Gilet Jaune

« Je continuerai de manifester en blouse blanche en portant fièrement ce gilet jaune » : 4 ans après, Benoît témoigne

Gilets Jaunes. Il y a 4 ans jour pour jour, le 17 novembre 2018, commençait le plus long mouvement social en France depuis des décennies. On célèbre aujourd’hui le 4ème anniversaire de la naissance des Gilets Jaunes. Tout le ras-le-bol accumulé depuis des années par le peuple éclatait enfin. Les revendications de ce mouvement historique ? Pouvoir vivre dignement, enfin, de son travail et sortir de la survie permanente. Les Gilets Jaunes ont fait entrer dans la lutte de nombreuses personnes qui n’étaient pas politisées. Cette mobilisation a façonné des liens indéfectibles et a soulevé un immense espoir. Pour cette journée spéciale, nous publions sur l’insoumission des témoignages de Gilets Jaunes. Témoignage de Benoît.

Qui suis-je ?

Je m’appelle Benoît, j’ai 42 ans, je suis infirmier dans ce qu’il reste du service public hospitalier.

Pourquoi et comment j’en suis venu à m’intéresser aux Gilets Jaunes, jusqu’à porter la chasuble fluorescente ?

Initialement, j’avais suivi de loin le premier mouvement des Gilets Jaunes. J’avais vu beaucoup de vidéos, notamment celles de Jérôme Rodrigues.

J’avais été choqué de la violence de la répression policière et des déclarations du préfet de l’époque Didier Lallement, alors qu’initialement il s’agissait d’un mouvement citoyen pacifiste.

Pour moi, le rôle de l’Assemblée nationale est par l’intermédiaire des députés, de faire entendre notre voix, de voter des lois protégeant la population.

Or, depuis le Covid, de nombreux textes sont passés, et je m’inquiète de l’évolution de notre société.

Je suis infirmier, j’ai pu constater la dégradation des services publics : fermetures de lits ou d’unités de soins entières.

À la base, je n’étais pas contre l’idée que les personnels soignants se fassent vacciner, mais la mise en application du dispositif s’est faite avec une violence extrême.

Lors du premier confinement, nous n’avions pas de masques.

A la télé, on entendait tout et son contraire.

Ce n’est qu’à la fin du premier confinement, que l’établissement a publié une note de service relative à l’obligation de porter un masque alors que la crise semblait être terminée.

Puis il y a eu l’obligation vaccinale…

J’ai vu des collègues prendre leur poste et travailler pendant 4h et recevoir la visite d’un groupe de cadres leur demandant de présenter leur pass vaccinal et se voir notifier leur suspension à effet immédiat.

Le comble, ça a été de demander aux agents atteints du Covid de venir travailler, alors que des soignants non vaccinés, non malades, se sont vus suspendre.

Il faut savoir que dans cette période de tensions, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Certains de mes collègues présentaient des signes de burn out et nous venions d’apprendre le suicide de l’une de nos collègues.

Moi-même, sans m’en rendre compte, je sombrais dans la dépression.

Ma première réaction fut de lutter, en m’impliquant avec des amis dans le syndicat, ce fut la CGT

La fermeture de lits s’est poursuivie, puis ce furent de services entiers, alors que nous étions en pleine crise sanitaire.

J’ai participé à de nombreux CHSCT, mais je me suis très vite rendu compte que le prétendu dialogue social avec la direction se résumait à un dialogue de sourds.

C’est là que j’ai décidé de m’investir en politique afin d’apporter le plus possible de soutien à mes collègues de la CGT.

Aujourd’hui je participe à la vie de la communauté en tant qu’écrivain public et je m’investis encore davantage dans la vie de ma commune.

C’est une période difficile socialement et écologiquement.

J’aime comprendre ce qui se passe et je me suis beaucoup documenté.

Au début je militais avec GreenPeace, puis il y a eu le Covid et la guerre en Ukraine.

Très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un problème avec nos médias.

Passionné de géopolitique, j’ai passé de longues heures à me documenter via des média indépendants, et plus j’avançais dans mes recherches, plus je ressentais un sentiment d’oppression, je ne pouvais pas rester inactif.

En voyant la violence de la répression des forces de l’ordre, et ayant moi-même subi une certaine forme d’intimidation de la part des renseignements généraux alors que je défendais juste mon travail et le service public, j’ai eu une période de doutes et d’angoisse.

Puis ce fut de la colère.

Depuis, j’arpente les manifestations en blouse blanche, masqué, avec chasuble de gilet jaune.

À la base, le mouvement des Gilets Jaunes portait sur des revendications sur le prix du carburant.

Le mouvement a été violemment réprimé et l’arrivée du Covid et du confinement ont définitivement achevé le mouvement.

Aujourd’hui, le prix du carburant, de la nourriture et de l’énergie crèvent le plafond.

Pour moi, le mouvement GJ est avant tout un mouvement citoyen.

Lorsque le gouvernement fait la sourde oreille à l’Assemblée nationale et gouverne à coup de 49.3, les gens manifestent.

Lorsque le gouvernement n’écoute toujours pas, la population se met en grève.

Tout ceci dans le cadre légal républicain.

Or, nous constatons à ce jour, que le gouvernement ne fait aucun cas de nos revendications, pire, il légifère pour nous priver progressivement de nos droits.

La non – indépendance des médias possédés par des milliardaires en font des outils de propagande redoutables.

Nos manifestations sont discréditées, alors que la majorité des gens sont pacifiques et ne souhaitent vivre que de leur travail.

Alors oui, je continuerai de manifester en blouse blanche aux cotés de mes collègues de la CGT en portant fièrement ce gilet jaune.

Mes plus forts souvenirs en tant que GJ ?

Le premier, c’est d’avoir manifesté avec nos députés insoumis à nos côtés.

Le deuxième concerne une anecdote qui démontre la solidarité des GJ.

Lors d’une manifestation, un policier mobile en moto s’est approché un peu trop près d’un vieil homme qui s’était éloigné du cortège, avec un gigantesque drapeau jaune. Plusieurs gilets jaunes qui ne se connaissaient pas ont naturellement convergé pour le protéger.

Le mot de la fin : pourquoi je témoigne

Je tenais à témoigner aujourd’hui car il m’est impossible de rester silencieux, alors que je vois notre société sombrer peu à peu vers une quelque chose que je n’aime pas.

Je ne le fais pas pour moi. Je le fais pour l’avenir de mes enfants.

Benoît