Dépressions, famines, suicides : on a oublié les étudiants ?

Cachez cette souffrance étudiante que je ne saurais voir. La vague de suicides étudiants ? Les images de queues interminables pour pouvoir manger ? Une semaine en janvier, puis plus rien. Médias et gouvernement se sont détournés du sujet, préférant se passionner pour une polémique sur les groupes de paroles partie d’une interview initialement prévue sur… la détresse étudiante. Pourtant, les chiffres de la dépression qui fracasse notre jeunesse sont alarmants. Notre article.

La détresse étudiante ? La lumière puis plus rien

Aux oubliettes. Après avoir été médiatisée le temps d’une semaine en janvier, la détresse étudiante a disparu des écrans. Aussi vite qu’elle est apparue. La terrible vague de suicides étudiants qui a endeuillée notre pays avait pourtant attirée les projecteurs. Les témoignages et les cris d’alarmes avaient inondé les réseaux sociaux avec le hashtag #etudiantsfantomes. Mais le champ médiatique est ainsi fait : la lumière puis plus rien.

Les soignants peuvent en témoigner. Elle est loin l’époque des applaudissements tous les soirs à 20 heures. Celle où, chaque soir, les médias donnaient le nombre de morts et diffusaient des sujets dans les hôpitaux. L’équivalent d’un avion rempli de Français se crash chaque jour, mais cette réalité est beaucoup moins mise en avant. Le mécanisme médiatique est le même pour la détresse étudiante : les images des gigantesques files d’attentes devant les collectes alimentaires se sont volatilisées.

Plus d’un jeune sur 4 souffre de dépression selon Santé Publique France

Pourtant, les queues interminables pour pouvoir manger n’ont pas disparues. La dépression et les idées suicidaires non plus. Un récent sondage Ipsos pour France Télévisions estime que 75% des des 18-25 ans se sont sentis « tristes, déprimés ou désespérés » dans le contexte de la pandémie de Covid-19. L’insoumission alertait dès janvier sur les effets dramatiques du confinement sur la santé morale : 1 Français sur 5 souffrirait de dépression selon Santé Publique France. Et les chiffres sont particulièrement alarmant pour chez les jeunes : ce sont 25% des 25-34 ans et 29% des 18-25 ans interrogés par Santé Publique France qui souffriraient de dépression.

Dépressions, suicides, famines ? La ministre de l’enseignement supérieur préfère s’attaquer à l’« islamo-gauchisme ». Les médias ? Quand les représentants des syndicats étudiants sont invités pour parler détresse étudiante, on préfère leur parler non mixité. Mélanie Luce, porte-parole de l’UNEF, en aura fait les frais chez Europe 1 le 17 mars. C’est de cette interview qu’est partie la polémique sur les groupes non mixtes. Sujet dont les médias se sont éperdument épris ces derniers jours, oblitérant totalement la détresse étudiante. Sur 12 minutes d’émission, Sonia Mardouk laissera à la représente étudiante… une petite minute pour parler de la souffrance étudiante qui fracasse notre pays. Le sens des priorités. Pendant que l’on s’échappe sur les plateaux à débattre de groupes de paroles non décisionnels, notre jeunesse continue à crever dans l’indifférence quasi générale.

Le leader des insoumis, Jean Luc Mélenchon, l’a annoncé le 15 mars sur France Inter : la quatrième vague sera psychologique. Et elle touchera beaucoup plus largement que les seuls étudiants. Selon un baromètre de la santé psychologique des salariés français en période de crise, réalisé par OpinionWay et présenté le mardi 23 mars, la détresse psychologique touche… 45% des salariés français. Le taux de dépression nécessitant un accompagnement chez les salariés explose. Il passe à 36%, soit 15 points supplémentaires par rapport à décembre 2020, tandis que le nombre de dépressions sévères a doublé en un an. Pourtant, le gouvernement continue à fermer des lits d’hôpitaux. Une récente tribune du collectif inter-hôpitaux réclame d’urgence des moyens ambulatoires et hospitaliers pour la psychiatrie suite à la fermeture de plus de… 70 000 lits dans notre pays. Le manque de moyens pour l’accompagnement psychologique face à la vague de dépressions et de suicides étudiants est criant. Le manque de moyens pour soutenir financièrement les étudiants face à la crise sans précédent que nous traversons l’est tout autant. Le gouvernement refuse toujours la proposition des insoumis d’étendre le RSA aux moins de 25 ans. Tout en continuant « en même temps » à déverser des milliards sans aucune contrepartie sur les entreprises qui licencient. Chacun ses priorités.

Par Pierre Joigneaux.