« J’étouffe » : le cri d’agonie répété 7 fois par Cédric Chouviat aux policiers

« J’étouffe» répété sept fois. Ce sont les derniers mots qu’a prononcé Cédric Chouviat. Les enregistrements du téléphone du livreur ont été dévoilés par Médiapart et Le Monde le lundi 22 juin. Dès le début du contrôle de police, Cédric Chouviat avait commencé à filmer ses échanges avec la police avec son téléphone. Les fichiers éclairent les circonstances de la mort du père de famille de 42 ans d’un jour nouveau.

Les déclarations des policiers en contradiction avec des enregistrements audios

Lors de leur audition par l’IGPN, les policiers ont déclaré que Cédric Chouviat s’était montré « irrespectueux », « agressif » et « menaçant ». Ce comportement aurait entraîné son interpellation, et c’est en tentant de se débattre pour y résister qu’il aurait trouvé la mort. Pourtant dans les 12 minutes d’enregistrements du contrôle routier, aucune insulte n’est proférée par le livreur. Tandis que les policiers eux s’agacent d’être filmés par Cédric Chouviat et le poussent à plusieurs reprises. « J’ai le droit de filmer », rappelle-t-il lorsque l’un des policiers lui lance : « C’est beau de vous mettre en spectacle. » Alors que les policiers le pousse, le livreur répète : « Ne me touchez pas »« Vous, ne me poussez pas, vous n’avez pas le droit de me pousser comme ça, Monsieur ».

Les policiers semblent guetter le moindre dérapage, et multiplient les provocations en reprenant parfois les paroles de Cédric Chouviat pour vérifier s’il ne s’agit pas d’un outrage. « Énervez-vous », lui lance même l’un des policiers stagiaires. Un autre policier va même jusqu’à dire à Cédric Chouviat : « Vous croyez que je vais me mettre à quatre pattes et que je vais vous sucer la bite aussi ? »

Alors que le contrôle aurait pu s’arrêter là, et que les policiers s’éloignent, l’un d’entre eux croit entendre une nouvelle insulte, « Vous avez dit quoi ? »« espèce de pauvre… ? »« fils de pute ? », demande-il en ressortant de son véhicule. C’est faux, Cédric Chouviat a dit : « pauvre type ».

À nouveau poussé par un policier, Cédric Chouviat déclare, à plusieurs reprises, qu’il porte plainte. D’après Médiapart qui a eu accès aux enregistrements, son ton laisse transparaître de la peur et de la colère. Il est 10 h 07. Tout va aller très vite. 3 agents lui font une clé d’étranglement et le maintiennent au sol avec la technique dite du plaquage ventral. Le livreur porte encore son casque de scooter sur la tête.

D’après les enquêteurs, les enregistrements ne permettent pas de savoir comment se passe alors la suite, mais ils précisent dans leur rapport : « Nous entendons différents bruits que nous ne sommes pas en mesure d’identifier formellement. Ils peuvent être dus aux frottements sur le microphone ». À l’exception toutefois des bruits des menottes, clairement identifiables, suivis d’un « c’est bon, c’est bon, bracelets OK » d’un policier. Cédric Chouviat semble en difficulté, il dit : « Arrête »« je m’arrête ».

Puis, Cédric Chouviat, 42 ans, prononce à sept reprises ses derniers mots :  « j’étouffe ».

Pendant près de cinq minutes, selon les enregistrements, Cédric Chouviat reste ainsi au sol sur le ventre, encore casqué, et menotté. Vers 10 h 13, il est inanimé. Les policiers tentent un massage cardiaque. Selon le compte rendu d’hospitalisation, « il présente des signes d’atteinte cérébrale très grave, due au manque d’oxygène. » Cédric Chouviat décède 2 jours plus tard le 5 janvier, au service de réanimation de l’hôpital européen Georges-Pompidou. 

La clé d’étranglement et le plaquage ventral, des techniques connues comme problématiques

Aujourd’hui, la famille de la victime par la voix de ses avocats appelle à interdire l’usage de la clé d’étranglement et du plaquage ventral par les agents de police. Ces techniques sont déjà interdites depuis plusieurs années dans certains pays en raison de leur dangerosité. En France, le groupe parlementaire de la France insoumise a déposé une proposition de loi en ce sens visant l’interdiction des techniques d’immobilisation létales.

Mais aujourd’hui l’interdiction semble bien loin. Alors que le 8 juin le ministre de l’intérieur Christophe Castaner annonçait que la clé d’étranglement ne serait plus enseignée dans les écoles de police, il a ensuite rétropédalé face à la pression des syndicats de policiers. En effet, une semaine seulement après sa déclaration, il annonce que la pratique de la clé d’étranglement pourra continuer à être utilisée « avec mesure et discernement ». Plus jamais ça. Justice pour Cédric.

Par Zoé Abrahams.