FEDEX Hervé Street sous traitance

« Fedex m’a couler » – Hervé Street dénonce les dérives de la sous-traitance en France

Fedex, UPS, Chronopost, tous ces géants du transport imposent des tarifs toujours plus bas et sous payent les sous-traitants comme les salariés. A l’instar des agriculteurs, des taxis, des enseignants et de nombreux autres secteurs d’activité, les sous-traitants revendiquent des prix rémunérateurs garantis.

L’Insoumission.fr s’est entretenu avec Hervé Street, Président de l’Association de défense des sous-traitants transport France (ADSTTF) qui vit de l’intérieur ces problématiques, et proposent des solutions pour faire cesser la maltraitance des sous traitants par les géants du secteur. Notre entretien.

Peux-tu nous expliquer comment s’organise la chaine de sous-traitance dans le secteur de la livraison express ?

La chaîne de sous-traitance dans le secteur de la livraison express se met en marche lorsque le client, qu’il s’agisse d’un particulier, d’un commerçant en ligne ou d’une entreprise, confie son colis à un donneur d’ordre tel que Fedex. Ce dernier, en tant que messager express, organise le ramassage du colis par un transporteur sous-traitant qui prend en charge la première étape de l’acheminement. Ce sous-traitant achemine ensuite le colis vers un centre de tri, où les envois sont minutieusement classés en fonction de leur destination et de l’itinéraire optimal.

Une fois triés, les colis sont regroupés dans des remorques ou voyagent par avion pour atteindre des hubs de distribution, éventuellement intermédiaires, où ils sont transférés entre différents itinéraires. De là, les colis sont dirigés vers le centre de destination finale, où des sous-traitants locaux prennent en charge le dernier kilomètre de livraison jusqu’à l’adresse du destinataire. Ces sous-traitants peuvent être des entrepreneurs indépendants, tels que des petits patrons travaillant seuls ou avec des employés, assurant ainsi la dernière étape cruciale de la chaîne de livraison express.

On parle souvent d’un « double système de sous-traitance » où des entreprises comme Fedex répercute les pressions de leurs clients sur leurs sous-traitants : peux-tu nous détailler les conditions de travail à Fedex ? Qu’est-ce qui t’a motivé à entrer dans la lutte contre Fedex ?

En toute certitude, les conditions de travail chez FedEx révèlent une autorité hiérarchique prépondérante, où le donneur d’ordre impose de manière substantielle ses directives aux sous-traitants et chauffeurs-livreurs, les soumettant à des pressions constantes et les incitant fréquemment à violer les règles du code de la route. La persistance de l’exploitation des livreurs à travers des heures non rémunérées chez FedEx constitue indubitablement une violation des droits fondamentaux des travailleurs, en contravention directe avec les normes réglementaires en vigueur.

« Les manœuvres impitoyables de FedEx, orchestrées par des dirigeants indifférents, ont allumé la flamme de ma révolte »

Les rétributions allouées par FedEx se révèlent catégoriquement insuffisantes pour couvrir les coûts opérationnels réels encourus par les entreprises sous-traitantes, violant ainsi de manière explicite les principes d’une rémunération équitable. En somme, les pratiques de FedEx témoignent de manière indéniable d’un non-respect significatif des règles du droit du travail, optant massivement pour la sous-traitance à des fins économiques. Le choix délibéré de privilégier la sous-traitance reflète une stratégie visant à maximiser les profits tout en contournant délibérément certaines obligations légales et syndicales.

Les manœuvres impitoyables de FedEx, orchestrées par des dirigeants indifférents, ont allumé la flamme de ma révolte contre un système inique, au service perpétuel des élites aisées, déterminé à écraser sans vergogne les classes moyennes et populaires. Mon engagement résolu vise à résister face à cette machine oppressive qui perpétue l’exploitation des travailleurs, propageant ainsi l’injustice au sein de notre société.

Pour aller plus loin : Au Parlement européen, les insoumis luttent contre l’impunité des multinationales

À l’aube du Covid-19, tu as créé l’ADSTTF, peux-tu nous en dire plus sur cette structure ? Quel but et quelles sont les perspectives ?

L’ADSTTF, l’Association de Défense des Sous-Traitants Transport France, a émergé de notre engagement résolu, Alexandre Dol et moi-même, dans une dynamique profondément engagée. Notre objectif premier est de s’opposer avec vigueur aux pratiques oppressives des donneurs d’ordre tels que FedEx, CHRONOPOST, UPS, GLS, Colis Privé, DPD, et Amazon, au sein d’un secteur où l’ubérisation et les abus sapent les droits des travailleurs.

Notre vision s’articule autour de la conviction que l’union des petits patrons et des salariés est essentielle, car elle représente la véritable force. Rejetant catégoriquement toute défense d’intérêts individuels, nous militons pour une unification autour d’une cause commune, une force collective contre les pratiques inéquitables, une solidarité affirmée entre les acteurs du transport. L’ADSTTF incarne une réponse audacieuse et engagée face aux injustices persistantes dans notre société, portant haut la bannière de la défense des droits des travailleurs.

Le 06 septembre 2023, tu as déposé une plainte contre Fedex ? Peux-tu nous rappeler les motifs de la plainte, et nous dire où en est la procédure ?

Le 06 septembre 2023, une plainte a effectivement été déposée contre FedEx. Les motifs de cette plainte concernent l’organisation et la complicité de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, agissant au sein d’une bande organisée, de manière intentionnelle et en connaissance de cause. Cette situation est caractérisée par la circonstance aggravante que l’ensemble de ces faits ont été commis à l’égard de plusieurs personnes ou d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur.

Les principaux chefs d’accusation incluent :

  • Prêt de main-d’œuvre illicite et délit de marchandage
  • Délit de prix abusivement bas
  • Mise en danger de la vie d’autrui, pour avoir exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation par culière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.
  • Abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. La procédure suit actuellement son cours avec la constitution de partie civile, suite au classement sans suite de la plainte initiale. Pour obtenir des informations détaillées sur l’état d’avancement et les récents développements, je vous suggère de consulter directement Maître Emmanuel Molina, avocat au barreau de Marseille.

À ce jour, il convient de noter que le secret de l’instruction prévaut, limitant la diffusion d’informations sensibles. Cependant, je peux vous indiquer que la nomination d’un magistrat instructeur est prévue dans les prochaines semaines, marquant une étape importante dans le déroulement de la procédure.

Lors d’une déclaration récente, tu as parlé de « logiques d’intimidation de Fedex » : comment ces logiques se déclinent-elles et que signifient-elles selon toi ? Les autres grands groupes du secteur procèdent-ils de la même manière ?

Effectivement, nous avons reçu l’alerte d’une personne concernant des manœuvres verbales pouvant être qualifiées de chantage, impliquant potentiellement une personne de la société FedEx vis-à-vis d’un tiers. Par souci de précaution et en considération des risques encourus par cette personne, je maintiendrai le silence et ne divulguerai pas davantage d’informations. Cependant, je peux vous informer que dans les jours à venir, nous avons l’intention de solliciter la justice pour l’ouverture d’une enquête afin d’éclaircir ces allégations.

Quelles sont tes propositions pour modifier le rapport de force extrêmement déséquilibré entre les sous-traitants et les donneurs d’ordres ? Quelles mesures concrètes et comment les porter dans le débat public ?

Dans ma démarche visant à rétablir un rapport de force plus équitable entre les sous-traitants et les donneurs d’ordres, je propose l’adoption d’une loi instaurant un prix plancher, prenant en compte les coûts de revient réels des prestataires. Cette proposition vise à garantir une rémunération juste aux sous-traitants et à mettre un terme aux pratiques abusives qui perdurent. Face à un éventuel refus du gouvernement de faire figurer cette proposition à l’ordre du jour, nous ne reculerons pas. Nous sommes prêts à intensifier notre mobilisation et à exprimer notre mécontentement de manière plus radicale.

Toutes les options sont envisageables, et nous n’hésiterons pas à élever la voix de manière plus ferme. Parmi les mesures que nous considérons, il est envisageable d’organiser un blocage total de Paris, à l’instar de l’initiative réussie des agriculteurs. Cette action viserait à maximiser la fédération des forces engagées et à exercer une pression significative pour faire valoir nos droits dans le débat public.

Tu as initié un congrès pour réunir tous les services de transport : pourquoi cette initiative et qu’en attends-tu ?

L’événement aura lieu le mardi 6 février de 14h30 à 20h30. L’objectif de ce congrès est d’initier une réflexion sur les problématiques liées aux professions du transport, en mettant particulièrement l’accent sur les conditions de travail des livreurs en deux, trois et quatre roues relevant du Transport Routier de Marchandises (TRM) inférieur à 3,5 tonnes. Ces conditions sont étroitement liées aux contrats de sous-traitance proposés par les donneurs d’ordre, lesquels persistent à exploiter les petites sociétés de transport en appliquant des tarifs excessivement bas. Le secteur est fortement impacté par le phénomène d’ubérisation.

Dans ce contexte, il apparaît impératif de mettre en lumière ces problématiques et de rechercher des solutions collectives, impliquant l’ensemble des acteurs concernés. Notre objectif est de stimuler des échanges constructifs et de susciter des initiatives visant à améliorer les conditions de travail dans le secteur du transport, tout en adressant les défis posés par l’ubérisation.

Entretien à Hervé Street pour l’Insoumission.fr