Ce mercredi 20 janvier, plusieurs centaines d’étudiants ont organisé une minute de silence au pied du Panthéon à Paris en mémoire des étudiants qui se sont suicidés. Face à la vague de suicides étudiants que connaît notre pays ces dernières semaines et ces derniers jours, la réponse du gouvernement ? Un numéro vert.
Vague de suicide et cri d’alertes des étudiants
Notre jeunesse va mal. Très mal. En avril, c’est un jeune de 23 ans qui s’est suicidé sur le campus d’HEC. Fin août, c’est un étudiant de 25 ans qui s’est suicidé sur le campus de l’Université de la Rochelle. En août et en septembre deux étudiants se sont suicidés en Nouvelle Calédonie. À la rentrée ce sont un étudiant en école d’architecture et un autre à l’IEP de Toulouse qui ont mis fin à leurs jours. En septembre et en novembre, deux étudiants se sont suicidés à Montpellier. Comme si ça ne suffisait pas, à cette liste macabre sont venus s’ajouter deux nouvelles tentatives de suicides en ce début janvier 2021.
Ce 9 janvier un étudiant a essayé de se suicider en se défenestrant à l’Université Lyon 3. Quatre jours plus tard, ce 13 janvier, de nouveau à Lyon, une étudiante a également essayé de mettre fin à ses jours en sautant de la fenêtre de sa résidence universitaire. Au delà de l’ampleur abyssal des chiffres détaillés plus haut, les témoignages sont déchirants. Ils se sont multipliés les derniers jours sur les réseaux sociaux avec le #étudiantsfantômes.
L’insoumission a choisi de publier un cri d’alerte d’un de ces étudiants. En voici un passage : « C’est le cœur lourd que je viens à vous aujourd’hui. Le cœur lourd et meurtri que je lance cet appel. C’est le cœur lourd que je vous annonce qu’aux alentours de 2h du matin, le 9 janvier 2021, un bruit sourd et fort se fit entendre au sein d’une résidence universitaire. Le bruit de l’éclatement d’une vitre qui vint briser le silence de la nuit suivi, des éclats de verre sur le sol, d’un hurlement, d’un bruit sourd suivi d’un silence et, pour la dernière fois le cri d’un étudiant, camarade d’amphithéâtre, exprimant la douleur qu’il ressentait étendu
sur le sol. Vous l’aurez malheureusement compris. Nous ne pouvons simplement tourner la tête. Nous ne pouvons simplement croire que nous faisons actuellement le maximum pour les étudiants. »
La réponse du gouvernement ? Un numéro vert
Dépression ? Suicides ? Angoisse ? Avez-vous beaucoup entendu ces mots dans la bouche des ministres depuis le début de la crise sanitaire sans précédents que nous traversons ? Non. Le sujet est invisibilisé, aussi bien dans le champ politique que médiatique. La dépression double dans le pays ? Un non sujet. Les chiffres ci-dessus font pourtant état d’un impact considérable et inquiétant de la situation épidémique sur la santé mentale de la population. Malgré ça, aucun représentant de la santé mentale n’est nommé au sein du Conseil Scientifique.
Le gouvernement ne semble une fois de plus pas prendre conscience de la gravité de la situation. Sa réponse ? Un numéro vert. Pour changer. Peu importe que les professionnels de la psychiatrie aient pointé la vacuité d’un numéro vert de prévention suicide si celui-ci n’est pas en mesure d’orienter vers des services de soins et de suivi adaptés du fait de leur saturation. Car oui, une fois n’est pas coutume, l’austérité coûte cher en vie humaine. Comme dans l’Hôpital Public. « Vous comptez les sous, on comptera les morts » avertissait une banderole dans une manifestation de soignants avant même l’arrivée du Covid-19.
Les délais d’attente pour un premier rendez-vous en Centre Médico-Psychologique (CMP) dépassent généralement les 6 mois et peuvent monter à 1 an ou plus. Une des conséquences du premier confinement a été l’arrêt de l’accueil des nouveaux patients dans la quasi-totalité des structures de premier recours en santé mentale. Mais même avant la crise sanitaire, la psychiatrie souffrait déjà d’une saturation des dispositifs tant de premier recours en santé mentale (CMP notamment) que des places d’hospitalisation en urgences psychiatriques. Mais le gouvernement n’a pas l’air d’y accorder plus d’importance que ça. Suicidez-vous, les ministres continueront à dormir sur leurs deux oreilles.
Les insoumis demandent l’instauration du RSA pour les moins de 25 ans, le gouvernement refuse
C’est bien le confinement qui a provoqué cette explosion des dépressions dans le pays. Les êtres humains sont des êtres sociaux. On ne peut pas enfermer les gens sans conséquences. Imaginez les effets psychologiques de mois entiers passés confinés dans un 9m2, tout seul, avec des cours à distance. La perte de sens et de confiance en l’avenir explose chez les étudiants. Parmi les facteurs identifiés d’aggravation de la prévalence des troubles en santé mentale chez les jeunes, la précarité économique, l’isolement et l’incertitude quant à l’avenir sont des facteurs déterminants.
Les députés insoumis ont réclamé l’instauration de toute urgence du RSA pour les moins de 25 ans. Face à la suspension des jobs étudiants avec le confinement, certains étudiants se retrouvent sans aucunes ressources. À faire la queue dans les soupes populaires pour pouvoir manger, livrés à eux même. Réponse du gouvernement ? Refus de Bruno le Maire ce 15 janvier d’instaurer le RSA pour les moins de 25 ans. Qu’ils crèvent la gueule ouverte. Idem pour la proposition de François Ruffin visant à sortir la psychiatrie de la maltraitance budgétaire. Aux oubliettes. En « même temps », le gouvernement continue à déverser des milliards sans aucune contrepartie à des entreprises qui continuent à licencier et à gaver leurs actionnaires. Chacun ses priorités.
Par Pierre Joigneaux.