Nahel

Meurtre de Nahel : pas de discours, des actes, justice

Nahel. Les soulèvements et la colère qui s’expriment sont compréhensibles, “inéluctables” comme le titre France inter. Un môme de 17 ans a été tué. Et ce n’est pas le premier. Cela fait des décennies que ça dure. Dans ces quartiers populaires se concentrent déjà exclusion géographique, sociale et victimes du racisme. Là-dessus, à intervalles bien trop réguliers, s’ajoutent les deuils causés par les violences policières. Comme l’explique Henri Leclerc Président de la Ligue des Droits de l’Homme ce jeudi 29 juin : il y a d’abord « une réaction de tristesse normale, de solidarité et puis… la conséquence inéluctable c’est la révolte ». Que faire pour briser cette roue ? Notre article.

Fraternité et condoléances pour les proches de Nahel 

Toute la journée, les messages de soutien affluent de partout, de la part des stars du ballon rond ou du micro d’argent, de la part de toutes les associations, organisations syndicales et politiques du camp de l’émancipation. La mère qui a perdu son enfant appelle à une marche blanche jeudi 29 juin. Les Soulèvements de la Terre qui tenaient leur rassemblement le 28 juin pour contester leur dissolution ont appelé à multiplier les marques de fraternité, de condoléances pour les proches de Nahel et d’indignation face à ce drame. 

Pour aller plus loin : Vers une convergence soulèvements de la Terre et des quartiers populaires ?

« une réaction de tristesse normale, de solidarité et puis… la conséquence inéluctable c’est la révolte » Henri Leclerc président de la Ligue des Droits de l’Homme

Puis vient le soir, et l’explosion de la révolte d’une jeunesse qui étouffe. Une rage contre l’injustice trop longtemps contenue, contre cette peur qui ronge chaque jour, à chaque passage d’une sirène de police. Et ces humiliations tant de fois répétées, au moment où l’on pousse la porte d’un logement à louer, d’une entreprise pour travailler, d’une soirée pour danser.

Tant que la police continuera d’assassiner des enfants de la République qui ne menacent nullement leur vie, tant que l’Etat ne rétablira pas l’égalité républicaine entre tous les citoyens de ce pays, se reproduiront ces mêmes scènes de violences, ces hurlements de détresse et d’affliction. Elles en sont la conséquence “inéluctable”. Les mots du groupe Sniper après les émeutes de 2005 résonne encore et toujours : 

oui des reufs ont réagi face aux propos outranciers, 

un crime impuni, d’la gazeuse dans une mosquée

Du Mirail au Bosquet engrenage dramatique. 

Que faire ? 

Mais ces destructions ne sont pas une solution. Lancinante, constante, impérative revient la question centrale pour toute réflexion politique : Que faire ? 

La violence contre les services publics pénalise en premier lieu les victimes, les habitants des quartiers, les plus fragiles, tout ce qui tient encore debout dans nos quartiers : l’École de la République, les transports, les maisons de quartiers, les pompiers, les soignants, les mairies. Dans une vidéo SnapChat relayée par le compte Relaisinfos on entend un jeune déclaré : “ils ont brûlé la mairie, wesh elle vient d’être (re)faite” avant de se désolidariser de cet acte par une protestation véhémente que la décence nous empêche de reproduire ici. Encore en écho revient ce constat amer dressé par Tunisiano en 2006 

Mais ce qui est malheureux c’est que l’on brûle le peu qu’on a 

alors qu’il suffirait de voter pour incendier ces connards

La seule solution pour l’apaisement : la justice

Que l’assassin soit suspendu ainsi que son collègue qui prononce l’appel au meurtre. Que son procès ne donne pas lieu à un acquittement au bout de 10 ans comme ce fut le cas pour Zyed et Bouna. Que l’ambulancier qui exprimait légitimement sa colère et sa tristesse soit libéré. Que l’enquête contre Nahel soit abandonnée. Que le syndicat France Police qui a pris position officiellement pour saluer cet acte inqualifiable soit dissous. Que soit abrogé l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure issu d’une loi de 2017 de Bernard Cazeneuve qui a entraîné une multiplication par 5 du nombre de tués par des tirs policiers visant des personnes se trouvant dans des véhicules.

Après ces mesures d’urgence viendra le temps de décisions de long terme, de choix  politiques forts pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise.

Il faut sans perdre de temps entamer une refondation de la cave au grenier du service public de la police

La justice est aussi sociale. L’enclavement, la misère est un choix politique. Ces quartiers délaissés doivent bénéficier d’investissements massifs pour permettre à chacun des habitants de se sentir un citoyen, une citoyenne à part entière, à égalité avec tous les autres membres de notre société. Cela commence par la construction de logements décents, des recrutements de personnels dans les écoles de la République. Il faudra aussi développer les réseaux de transports, le tissu économique, les services de soins, d’accompagnements sociaux. 

Il faudra aussi mener une large réflexion pour aboutir à une prise de conscience sur la discrimination raciale dans notre pays et y mettre un terme. Comment se sentir citoyen, se sentir respecté dans son humanité, lorsqu’on est constamment renvoyé à sa couleur de peau, pour trouver un logement ou un emploi, lorsqu’on rencontre sa belle-famille ou juste qu’on demande son chemin dans la rue et qu’on lit la peur dans les yeux de notre interlocuteur. Ce fléau déchire notre société. 

Ceux qui veulent le retour à la normale ne comprennent pas que la normale est insupportable.

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