« Monsieur le Président, jusqu’où faudra-t-il aller ? Nous sommes aujourd’hui un million de voix contre les violences policières et racistes » : la lettre au vitriol adressée au Président de la République par plusieurs collectifs citoyens, coalise aujourd’hui plus d’un million de signatures. Son message et ses propositions sont clairs. Elle demande que justice soit rendue pour toutes les familles de victimes de violences policières, et rappelle notamment l’urgence vitale d’interdire les techniques d’immobilisations létales.
Une lettre à l’initiative de la famille de Lamine Dieng, tué par la police le 17 juin 2017 à Paris
« Vous n’êtes pas le premier Président de la République auquel nous, familles et collectifs ayant perdu un proche aux mains de la police, envoyons nos pétitions et nos revendications ». C’est par ces mots que commence cette lettre adressée à Macron. À l’initiative, la famille de Lamine Dieng, décédé suite à un plaquage ventral au cours d’une opération de police le 17 juin 2007 à Paris. Cela fait maintenant plus de 13 ans que le collectif Vies Volées se bat pour obtenir que justice soit faite autour de ce décès. Il aura fallu attendre 11 ans, et une requête auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en 2018, pour que l’État français finisse par reconnaître en octobre dernier sa responsabilité dans le meurtre de Lamine Dieng et verse les indemnités fixées par le CEDH.
Un motif d’espoir ? Cette décision de justice internationale affirme en effet le droit des victimes. Mais le chemin est encore long. L’objectif de cette lettre est simple : « un procès public pour déterminer la vérité sur les conditions de la mort de nos proches et que le code pénal soit appliqué à l’égard des responsables ». Certains noms de victimes sont devenus célèbre depuis la déflagration de la mort de George Floyd aux États-Unis et les marches historiques qui ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre le mardi 2 juin, et plusieurs centaines de milliers de personnes Place de la République à Paris le samedi 13 juin, à l’appel du collectif Vérité pour Adama.
L’urgence vitale d’interdire les techniques d’immobilisation létales
Abdelhakim Ajimi, Abou Bakari Tandia, Ricardo Barrientos, Mohamed Boukrourou, Abdelilah El Jabri, Lamine Dieng, Wissam El Yamni, Mariame Getu Hagos, Abdelhak Goradia, Amadou Koumé, Allan Lambin, Mamadou Marega, Serge Partouche, Mohamed Saoud, Adama Traoré, Cédric Chouviat. Tous sont morts des suites de l’utilisation par la police d’une technique d’immobilisation létale. Adama Traoré est devenu le symbole de cette lutte pour que justice soit enfin rendue. Cette semaine, c’est le dossier de Cédric Chouviat qui est revenu sous le feu des projecteurs. Ce père de 5 enfants est mort le 3 janvier dernier à Paris suite à une fracture du larynx. Mort causée, une fois de plus, par l’utilisation d’une technique d’immobilisation létale par la police. Les enregistrements du téléphones du défunt, dévoilés cette semaine, révèle que Cédric Chouviat a répété à sept reprise : « J’étouffe ». Ce seront ses derniers mots.
« Nous demandons l’interdiction des techniques d’immobilisation qui étouffent et tuent : plaquage ventral, pliage, clé d’étranglement ». Cette lettre au Président tombe à pic. Son ministre de l’intérieur, après avoir annoncé la fin des techniques d’étranglement, est en effet revenu sur ses propos sous la pression de deux syndicats policiers d’extrême droite. La France insoumise a déposé depuis de longs mois une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant l’interdiction de ces techniques d’immobilisation létales.
Violences policières : le bilan macabre de Macron
Cette lettre demande au Président de la République de briser l’omerta et « d’oser affronter les réalités et l’impunité des violences racistes et policières ». Le pays se soulève depuis maintenant plusieurs semaines pour réclamer » justice pour nos George Floyd « . Christophe Castaner et son bilan sanglant sont pourtant toujours en poste. Tout comme le préfet Didier Lallement à Paris. L’homme à l’origine de la répression féroce de la marche des droits des femmes, tirées par les cheveux par les CRS dans les bouches de métro parisiennes. Sa doctrine de maintien de l’ordre peut maintenant se vérifier à l’occasion de chaque manifestation à Paris. Derniers exemples en date : la manifestation antiraciste du 13 juin bloquée Place de la République et celle des soignants du 16 juin stoppée sur l’esplanade des Invalides. Deux lieux, une même recette. Autoriser la manifestation, l’interdire au moment du départ, nasser les manifestants sur une place, envoyer les gaz lacrymogènes. L’objectif : tout faire pour que ça dégénère. Afin de pouvoir montrer ensuite les images en boucle sur les plateaux télés, et ne surtout pas parler des revendications des manifestants.
Problème : les violences policières sont devenues trop visibles. Les gilets jaunes en ont fait l’expérience dans leur chair : mains arrachées, yeux crevés, vies brisées. Les quartiers populaires subissent ces violences au quotidien depuis bien trop longtemps. Elles pourraient même constituer un point de jonction entre France des banlieues et France des gilets jaunes. Le collectif Vérité pour Adama était aux manifestations des gilets jaunes. Des gilets jaunes sont présents aux manifestations antiracistes. « C’est vous qui étiez président lors de la mort d’Aboubakar Fofana, de Romain Chevenat, d’Ibrahima Bah, de Cédric Chouviat et tant d’autres (…) lors de la disparition de Steve Maia Caniço (…) des Gilets Jaunes (…) lorsque Zineb Redouane, une octogénaire, a été blessée mortellement à son domicile à Marseille par une grenade lacrymogène. » Un bilan macabre rappelé au Président.
Des propositions de bon sens
La lettre se conclue par des propositions au Président de la République :
« – nommer un.e garde des Sceaux que vous chargerez en priorité de faire toute la lumière sur les plaintes pour violences policières ayant entraîné la mort
– l’interdiction des techniques d’immobilisation qui étouffent et tuent : plaquage ventral, pliage, clé d’étranglement
– l’interdiction des armes classées armes de guerre (LBD et grenades) sur la voie publique
– la création d’un organe indépendant d’enquête sur les plaintes pour violences commises par une personne dépositaire de l’autorité publique »
Propositions portées dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale par les députés insoumis. Le temps presse. Les familles et les proches des victimes demandent justice depuis bien trop longtemps. À travers tout le pays, les poings se brandissent. Les larmes ont assez coulé. Plus Jamais ça.
Par Pierre Joigneaux