Rachel Kéké, symbole de la lutte victorieuse, après 22 mois de grève avec ses collègues femmes de chambres de l’Hôtel Ibis Batignolles, a lancé sa campagne législative ce jeudi à Chevilly-Larue. Une candidature qui dépasse largement la 7ème circonscription du Val-de-Marne, tant l’enjeu démocratique, le message envoyé à tous les invisibles du pays en cas de victoire, serait immense. Septième épisode de notre tour de France des campagnes législatives insoumises. Récit.
Rachel Kéké, symbole de la lutte victorieuse
Jeudi 19 mai 2022. Sur les coups de 19h30, les militantes et militants affluent devant l’école Paul Bert de Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Ils sont tous venus voir l’héroïne locale : Rachel Kéké. Devenue un symbole de la lutte après 22 mois de grève avec ses collègues femmes de chambres de l’Hôtel Ibis Batignolles. La plus longue grève de l’Histoire de l’hôtellerie en France, soldée par une… victoire ! Preuve que « la lutte paye », le gimmick de Rachel Kéké.
Depuis quelques jours, sa candidature dans la 7ème circonscription du Val-de-Marne est remarquée. Depuis le 7 mai plus exactement, date où s’est tenue la Convention de la Nouvelle Union Populaire. Le premier rassemblement physique de l’alliance historique LFI, EELV, PCF et PS, favorite pour les élections législatives de juin prochain. Rachel Kéké y a fait un discours tonitruant, qui a marqué les esprits et fait se lever toute la salle.
Rachel Kéké arrive devant l’école, sous les applaudissements. Elle prend le temps de saluer chacune des personnes présentes. L’émotion est déjà palpable. Plusieurs centaines de militantes et militants commencent à entrer dans la salle. Ce soir, c’est le lancement de campagne. Les gens prennent place sur les chaises d’écoliers. La salle est pleine à craquer.
« On est accrochées à la cravate de Sébastien Bazin. N’acceptez pas le mépris, la lutte paye : nous sommes allées arracher les 1600 euros » : Rachel Kéké
Après un premier tour de prises de parole, vient le moment attendu. Rachel Kéké prend le mike. Et l’atmosphère monte tout de suite d’un cran. « Nous sommes des mères de familles rabaissées ! Les clients pensent que nous sommes des déchets. On est mal payées. On abuse de nous. Les femmes de chambres pleurent. J’arrive à l’Assemblée, on va vous dénoncer ». La salle est déjà debout.
Rachel Kéké enchaîne. « On ne va pas lâcher la lutte. On est accroché à la cravate de Sébastien Bazin (le PDG du groupe hôtelier Accor, ndlr). Sachez que les femmes de chambres vont rentrer à l’Assemblée nationale. N’acceptez pas le mépris. La lutte paye. Nous sommes allées arracher 1600 euros. La lutte paye ! ». En mai 2021, après 22 mois de grève, Rachel Kéké et ses collègues obtiennent du groupe Accor une revalorisation des qualifications, des salaires, la prise en compte des heures supplémentaires et une prime de repas. Une victoire rarissime pour une mobilisation hors norme, la plus longue de l’Histoire de l’hôtellerie en France.
« Je vais leur tenir tête. Une guerrière arrive à l’Assemblée. Je sais qu’ils ont peur. Quand ils entendent femmes de chambres, ils tremblent. Rachel Kéké arrive ! L’Assemblée nationale va trembler ». En attendant de faire raisonner les murs de l’hémicycle et de faire se lever ses futurs collègues députés, la salle de classe est debout. Le talent oratoire est là, indéniable. La perspective de voir Rachel Kéké enfiler le costume de tribune du peuple dans un mois, promet.
Grâce aux insoumis, de vrais représentants du peuple à l’Assemblée
L’Assemblée nationale était composée de… 0% d’ouvrier, lors de la précédente mandature. En 2017, les insoumis ont déjà fait élire Caroline Fiat, première aide-soignante députée de l’Histoire, Adrien Quatennens, standardiste dans une centrale téléphonique, ou encore Jean-Hugues Ratenon, au RSA activité. Cette fois-ci, la perspective de voir entrer Rachel Kéké, mais également Carlos Martens Bilongo ou Mohamed Bensaada, militants des quartiers populaires, Damien Maudet, potentiel plus jeune député de l’Histoire de gauche et militant de la France rurale, ou encore Aurélie Trouvé, figure des mouvements sociaux, est prometteuse.
Une bouffée d’oxygène dans une 5ème République à bout de souffle, composée essentiellement de représentants politiques… pas du tout représentant du peuple. La sociologie des députés LREM de la précédente mandature ne trompe pas : très forte surreprésentation des chefs d’entreprise (17%), de cadres supérieurs et dirigeants (20%), de membres des professions libérales (12%). Pour un impressionnant total de 68,6% des 308 députés LREM élus en 2017 appartenant aux classes supérieures. Contre seulement 8,5% d’employés du secteur public et privés et 0% d’ouvrier (catégories socioprofessionnelles représentants… 45% de la population active en 2021, ndlr).
« Mélenchon Premier ministre, 1500 euros net pour les essentiels du pays. Les Gilets Jaunes ne sont pas descendus dans la rue pour rien » : Rachel Kéké
« Si Jean-Luc Mélenchon est Premier ministre, 1500 euros net pour tous les essentiels du pays. Les Gilets Jaunes ne sont pas descendus dans la rue pour rien. Il serait temps de respecter le peuple. N’abandonnez pas la lutte, Rachel Kéké arrive à l’Assemblée pour rendre les invisibles visibles ! ». Ces essentielles, femmes de chambres, caissières, infirmières, aides soignantes, institutrices, AESH, ces invisibles « qui ne sont rien » pour le président, mais qui portent le pays sur leur dos. Prise de conscience il y avait eu, au moment du premier confinement, des applaudissements aux balcons tous les soirs à 20 heures, bien éphémère.
« Notre pays, tient tout entier, sur des femmes et des hommes que nos économies rémunèrent si mal ». Ce n’est pas l’insoumission ou Rachel Kéké qui le dit, mais Emmanuel Macron, le 13 avril 2020. Depuis, malgré l’explosion des prix, on a reçu des miettes. La prime Castex de 100 euros, et seulement 0,9% du « plan de relance » d’Emmanuel Macron consacré aux plus fragiles. « Et en même temps », des milliards déversés sur les grands groupes, sans aucune contrepartie.
« Une journaliste a demandé : avez-vous formé Rachel Kéké à LFI ? J’ai besoin d’une formation pour savoir le prix du kilo de riz ? »
Le programme économique du gouvernement, en cas de nouvelle majorité macroniste à l’Assemblée en juin, tient en un mot : austérité. Tel est le pacte de stabilité envoyé par la France à Bruxelles, avec pour objectif réactionnaire de redescendre sous la barre des 3% de déficit à l’horizon 2027. Nul besoin d’une maîtrise en économie pour affronter le vide macroniste. Mais Sophie de Ravinel, s’inquiète. « Une journaliste a demandé à Alexis Corbière : avez-vous formé Rachel Kéké à LFI ? J’ai besoin d’une formation pour savoir le prix du kilo de riz ? Je n’ai pas envie de devenir comme vous. Ils ne connaissent pas la souffrance des quartiers populaires ! ». Rachel Kéké 1, Sophie de Ravinel 0.
Ce qui manque cruellement à l’Assemblée nationale, c’est le réel. Ramener du réel en politique, le souhait le plus fort de l’écrivain Édouard Louis. L’objectif de Rachel Kéké à l’Assemblée nationale. Balancer au visage des macronistes, la réalité de la crise sociale qui fracasse le pays. Que ceux qui baissent les APL, se représentent tout ce qu’on peut s’acheter avec 5 euros. Que ceux qui refusent de bloquer les prix, alors que la Commission européenne vient de donner raison à l’Espagne et au Portugal, sachent le prix du kilo de riz et la difficulté de survivre avec 55 euros dès le 10 du mois, pour 38 millions de Français.
« Rachel Kéké à l’Assemblée : un message exceptionnel pour toutes les invisibles, un message envoyé à tout le pays »
« On a une chance d’écrire l’Histoire. Je ne connais personne du profil de Rachel Kéké à l’Assemblée nationale. Son combat pour les femmes de chambre force le respect. Ce serait un message exceptionnel pour toutes les invisibles, un message envoyé à tout le pays ». Les prises de paroles se succèdent après celle de Rachel Kéké, pour rendre hommage à la combattante. Vient le tour de Stéphanie Daumin, maire de la commune.
« En 10 ans, on a en eu des combats : silence radio du député (Jean-Jacques Bridet, député de la circonscription de 2012 à 2022, PS puis LREM, ndlr). Rachel Kéké sera là quand on aura besoin d’elle. Face à la situation catastrophique du logement, à 6 dans un T2, besoin de Roxana Maracineanu ou Rachel Kéké à l’Assemblée ? ». Renaissance (LREM) vient en effet de parachuter la désormais ancienne ministre des sports dans la circonscription.
L’hommage de Farida Chikh, l’infirmière dans le viseur de la macronie
Vient ensuite le tour d’une invitée d’honneur de prendre la parole.« J’ai été condamnée car j’ai défendu l’Hôpital, car je veux continuer à soigner les gens dignement. Rachel Kéké je tremble devant toi, ton combat me rend toute petite, je serai tellement fière que tu sois députée ». Farida Chikh, infirmière et suppléante de Mathilde Panot, est particulièrement émue. Elle est en train d’affronter une vague médiatique lancée par la macronie.
Une cabale tentant de décrédibiliser le rapport des insoumis aux institutions, oubliant un peu vite que Farida Chikh se bat depuis 20 ans pour l’hôpital public, oubliant les 17 900 lits d’hôpitaux supprimés sous Macron, oubliant les 120 services d’urgence actuellement en immense souffrance dans le pays, préférant s’indigner de la colère d’une soignante que des ravages d’un système hospitalier fracassé par l’austérité.
« Je ne voulais plus aller voter, la gauche nous a laissé tomber. Ce qui m’a plu ce que vous ne voulez pas être députée pour vous, mais pour les autres »
« Je ne voulais plus aller voter, j’en avais marre, la gauche nous a laissé tomber. Ce qui m’a plu en vous Rachel Kéké, c’est que vous ne voulez pas être députée pour vous, mais pour les autres ». L’avant dernière prise de parole est celle d’un habitant de la circonscription. L’Union Populaire a réussi cette prouesse lors de la présidentielle : ramener massivement des habitants des quartiers populaires dégoûtés de la politique, aux urnes.
Et pour ces élections législatives, la participation populaire est le défi central, si la gauche veut obtenir une majorité de députés pour gouverner le pays. Des élections législatives où l’abstention va de record en record à chaque scrutin. Mais cette fois-ci, le coup de « Mélenchon Premier ministre », semble prendre. La communication autour d’un troisième tour permettant d’empêcher Macron d’avoir un nouveau mandat, et de mettre en place le SMIC à 1500 euros net, le blocage des prix, la retraite à 60 ans, la règle verte ou la 6ème République, semble imprégner y compris dans les quartiers populaires.
La cerise sur le gâteau : l’arrivée inattendue et le discours de clôture signé… Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée
Clou du spectacle, une invitée de marque. Sous les coups de 22 heures, la présidente du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale, prend la parole. Après s’être excusée du retard, du fait d’un combat mené depuis l’aube aux côtés de sans papiers sur sa circonscription, Mathilde Panot insiste sur l’importance de faire élire Rachel Kéké à l’Assemblée nationale.
« Rachel Kéké représente bien plus qu’elle même. Elle représente une lutte victorieuse, un exemple de courage. Avec Caroline Fiat, avec Adrien Quatennens, avec Jean-Hugues Ratenon, nous avons fait l’expérience du mépris macroniste à l’Assemblée. 5 ans après, ils ont ravalé leur mépris ! Rachel Kéké à l’Assemblée nationale, c’est l’assurance non seulement d’envoyer le réel face aux macronistes, mais c’est aussi l’assurance d’avoir une combattante pour défendre l’ensemble des invisibles, toutes les essentielles de ce pays ! Vous avez énormément de chance de l’avoir comme candidate ».
Parce qu’elle sait de quoi elle parle, parce qu’elle sait ce qu’elle va défendre, et surtout, parce qu’elle sait pour qui elle se bat, Rachel Kéké à l’Assemblée nationale, serait un symbole immense pour tout le pays.
Par Pierre Joigneaux.