loi d'orientation agricole

Loi d’orientation agricole : LFI a présenté son contre-projet

Un contre-projet de loi d’orientation agricole pour une agriculture durable et des agriculteurs rémunérés dignement. Les agriculteurs disparaissent. La France en perd 8 000 chaque année. Un agriculteur se suicide tous les 2 jours. Le modèle actuel ne leur permet pas d’exercer leur travail : faible rémunération, concurrence déloyale à cause des traités de libre-échange, difficulté d’accès à la terre, etc. Dans le même temps, les Français n’arrivent plus à se nourrir correctement : la précarité alimentaire explose. En un an, les prix alimentaires ont augmenté de 10%, tandis que les prix agricoles ont diminué de près de 10%. Ultime symbole d’un dysfonctionnement systémique.

Face à ce constat, le Gouvernement a présenté son projet de loi d’orientation agricole. « Un texte vide et déconnecté des attentes du monde agricole » selon les députés insoumis. Le groupe parlementaire LFI a directement répliqué en proposant un contre-projet de loi, dont le mot d’ordre est celui-ci : « Pour des agriculteurs nombreux, qui nous nourrissent, protègent le vivant et vivent dignement de leur travail ». L’Insoumission revient sur les principales propositions de ce contre-projet. Notre brève.

Le projet de loi d’orientation agricole du Gouvernement : une « coquille vide »

Une « coquille vide », c’est en tout cas ce que jugent les députés insoumis, concernant le projet de loi d’orientation agricole, porté par le camp présidentiel. Et la réalité n’en est pas loin. Comme souvent, le Gouvernement utilise l’écologie comme variable d’ajustement.

Le projet présenté ce mercredi 3 avril 2024 en Conseil des ministres envisage des évolutions inquiétantes pour la protection de l’environnement : dépénalisation des atteintes aux écosystèmes et espèces protégés, simplification de l’arrachage des haies, accélération des procédures contentieuses sur les installations d’élevage (et donc les fermes usines) ainsi que les ouvrages hydrauliques (et donc les projets de méga-bassines), allègement des contraintes en matière d’aquaculture.

Une régression environnementale, mais pas un mot sur les préoccupations centrales du monde agricole, autrement dit « des prix garantis rémunérateurs, un foncier accessible, des moyens pour la bifurcation agroécologique », selon LFI. Un projet gouvernemental qui ne modifie pas l’orientation actuelle majeure, puisque la priorité est toujours donnée au productivisme et à la compétition internationale. Deux axes qui abîment pourtant les agriculteurs et la santé des Français, comme le rappelait l’Insoumission.fr il y a peu.

Pour aller plus loin : Les traités de libre échange tuent les agriculteurs

Les mesures pour faciliter l’installation des agriculteurs sont, elles aussi, jugées insuffisantes. Pour LFI, la question posée actuellement est la suivante : « Comment, dans les 5 ans, installer des dizaines de milliers de fermes engagées dans l’agroécologie ? ». À la marge, comme souvent, le Gouvernement propose une réforme du dispositif « Installation-transmission », essentiellement bureaucratique pour LFI et qui ne permettra pas de « libérer des terres ».

Surtout, aucune perspective sérieuse de régulation du foncier, ou de reconquête des terres nourricières (dépollution et réhabilitation de terres dégradées, politiques de désartificialisation…). Ce projet de loi du Gouvernement est aussi accusé de « passer sous silence la question d’une meilleure rémunération des agriculteurs et de leurs produits ».

Contre-projet LFI : des propositions pour « relever les défis actuels du monde agricole »

« Mettre fin à la compétition généralisée entre les agriculteurs, en Europe ou avec le reste du monde, fixer un cap clair pour transformer le modèle agricole, tels sont les principes qui ont guidé l’élaboration de ce contre-projet » : voici comment la France Insoumise présente son contre-projet de loi d’orientation agricole. Au programme, cinq axes :

  1. Assurer la souveraineté alimentaire avec des agriculteurs nombreux et un revenu garanti
  2. Refonder l’accompagnement à l’installation et à la transmission
  3. Foncier : protéger et partager les terres agricoles
  4. Formation des futurs agriculteurs : réformer les programmes, renforcer les moyens
  5. Planifier la transition écologique et sociale de l’agriculture, accompagner l’adaptation au changement climatique.

Avec ce contre-projet de loi d’orientation agricole, le mouvement insoumis rappelle ses revendications historiques : garantir des « prix planchers » rémunérateurs pour les paysans, garantir aussi l’accès à une alimentation saine et valoriser la production durable française. L’instauration d’un protectionnisme solidaire figure aussi au rang des mesures phares du projet.

Pour l’accompagnement à l’installation, l’objectif est clair : installer « au moins 300 000 agriculteurs supplémentaires ». Pour cela, LFI propose : la mise en place de dispositifs d’accompagnements des candidats à l’installation et d’accompagnement à la transmission pour les agriculteurs qui prennent leur retraite, en parallèle de mesures structurelles pour améliorer la condition agricole. Une de ses mesures concrètes : tripler le budget (450 contre 150 millions d’euros actuellement) consacré aux installations des nouveaux agriculteurs.

Une meilleure protection et une meilleure répartition des terres agricoles est aussi un des enjeux majeurs portés par LFI. Et cette politique d’installation doit prioriser les « petites et moyennes fermes aux projets agroécologiques ». Pour la formation des futurs agriculteurs, l’orientation est claire : « Il faut un système d’enseignement agricole publique robuste, plaçant l’agroécologie et l’agriculture biologique au cœur de ses programmes ». Par exemple, en augmentant le nombre de lycéens formés dans les lycées agricoles publics.

Enfin, la France Insoumise rappelle que « notre système agricole et alimentaire est responsable de 19% des émissions de gaz à effet de serre en France ». Elle propose ainsi de bifurquer, en généralisant « une agriculture fondée sur la compréhension et l’adaptation aux cycles naturels, une agriculture économe en intrants et en machines, autonome et insérée dans le territoire. » Entre autres : protéger les sols agricoles fertiles en accélérant la hausse des surfaces d’agriculture biologique, répondre à la crise de l’eau par des mesures d’urgence pour mieux répartir ce bien commun, planifier la transition écologique du modèle de production agricole en sortant de l’agriculture industrielle, ou encore développer des programmes d’éducation et d’information sur les enjeux de l’alimentation.

Pour ces grands chantiers, LFI liste des dizaines d’outils de mise en œuvre – à retrouver en entier sur leur site internet. Parmi ces outils : tripler le financement des mesures agro-environnementales et climatiques de 260 à 780 millions d’euros, interdire immédiatement les pesticides les plus dangereux (néonicotinoïdes, glyphosate, fongicides SDHI), sortir du système actuel d’aides à l’hectare pour aller vers un système d’aide à l’actif qui favorise l’emploi agricole. D’autres encore : interdire les fermes-usines, rediriger les aides de la PAC vers les petites fermes ou augmenter les productions végétales.

Dans ce contre-projet, LFI rappelle aussi son engagement constant pour la cause agricole, présentant ses près de 15 propositions de loi et de résolution sur le sujet depuis 2019, ainsi que ses 9 missions d’information et sa participation aux différents groupes d’études sur les sujets agricoles en cette XVIe législature.

Le mouvement insoumis conclut son rapport en insistant sur la multitude, la complexité et l’urgence de tous ces défis agricoles. Il appelle à « des réformes de fond, et en particulier une loi d’orientation agricole capable d’inverser les tendances lourdes qui sont à l’œuvre ». Les débats sur le texte auront lieu à partir du 13 mai à l’Assemblée Nationale. L’occasion d’une confrontation de deux visions frontalement opposées entre les insoumis et les macronistes – et leurs amis néolibéraux.

Par Zoé Pébay