Agriculteurs. « Nous allons redéposer une proposition de loi sur les prix planchers pour les agriculteurs, pour des prix qui puissent couvrir a minima leur coût de production », a annoncé la députée Aurélie Trouvé, ce 23 janvier 2024 lors de la conférence de presse du groupe parlementaire insoumis. Défendue par le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, le 30 novembre 2023 à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi visant à assurer une rémunération digne et augmentée du revenu des agriculteurs avait alors été rejetée. À six voix près, par les députés macronistes et Les Républicains (LR).
Le constat est connu : la masse des agriculteurs souffre de revenus indécemment bas, de dettes permanentes et qui s’alourdissent, le tout conduisant à un suicide d’agriculteur tous les deux jours. Une situation due à l’absence de régulation des prix et à la concurrence déloyale organisée par les traités de libre-échange votés main dans la main par les députés macronistes et du RN au Parlement européen.
C’est en partant de ce constat que LFI double, depuis des années, sa proposition de prix planchers d’une proposition de « moratoire sur les traités de libre échange ». Des propositions ignorées par l’exécutif qui préfère jouer la diversion en discutant de la question des « normes », en complicité avec la FNSEA et au détriment de la masse des agriculteurs mobilisés. Notre article.
Le camp présidentiel, allié à LR, a refusé l’instauration des prix planchers pour les agriculteurs
Les insoumis ont porté à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à lutter contre la hausse des prix par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage de produits pétroliers et de la grande distribution. Dans le même texte, les parlementaires LFI avaient inscrit la mise en place de prix planchers (minimums) pour l’achat de matières premières agricoles aux producteurs. Une mesure nécessaire, surtout à cause de l’échec des lois Egalim, soutenus par le pouvoir en place, censées protéger les revenus des agriculteurs.
Souvenez-vous, c’était lors de leur niche parlementaire, c’est-à-dire le seul jour dans l’année où les insoumis peuvent décider de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Une proposition d’ailleurs soutenue par 88% des Français, selon un sondage Toluna Harris Interactive.
Pour aller plus loin : Inflation : les insoumis s’attaquent aux profits des industriels, la droite et les macronistes scandalisés
D’abord en commission parlementaire, puis le jour J (30 novembre 2023), les insoumis ont bataillé pour remporter cette bataille. Porté par le coordinateur LFI Manuel Bompard, le texte était à deux doigts de l’adoption définitive. Une défaite du camp présidentiel était au bout du chemin. Un à un, les articles de la proposition de loi étaient tous adoptés par la majorité de l’hémicycle. Effrayés, les députés macronistes et LR ont opté pour le « sauve-qui-peut », appelant à la dernière minute des députés de leurs rangs afin qu’ils viennent rejeter le texte de loi. À six voix près, la proposition de loi a été rejetée.
« Les souffrances du peuple, vous n’en avez rien à faire. Seuls comptent pour vous les intérêts de quelques acteurs économiques ! », avait alors dénoncé avec force Manuel Bompard. Ce texte de loi n’aurait pas réglé toutes les difficultés des agriculteurs. Cela aurait un début, un signal politique envoyé à ce métier si souvent méprisé, sauf quelques jours par an au salon dédié à cette profession. Une telle mesure aurait peut-être contenu, voire empêché la mobilisation actuelle des agriculteurs dans notre pays. Les parlementaires macronistes et ce qui reste des Républicains paient aujourd’hui leur recroquevillement idéologique.
Traités de libre-échange, entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne : les macronistes prônent en réalité la casse de l’agriculture française
Par la défense des traités de libre-échange, les macronistes font mourir l’agriculture française à petit feu. Récemment, la Commission européenne a ratifié un nouveau traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, avec le soutien de la France. Dans le cadre de leur niche parlementaire, les insoumis comptaient défendre une résolution pour que notre pays s’oppose à ce nouveau traité. Les parlementaires LFI ont été contraints de la retirer puisque ce traité avait été ratifié quelques jours avant.
Par la suppression prévue de tous les droits de douane sur de nombreux produits, des pans entiers de l’agriculture française et européenne sont menacés. Parmi ces produits dédouanés, la viande bovine (10 000 tonnes), viande ovine (38 000 tonnes), beurre (15 000 tonnes), fromages (25 000 tonnes) et lait en poudre (15 000 tonnes). Des quantités gigantesques.
« Ne nous trompons pas, les accords de libre-échange anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan » dénonçait Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne dans l’Humanité. « Il faut arrêter cette croyance aveugle dans le dogme du libre-échange qui met en concurrence les paysans entre eux et les empêche de tirer un revenu décent de leur activité ».
Le 10 décembre 2023, Emmanuel Macron a affirmé « le soutien de la France » au président ukrainien, concernant l’adhésion de l’Ukraine au sein de l’Union européenne (UE). Un nouveau coup de massue pour les paysans en raison de la baisse mécanique des aides de la PAC à l’agriculture française que cette adhésion provoquerait. En effet, le camp présidentiel semble oublier qu’en Ukraine, le salaire minimum est de 200 euros, soit la source potentielle d’un énorme dumping social.
Également, si l’Ukraine entrait dans l’Union européenne, le pays capterait alors 25% des subventions de la politique agricole commune (PAC). La solidarité avec l’Ukraine ne doit pas être synonyme de libéralisation à marche forcée, et des souffrances qui en résultent pour les paysans. Il est temps d’écouter les agriculteurs de ce pays et de les payer dignement.
Crédits photo : « Manifestation des agriculteurs en tracteur dans Paris », Luc Legay, Flickr, CC BY-SA 2.0 DEED, pas de modifications apportées.