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CETA – Défaite cinglante pour Macron, le Sénat rejette l’adoption de l’accord de libre-échange

CETA. Ce jeudi, le Sénat vient de voter à une écrasante majorité (211 contre 44) contre le projet de loi de ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, dit CETA.

Depuis 7 ans, ce traité était en application sans même que le Parlement ne l’ait ratifié. Aussi, alors que 10 États-membres n’ont à ce jour pas décidé de ratifier cet accord, la Commission européenne a considéré que son seul aval suffisait à le faire appliquer en immense majorité de façon « provisoire ». Son rejet marque un désaveu immense pour Macron, Valérie Hayer, cheffe de file macronistes aux européennes et Von Der Leyen, présidente de la commission européenne. Et une bouffée d’oxygène pour les agriculteurs écrasés par la concurrence déloyale auquel ce traité participe.

Depuis 7 ans, le CETA réduit de 98% les droits de douane avec le Canada. 4ᵉ producteur mondial d’OGM, le Canada vend aussi sa viande 30% moins cher qu’en Europe. Tous les secteurs souffrent de cette concurrence déloyale : : alimentation, agriculture, industrie, énergie, etc… Parmi eux : du bœuf traité aux hormones de croissance, des dizaines de produits utilisant des pesticides interdits en Union européenne, du gaz de schiste, etc. L’Insoumission revient sur les enjeux de ce refus et sur les différents aspects ravageurs du CETA sur le plan social, écologique et même démocratique. Notre article.

Sur la forme, une forfaiture démocratique

Alors que 10 États-membres n’ont à ce jour pas décidé de ratifier cet accord, la Commission européenne a considéré que son seul aval suffisait à le faire appliquer en immense majorité de façon « provisoire ». Cela dure depuis 7 ans. En effet, 90% des mesures du CETA sont déjà en œuvre depuis 2017. Un sérieux problème de légitimité démocratique pour un accord conclu en catimini à Bruxelles, bafouant ainsi la souveraineté populaire. Au-delà de la France, ce sont notamment la Belgique, l’Irlande ou encore la Grèce qui n’ont pas ratifié cet accord.

En juillet 2019, le gouvernement français l’avait fait passer à une très courte majorité à l’Assemblée nationale, sans jamais l’envoyer au Sénat, par peur de le voir rejeté. C’est seulement cinq ans plus tard que le texte est finalement discuté au Sénat. Résultat : une immense majorité a voté contre cet accord, rejeté à 211 voix contre 44 l’article premier de l’accord.

Craignant – à raison – de voir le CETA rejeté par le Sénat, les macronistes avaient multiplié ces derniers jours des opérations de communications visant à défendre grossièrement le CETA. Leurs arguments sont faux : le CETA n’a pas fait augmenter les exportations françaises vers le Canada. La députée Aurélie Trouvé avait d’ailleurs débunké ce mercredi tous les arguments du gouvernement dans une vidéo publiée sur Twitter.

Au niveau européen comme national, l’adoption du CETA est donc le reflet des failles démocratiques d’un système qui balaye la souveraineté populaire. Un accord de libre-échange aussi important que le CETA, impactant profondément les conditions de production agricole peut ainsi se voir appliquer sans même que les deux chambres de la représentation nationale aient pu se prononcer.

Sans même non plus que les agriculteurs français aient été consultés sérieusement, malgré leurs nombreuses mobilisations syndicales depuis 2017. D’autres groupements citoyens avaient aussi demandé l’abandon du CETA : c’est le cas notamment de la Convention citoyenne pour le climat en juin 2020. Par ailleurs, 82% des français et des françaises estime que la France doit s’opposer à tout accord de libre-échange avec des pays qui ne réduisent pas suffisamment leurs émissions de gaz à effet de serre ; c’est le cas du Canada.

Par son refus massif du CETA, le Sénat a mis un premier coup d’arrêt à ce processus de contournement de la souveraineté populaire. L’Assemblée Nationale risque, elle aussi, de le refuser, puisque le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue.

Sur le fond, une catastrophe sociale et environnementale du CETA

Depuis son entrée en vigueur à 90 % , les agriculteurs font front uni contre cet accord, comme pour tous les autres du même ordre. Le modèle agricole français, et notamment les plus petites exploitations agricoles familiales, ne sont pas à même de lutter contre les immenses exploitations canadiennes. Déjà en 2019, lors du vote à l’Assemblée nationale, les organisations syndicales agricoles appelaient à l’unanimité à lutter contre ce texte. « Pourquoi les agriculteurs européens devraient-ils continuer de fournir des efforts imposés par l’UE, alors qu’elle les sacrifie délibérément ? », s’interrogeaient différents agriculteurs auprès du journal Le Monde.

Les agriculteurs européens, dont les français en première ligne, ne pourront faire face à la production canadienne et la concurrence déloyale que le CETA instaure. En termes de prix, la viande y est vendue 30% moins cher qu’en Union européenne. L’accord fragilise aussi et surtout des productions déjà en difficulté en France. Par exemple, la production de légumineuses dont la France est déjà importatrice nette. Le CETA a hyper-libéralisé le commerce de légumineuse avec le Canada, premier producteur mondial de légumineuses grâce à leur utilisation de pesticides.

Au niveau environnemental, le CETA est d’ores et déjà un drame écologique. Mécaniquement, le transport de marchandises transatlantiques augmente, et avec lui, les émissions de gaz à effet de serre. Surtout, le Canada utilise plus de 40 molécules de pesticides interdits d’utilisation en UE pour leur dangerosité et leur toxicité. Le Canada est d’ailleurs le 4ᵉ producteur mondial d’OGM. Loin des exigences règlementaires, sanitaires et environnementales que promeut l’UE donc.

Pour les viandes bovines et porcines canadiennes, des antibiotiques de croissances profondément dangereux et interdits en France sont abondamment utilisés. Les normes de traçabilité et de bien-être animal sont également largement inférieures.

Le CETA ne comporte aucune clause miroir pour assurer l’interdiction de ces pesticides , alors que les dirigeants s’étaient engagé à en inclure. La planète et la santé des français sont donc bradés au profit des grands groupes agro-alimentaires.

Le CETA a déjà augmenté et continuera d’augmenter les exportations canadiennes de produits polluants. Depuis 2017, le CETA a permis une hausse de 30 % des exportations de combustibles fossiles depuis le Canada, combustibles issues de sables bitumeux ou de gaz de schistes extrêmement polluants.

Le rejet de l’accord par le Sénat marque un coup d’arrêt essentiel. En effet, si l’accord est finalement ratifié par tous les différents États-membres, la situation empirera à grands pas. Le seul volet pas encore mis en œuvre prévoit un « mécanisme d’arbitrage de règlements des différents entre investisseurs et État ». Ce mécanisme prévoit de donner des pouvoirs exorbitants aux multinationales pour attaquer en Justice les États et les collectivités si la puissance publique décide de mettre en place des mesures protectionnistes. Une forte ingérence des lobbys privés dans la souveraineté de la décision publique.

Les insoumis au premier rang de la bataille contre ces accords de libre-échange

À l’Assemblée comme au Parlement européen, les élus de la France Insoumise sont les premiers – et bien souvent les seuls – à se battre contre ces accords destructeurs. La France Insoumise dénonce depuis des années cet accord mortifère pour l’agriculture, la santé et la planète.

À l’Assemblée Nationale, le groupe LFI a déposé une proposition de loi contre l’accord UE/Nouvelle-Zélande, ainsi qu’une proposition de résolution européenne pour un moratoire sur toutes les négociations commerciales en cours. Au Parlement européen, la France Insoumise fait partie du seul groupe – La Gauche – qui s’est opposée entièrement et frontalement à tous les accords de libre-échange écocidaires et anti-sociaux.

En 2017, une immense partie de l’échiquier politique avait voté pour le CETA au Parlement européen : les libéraux où siègent les macronistes, la droite des Républicains, les conservateurs mais aussi les socio-démocrates de Raphaël Glucksmann. Début 2024, rebelote pour le vote appelé à ratifier définitivement le CETA. Le combat continue pour les députés insoumis qui devront se prononcer rapidement sur le CETA à l’Assemblée Nationale.

Pour aller plus loin : Européennes – Manon Aubry tacle tous les candidats en rappelant que seul LFI s’est opposée aux traités de libre-échange

En réaction à ce rejet, Manon Aubry, tête de liste LFI pour les élections européennes du 9 juin, s’est exprimée sur Twitter. « Nous dénonçons depuis des années cet accord mortifère pour l’agriculture, notre santé et la planète. Le CETA n’est qu’un début. C’est tous les accords que nous ferons tomber ! » a-t-elle déclaré. En somme, une nouvelle bataille de gagnée pour les insoumis.

Par Zoé Pébay