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Souffrances des agriculteurs : pourquoi Emmanuel Macron a-t-il saboté la proposition de loi de LFI sur les prix planchers ?

Agriculteurs. En France, et en Europe, le monde agricole est traversé par de fortes turbulences. Des exploitations ferment, d’autres s’endettent lourdement. Des vies sont brisées sur l’autel du libre-échange et du productivisme, grignotant les revenus des agriculteurs au profit de quelques grands groupes. Tous les deux jours, un agriculteur se suicide en France, soit plus de 30% par rapport aux autres professions. Pendant que les prix agricoles s’effondraient de 10% en un an, les prix alimentaires augmentaient de 10% et les marges des grandes entreprises agroalimentaires flambaient.

Un constat qui a amené La France insoumise (LFI) à défendre une proposition de loi à l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier pour instaurer des prix planchers pour les agriculteurs afin de leur garantir une meilleure rémunération. Une proposition balayée par les rangs des députés macronistes, alliés aux Républicains (LR).

Les mêmes préfèrent défendre au niveau européen des traités de libre-échange qui induisent l’importation de produits agricoles bien moins chers que les nôtres, au bilan social et écologique délétère. C’est le cas de l’Ukraine, dont l’entrée au sein l’Union européenne conduirait à une baisse mécanique et drastique des aides de la PAC à l’agriculture française, en raison des surfaces exploitées dans ce pays. Les macronistes font mine de s’intéresser au sort des agriculteurs aujourd’hui mais leur politique de mépris à leur égard est constante : leur préférence pour le productivisme et le libre échange au détriment de la souveraineté alimentaire et de la protection des agriculteurs est dangereuse et irresponsable. Notre article.

Le camp présidentiel, allié à LR, a refusé l’instauration des prix planchers pour les agriculteurs

Les insoumis ont porté à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à lutter contre la hausse des prix par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage de produits pétroliers et de la grande distribution. Dans le même texte, les parlementaires LFI avaient inscrit la mise en place de prix planchers (minimums) pour l’achat de matières premières agricoles aux producteurs. Une mesure nécessaire, surtout à cause de l’échec des lois Egalim, soutenus par le pouvoir en place, censées protéger les revenus des agriculteurs.

Souvenez-vous, c’était lors de leur niche parlementaire, c’est-à-dire le seul jour dans l’année où les insoumis peuvent décider de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Une proposition d’ailleurs soutenue par 88% des Français, selon un sondage Toluna Harris Interactive.

Pour aller plus loin : Inflation : les insoumis s’attaquent aux profits des industriels, la droite et les macronistes scandalisés

D’abord en commission parlementaire, puis le jour J (30 novembre 2023), les insoumis ont bataillé pour remporter cette bataille. Porté par le coordinateur LFI Manuel Bompard, le texte était à deux doigts de l’adoption définitive. Une défaite du camp présidentiel était au bout du chemin. Un à un, les articles de la proposition de loi étaient tous adoptés par la majorité de l’hémicycle. Effrayés, les députés macronistes et LR ont opté pour le « sauve-qui-peut », appelant à la dernière minute des députés de leurs rangs afin qu’ils viennent rejeter le texte de loi. À six voix près, la proposition de loi a été rejetée.

« Les souffrances du peuple, vous n’en avez rien à faire. Seuls comptent pour vous les intérêts de quelques acteurs économiques ! », avait alors dénoncé avec force Manuel Bompard. Ce texte de loi n’aurait pas réglé toutes les difficultés des agriculteurs. Cela aurait un début, un signal politique envoyé à ce métier si souvent méprisé, sauf quelques jours par an au salon dédié à cette profession. Une telle mesure aurait peut-être contenu, voire empêché la mobilisation actuelle des agriculteurs dans notre pays. Les parlementaires macronistes et ce qui reste des Républicains paient aujourd’hui leur recroquevillement idéologique.

Traités de libre-échange, entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne : les macronistes prônent en réalité la casse de l’agriculture française

Par la défense des traités de libre-échange, les macronistes font mourir l’agriculture française à petit feu. Récemment, la Commission européenne a ratifié un nouveau traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, avec le soutien de la France. Dans le cadre de leur niche parlementaire, les insoumis comptaient défendre une résolution pour que notre pays s’oppose à ce nouveau traité. Les parlementaires LFI ont été contraints de la retirer puisque ce traité avait été ratifié quelques jours avant.

Par la suppression prévue de tous les droits de douane sur de nombreux produits, des pans entiers de l’agriculture française et européenne sont menacés. Parmi ces produits dédouanés, la viande bovine (10 000 tonnes), viande ovine (38 000 tonnes), beurre (15 000 tonnes), fromages (25 000 tonnes) et lait en poudre (15 000 tonnes). Des quantités gigantesques.

« Ne nous trompons pas, les accords de libre-échange anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan » dénonçait Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne dans l’Humanité. « Il faut arrêter cette croyance aveugle dans le dogme du libre-échange qui met en concurrence les paysans entre eux et les empêche de tirer un revenu décent de leur activité ».

Le 10 décembre 2023, Emmanuel Macron a affirmé « le soutien de la France » au président ukrainien, concernant l’adhésion de l’Ukraine au sein de l’Union européenne (UE). Un nouveau coup de massue pour les paysans en raison de la baisse mécanique des aides de la PAC à l’agriculture française que cette adhésion provoquerait. En effet, le camp présidentiel semble oublier qu’en Ukraine, le salaire minimum est de 200 euros, soit la source potentielle d’un énorme dumping social.

Également, si l’Ukraine entrait dans l’Union européenne, le pays capterait alors 25% des subventions de la politique agricole commune (PAC). La solidarité avec l’Ukraine ne doit pas être synonyme de libéralisation à marche forcée, et des souffrances qui en résultent, pour les paysans. Il est temps d’écouter les agriculteurs de ce pays et de les payer dignement.

Par Nadim Février