En macronie, les dérives sectaires se retrouvent à tous les étages. Installation de la scientologie en Seine-Saint-Denis au pied du Stade de France, réception du scientologue Tom Cruise par le président de la République, projet de nommer au ministère de l’Éducation nationale François Bayrou, ami de la communauté des Béatitudes… Le gouvernement est très poreux à ces influences : d’où l’enthousiasme initial des insoumis lorsque des macronistes ont décidé de réarmer l’État contre leurs propres amis.
D’autant que la start-up nation a eu ses effets : des centaines de micro-gourous ont rejoint la cohorte, sous couvert de « développement personnel » ou de pseudosciences. Le phénomène a donc évolué, à la fois en nombre et en nature, ce que l’on observe dans les rapports de la MIviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) et l’explosion du nombre de saisines (+33% entre 2020 et 2021).
En mars 2023, la ministre Sonia Backès a lancé des assises nationales de lutte contre les dérives sectaires, proposant un grand travail collectif sur le sujet à la Nation. Pas de surprise : l’opposition de gauche était plus nombreuse que la macronie pour assister aux débats. Ces assises ont été suivies par un petit-déjeuner de travail au ministère de l’Intérieur, où la France insoumise a multiplié les propositions. Mais battue aux élections sénatoriales de Nouvelle-Calédonie, la ministre a démissionné… et tout a disparu. Jusqu’à ce jour, six mois plus tard, où les députés insoumis ont découvert avec surprise qu’un texte dit de « lutte contre les dérives sectaires » arrivait à l’Assemblée, uniquement porté par la macronie. Notre article.
Dérives sectaires : exit la protection et la prévention, la macronie fait dans l’affichage
Exit toutes les promesses d’un grand texte de protection, d’éducation et de prévention. Exit tout engagement financier, il n’y aura pas un euro pour l’enseignement de masse, l’éducation populaire ou la pédagogie médicale. En dépit de mains tendues, aucune discussion politique n’a eu lieu pour trouver un point d’atterrissage. Il s’agit pour la macronie de faire de l’affichage.
Pour preuve : la Miviludes est à l’os. Créée en 2002, cette mission interministérielle rassemble des fonctionnaires détachés de différents ministères, avec pour objectif d’observer et d’analyser le phénomène des dérives sectaires, d’en informer le public mais également de coordonner l’action administrative en la matière. Initialement rattachée au Premier ministre, elle est passée en 2020 sous tutelle du ministère de l’Intérieur, ce qui a de facto limité son caractère interministériel. Outre ce rabougrissement, elle a subi une baisse de ses effectifs (tombé en 2018 de 14 à 8 membres, avant de remonter à 12 en 2022).
Alors heureusement, la mobilisation générale depuis les assises a abouti à reconnaître la Miviludes dans la loi et les députés insoumis ont répondu à l’appel. Malheureusement, toute discussion sur ses moyens, son personnel ou ses missions a été refusée.
Les propositions de LFI étaient pourtant nombreuses : lancer une campagne annuelle de prévention (aller voir les gens sur le terrain), renforcer sa présence auprès des professionnels de santé (pour les former à ces dangers), désigner des référents dans chaque ministère (pour acter son caractère interministériel), signer une convention de coopération avec chaque agence régionale de santé (pour faire remonter les signalements systématiquement)…
Également intervenir sur l’offre de formation professionnelle (où pullulent les « chamans » et autres « sorciers » du développement comportemental et personnel, auxquels risquent d’être désormais livrées les victimes de France Travail) présenter son rapport annuel au Parlement (pour obliger chaque député à s’y investir)… Non à tout. Leur souci n’était pas de la rendre opérationnelle, mais d’afficher son nom sur un post-it.
L’article 3 de la loi va encore plus loin dans la contradiction ! Aujourd’hui, seules les associations reconnues d’utilité publique peuvent se porter partie civile aux côtés des victimes. Voilà que le texte leur retire ce droit… et le transfère aux seules associations choisies par le gouvernement pour bénéficier d’un agrément. Une manière de les placer à la botte du pouvoir.
On pouvait évidemment faire autrement : garantir ce droit aux associations d’utilité publique et, également, accorder des agréments, pour faciliter partout et tout le temps l’aide aux victimes ! Comment être rassuré en cas d’alternance gouvernementale ? Rappelons que la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy en 2007 était proche de sectes. Il est déraisonnable de confier à de futurs ministres le droit de vie et de mort sur la poursuite en justice des sectes.
Le camp présidentiel finit par pondre un texte de loi répressif et mal écrit
Une fois que l’on a retiré toute prévention, tout service public, tout moyen à la Miviludes, toute aide aux associations, que reste-t-il ? Un projet de loi répressif, qui se contente d’inventer ou d’aggraver des infractions ciblant les gourous sectaires… Un texte écrit tellement à la va-vite que le Conseil d’État et le Conseil national des barreaux ont alerté tout le monde sur la portée nulle, le caractère superfétatoire et même le risque pesant sur d’autres peines plus lourdes déjà existantes.
Son article 4 en est emblématique, lequel propose de condamner la promotion de thérapies dangereuses pour les personnes qui les adopteraient. Si on appelait cela la mise en danger de la vie d’autrui, déjà existante dans le Code pénal ? Ou bien même la non-assistance à personne en danger… qui est plus punie que la nouvelle infraction ici inventée. Donc on proposera à certains gourous une peine plus légère que ne le permet le droit existant.
Cela a motivé les députés insoumis à le rejeter, en demandant une réunion de travail sérieuse sur le sujet, afin de trouver un point d’atterrissage. À nouveau, refus de toute discussion. Ils ont même préféré organiser un second vote annulant le premier, afin de l’imposer au forceps – et voici que leur seconde version protège les personnes promouvant des thérapies dangereuses dans l’audiovisuel ou la presse, préservant les vrais gourous de toute poursuite.
Cette loi est donc un brouillon mal écrit et inefficace. La lutte contre les dérives sectaires continue : sur le terrain, où tous les députés insoumis luttent contre les communautés et les groupuscules fanatiques, souvent liés à l’extrême-droite, à la recherche de la moindre vulnérabilité pour manipuler les citoyens.
Jean François Coulomme et Hadrien Clouet