Convoi de la liberté. Un mouvement d’espoir, de partage, de fraternité, de solidarité et de revendications populaires jaillit sur la scène politique à 60 jours de l’élection présidentielle, et plutôt que d’écouter, la macronie envoie les blindés pour empêcher le peuple d’accéder à la capitale. Le symbole est fort. Une fois n’est pas coutume, à l’instar du lancement du mouvement des Gilets Jaunes, la bourgeoisie caricature le peuple et se bouche les oreilles. Face à la crise sanitaire, sociale, démocratique et écologique qui fracasse le pays, les revendications sociales sont pourtant omniprésentes dans les cortèges. Il suffit de prendre la peine d’écouter. Le pouvoir d’achat est la priorité absolue des Français pour avril : comment ne pas considérer ce mouvement comme une nouvelle salvatrice à 60 jours de l’élection présidentielle alors que l’abstention ronge notre démocratie ? Notre article.
Le convoi de la liberté : retrouver de la fraternité humaine
« On arrive de Nancy avec le convoi de la liberté, les gens nous ont accueilli comme des héros à Reims c’était magnifique, on a senti de l’espoir, de l’humanité, de l’amour, de la révolte positive ! Je veux témoigner qu’on n’est pas agressif, on est là pour retrouver de l’humain ! ».
Paris. Samedi 12 janvier 2022. 13 heures. Le convoi de la liberté de l’Ouest, arrive enfin à entrer sur la place d’Italie. Drapeaux français aux fenêtres, gilets jaunes sur le pare-brise, les voitures pénètrent en fanfare sur la place, sous les applaudissements des manifestants. Les scènes de liesses se multiplient. Les chants des Gilets Jaunes également.
La fraternité est de sortie. Les gens se parlent. L’atmosphère fait penser très fort au premier acte des Gilets Jaunes : des manifestants viennent nous montrer des images des Champs-Élysées sur leur téléphone, le débat s’enclenche pour savoir s’il faut y aller, sur la plus grande efficacité de petits groupes de manifestants mobiles, plus difficilement saisissables pour les CRS venus en (très) grand nombre.
Des blindés pour bloquer l’accès à la capitale, des citoyens choqués
L’atmosphère est franchement chaleureuse, les citoyens sont heureux de se retrouver, se parler, après ces longs mois de confinement. Des convoyeurs nous racontent l’incroyable chaleur de l’accueil réservé au convoi de la liberté le long du parcours. Haies d’honneur, distribution de nourriture, d’essence, feu d’artifices, repas partagés, applaudissements et hourras sur les ponts et les ronds-points.
L’accueil réservé au convoi à Paris ? Un peu plus glacial. Des véhicules blindés et plusieurs milliers de gendarmes et CRS envoyés pour bloquer l’accès à la capitale. Le symbole est fort. Et il est reçu particulièrement violemment par nombre de manifestants venus de différentes régions du pays. Le peuple monte à Paris, le monarque présidentiel se barricade. La macronie tremble. Sa seule réponse va être, une nouvelle fois, une répression féroce sur les champs Élysées.
Tout démocrate sincère, tout républicain convaincu, quel que soit son bord politique, peut le regretter. Dans la période de tensions et de fractures actuelles dans le pays, que le président de la République refuse d’écouter le peuple, et déploie une nouvelle fois une répression policière particulièrement violente contre lui, a de quoi inquiéter.
Convoi de la liberté : quand la bourgeoisie caricature le peuple et se bouche les oreilles
Prendre la peine de descendre de sa tour d’ivoire, mettre les pieds dans une manifestation et écouter les revendications des citoyens, aurait pourtant pu être intéressant. Que la macronie se rassure, elle n’est pas la seule à s’être bouché les oreilles. La caricature des manifestants faite sur les plateaux des chaînes d’informations en continue, jusque dans certains cercles de la gauche bourgeoise, aurait pu être comique, tant elle ressemble à la caricature faite pour décrédibiliser les Gilets Jaunes, si elle n’était pas pitoyable dans le contexte.
À 60 jours de l’élection présidentielle, dans un pays où l’abstention bat des records historiques, le peuple fait irruption sur la scène politique, monte à la capitale pour exprimer son ras le bol face à la crise sanitaire, sociale, démocratique et écologique qui fracasse le pays, et la seule réponse est la caricature et la répression ?
Convoi de la liberté : l’omniprésence des revendications sociales
« Moi je veux la République la vraie, la République sociale, celle de 1789 à 1794, je veux le RIC, la 6ème République, la justice sociale, l’Égalité, la Liberté et la Fraternité ! ». Cette gilet jaune de la première heure, drapeau français à la main, attend simplement que la République tienne ses promesses. Une autre manifestante, d’une bonne soixante d’année, qui n’avait pas participé aux Gilets Jaunes, est venue en soutien au convoi des libertés : « ce qui me manque c’est que les gens se révoltent, il faut qu’on arrête de penser individuel, faut qu’on pense collectif ! ».
Plus loin, plusieurs convoyeurs nous distribuent des tracts d’appels à rejoindre le convoi de la liberté. « L’intensification dramatique de la pauvreté n’est que le revers des records sans précédent du CAC 40, de l’évasion fiscale des plus riches, de la destruction des services publics et de l’hôpital (…). Nous voulons tout simplement retrouver les moyens de vivre décemment ». Le message est social, fraternel, écologiste, mettant l’accent sur la priorité absolue des Français pour cette présidentielle : le pouvoir d’achat.
Quand les milliers de manifestants présents place d’Italie se mettent en mouvement pour former un cortège impressionnant direction Bibliothèque François Mitterrand (BNF), quel est l’inscription sur la banderole de tête ? « Flambée des prix, flambée des colères ». Juste derrière, une pancarte indique : « Frigo vide !!! 3 millions d’enfants pauvres ». On croise une soignante qui nous exprime son ras le bol face à l’abandon de l’Hôpital public, que l’insoumission a pu constater la veille à l’Hôpital Robert Debré.
« Pompiers, soignants piétinés, carburants révoltants, énergie hors de prix, pass sanitaire délétère, libertés contrôlées, politiques oniriques, non aux oppressions ! » indique plus loin l’inscription au dos d’un gilet jaune. Un manifestant, la cinquantaine, gilet jaune et chapeau bleu blanc rouge sur la tête, insiste sur le pouvoir d’achat. Il nous parle de l’explosion des prix de l’essence, et des profits faramineux des grands groupes. 15 milliards de bénéfices, un chèque de 5 euros pour les gueux ? Total se gave et vous jette les miettes.
Le convoi de la liberté : le retour des Gilets Jaunes à 60 jours de la présidentielle ? Une bonne nouvelle pour la campagne !
Alors oui, un autre cortège, parmi les 6 cortèges parisiens de ce samedi, celui des patriotes de Florian Philippot, comportait son lot de militants d’extrême-droite, de complotistes, d’anti-vax, de « milieux conspis » pour reprendre l’expression consacrée dans les tours d’ivoires parisiennes, mais comment résumer l’ensemble du mouvement, toutes ces citoyennes et ces citoyens venus jusqu’à Paris exprimer leur ras le bol social, sanitaire, démocratique et écologique, à cette caricature ?
Comment ne pas considérer comme une bonne nouvelle que le peuple fasse son retour sur la scène politique, tente de ramener la crise sociale qui fracasse le pays à l’agenda politique à 60 jours d’une élection présidentielle cruciale pour l’avenir du pays ? Comment ne pas considérer comme une bonne nouvelle tous ces gilets jaunes portant fièrement le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), dans une 5ème République à bout de souffle où plus de la moitié du peuple reste désormais chez lui les dimanches d’élections ?
Et surtout, comment ne pas considérer comme un soulagement, ce retour de la rue, du mouvement social, ce besoin de partage, de fraternité, de solidarité humaine, dans le contexte de fracture actuel ? Cette citoyenne, sans doute visionnaire du traitement médiatique qui allait être fait du convoi des libertés, d’insister : « C’est de la révolte positive, de l’espoir, de l’humanité, de l’amour ! Je veux témoigner qu’on n’est pas agressif, on est là pour retrouver de l’humain ! ».
Les gilets jaunes avaient été grossièrement caricaturé. La réponse du pouvoir avait été la même à l’époque : la répression plutôt que l’écoute. Au regard des images du déchaînement de violences policières hier soir sur les champs Élysées, la macronie semble répéter la même erreur. Mais pendant de longues heures, la répression n’aura pas suffit à faire taire les milliers de citoyennes et de citoyens montés à Paris.
Le pouvoir d’achat est la priorité absolue des Français pour déterminer leur vote en avril, suivi de la santé et de l’environnement. Loin, très loin devant l’obsession identitaire des différentes nuances de droite dans ce pays. Non, les priorités des Français ne sont pas celles de Bolloré. Non, les Français ne sont pas de droite. Ils sont même (très) largement favorable au partage des richesses, à la bifurcation écologique et à la 6ème République.
Bonne nouvelle, le débouché politique à la crise sociale, écologique et démocratique qui ronge notre pays, est aux portes du second tour. Il a rassemblé 7 millions de personnes et près de 20% des suffrages la dernière fois, passant à 600 000 voix du second tour. Aujourd’hui, son programme est ultra majoritaire dans le pays. Le seuil d’accès au second tour est beaucoup plus bas et le rapport de force à gauche s’est enclenché beaucoup plus tôt que la dernière fois. Les renforts de personnalités du champ associatif, syndical, artistique, intellectuel et politique ne cesse d’affluer pour renforcer la dynamique de l’Union populaire. Il reste 60 jours pour convaincre les citoyens, nous n’avons plus 5 ans à perdre.
Par Pierre Joigneaux.
Pour aller plus loin : 3 ans des Gilets jaunes, quel programme de 2022 correspond le mieux à leurs propositions ?.