune, ils ont dézingué le bilan d’Emmanuel Macron.

Pêle-même, ces élus citent l’« arrêt de l’engagement de l’État pour les contrats aidés à La Réunion, refus d’indemnisation des victimes du chlordécone en Martinique, obstruction au processus d’autonomie de la Nouvelle-Calédonie, impuissance face au pillage des ressources minières et halieutiques en Guyane, abandon de la population guadeloupéenne face aux problématiques d’accès à l’eau potable, incapacité du gouvernement à déployer des services publics dignes à Mayotte ». Sans parler de la gestion désastreuse de la crise sanitaire sur place. Une très (trop) longue liste de méfaits.

Pour aller plus loin : Darmanin ministre de l’Intérieur + des Outre-mer : pour surveiller et punir les ultra-marins ?

La politique ultramarine de Macron, c’est pêle-mêle la nomination de trois ministres en à peine plus de trois ans. C’est aussi, en 2022, le passage d’un ministère de plein exercice à un ministère délégué auprès du ministère de l’Intérieur. Le message est passé : priorité à la sécurité. La pauvreté, l’accès à l’eau, à l’éducation ou au logement, on verra plus tard. Enfin, c’est le ministre actuel, Philippe Vigier, qui a invité la population de Mayotte à faire chauffer l’eau et de la mettre ensuite au frigo, avant de la boire.

Les insoumis, premiers défenseurs de l’Outre-mer

Les insoumis sont les premiers défenseurs des territoires transocéaniques. Les électeurs ne s’y sont pas trompés. Avec plus de 50 % des voix en Guyane, en Guadeloupe et en Martine, Jean-Luc Mélenchon a plié la bataille des Outre-mer au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. En 5 ans, il a gagné presque 20 points de suffrages exprimés, passant de 20,8 % à 39,96 % des suffrages.

À l’Assemblée nationale, lors de la précédente législature, les insoumis se sont illustrés en créant notamment « une commission d’enquête sur la gestion des ressources en eau, dossier majeur pour la population guadeloupéenne ».  Pendant cinq ans, et face à l’indifférence du gouvernement vis-à-vis des souffrances des Outre-mer, les insoumis ont tenu la tranchée au Parlement. Ils ont défendu ces territoires, entre autres, sur les questions d’accès à l’eau, face aux restrictions de libertés durant la crise sanitaire et face à la pauvreté criante qui les fracasse.

Pour aller plus loin : Que proposent les insoumis pour réduire les inégalités en Outre-Mer ?

Lors de leur « niche » parlementaire du 30 novembre 2023, les insoumis ont définitivement fait adopter leur commission d’enquête sur les risques naturels majeurs en Outre-mer. Un texte porté par le député Jean-Philippe Nilor, député de la 4ème circonscription de Martinique. En effet, les territoires transocéaniques concentrent « 80% de la biodiversité française, qui peut être très vite être renversée par un tsunami, un ouragan ou un séisme », avait-il rappelé. Le parlementaire insoumis avait salué une « victoire arrachée à la macronie qui s’est opposée jusqu’au bout, obstinément ». Ce, en total décalage avec l’urgence de la situation et avec les 88% de Français favorables à cette proposition de loi.

Par Nadim Février

Partager

Vous avez aimé cet article ?

Recevez chaque semaine une sélection de nos meilleurs articles en vous abonnant.

Les + vus

Soutenez les médias insoumis !

Abonnez-vous à l’ensemble des médias insoumis et recevez à votre domicile l’hebdo et le magazine de l’insoumission.