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Vers une convergence soulèvements de la Terre et des quartiers populaires ?

Assiste-t-on à une convergence des colères ? Deux mouvements de révolte ont lieu simultanément. Après la dissolution des soulèvements de la Terre, ses soutiens appelaient à manifester le mercredi 28 juin. La veille de cette date annoncée, un policier assassine un enfant de 17 ans à Nanterre provoquant un soulèvement dans les quartiers populaires. En plus d’une temporalité, les gens qui participent à ces soulèvements partagent un adversaire commun : la violence d’État. Ce mercredi 28 juin constitue-t-il le premier pas vers une convergence entre soulèvement de la Terre et des quartiers populaires ? Un premier mot d’ordre apparaît : pas de justice, pas de paix. La question centrale pour ces deux soulèvements est celle de la Justice. L’injustice délite, déchire le lien social, attise les tensions. Il y a urgence à ce que l’État reprenne son rôle de garant de la Justice, c’est le seul chemin vers la paix. Notre article. 

Un sentiment se propage. La violence d’État se déchaîne, de plus en plus aveuglément, de plus en plus largement. Le premier franchissement de seuil a lieu au début des années 2000, notamment lorsque Nicolas Sarkozy arrive au ministère de l’intérieur. Les premières victimes des LBD, grenades et arrestations arbitraires : les racisés, massivement concentrés dans les quartiers populaires des grands ensembles, en périphérie des villes. (Pour les commodités de l’article, nous nous y référerons sous le raccourci de quartiers populaires dans le reste de l’article, bien qu’il existe en France d’autres types de lieu d’habitation qui concentre des populations majoritairement pauvres).

Nouveau franchissement de seuil à partir de 2016 contre les opposants à la loi travail et surtout en 2018 lors de insurrection des Gilets jaunes. Les nouvelles cibles : les participations à des manifestations. Invisibilisées jusqu’alors, les mains arrachées, les yeux crevés font leur apparition dans les médias

L’autre cible de plus en plus récurrente de ce déchaînement de violence d’Etat : celles et ceux qui résistent à la destruction du vivant et de la planète. C’est dans leur rang que l’on compte le premier meurtre par grenade de désencerclement a lieu. Des chars sont utilisés pour l’’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes au printemps 2018. Les mêmes qui seront déployés à l’automne sur les Champs-Élysées. 

Dans cette période 2016-2018, la violence, déjà élevée contre les habitants des quartiers populaires, augmente encore. Toujours un cran au dessus, comme un prélude de ce qui attend le reste de la population. Trois exemples frappants : la mascarade de procès de Viry-Châtillon en 2016, l’effrayante agression contre Théo et l’ignoble intervention policière contre des lycées de Mantes-la-Jolie en 2018. Ce ne sont que des exemples. 

Pour aller plus loin : Le documentaire A nos corps défendant 

Le dernier franchissement en date se déroule en ce moment même. Lors de la bataille des retraites, le gazage massif de manifestation, auparavant cantonné aux plus grandes villes, se généralise à toute la France. Lors des cortèges spontanés à la suite de l’utilisation du 49.3, la police arrête et emmène en garde-à-vue de nombreuses manifestations sans motif valable. Juste pour intimider. Pour briser l’élan de révolte. Les arrêtés préfectoraux qui portent atteinte aux libertés fondamentales se multiplient. Avec une nouvelle cible : les casseroles, rebaptisés dispositifs sonores portatifs. 

Au même moment, monte la bataille pour l’eau emmenée par les Soulèvements de la Terre. Au même moment, mais pas en parallèle, car la bataille sociale fermente, renforce la résistance écologique. A Sainte-Soline, la violence déployée par l’Etat, pour défendre un trou dans le sol atteint un niveau sans précédent. En deux heures, 3200 policiers balancent 5015 grenades. Plus d’une par seconde. Des centaines de blessés, des dizaines de mutilés. Mercredi 21 juin, pour la première fois, un collectif qui se déclare lutter pour laisser une planète vivable aux générations futures est dissous par Gérald Darmanin aux ordres d’Emmanuel Macron (et de la FNSEA). Celles et ceux qui porte-paroles de cette révolte sont arrêtés et placés en garde à vue. Le soir même des rassemblements ont lieu dans toute la France avec un mot d’ordre : On ne dissous pas un soulèvement. Les soutiens des Soulèvements de la terre se donnent rendez-vous une semaine plus tard pour poursuivre le combat. 

Le 27 juin, Nahel, un enfant de 17 ans, habitant de Nanterre en banlieue parisienne est assassiné par un policier lors d’un contrôle routier. Le soir même, des soulèvements éclatent dans de nombreux quartiers populaires. Explosion de tristesse et de colère

Mercredi 28 juin 2023, se rencontrent ainsi deux soulèvements. Les soulèvements de la Terre et les soulèvements des quartiers populaires. Un même adversaire : la violence d’Etat. Un objectif commun : la justice et la paix. Un idéal : La République sociale et écologique, libérée de la main mise d’une caste raciste et écocide qui profite de tout, décide de tout, et dévoie les institutions communes pour écraser toutes celles et ceux qui s’opposent à leur domination. 

Une même temporalité, un adversaire et des objectifs communs : Va-t-on assister à une convergence entre ces deux soulèvements ? Les deux mouvements y auraient beaucoup à gagner. Comment dit la chanson, le peuple uni ne peut être vaincu. 

Pour la vie des enfants de la République d’aujourd’hui et de demain, chacun doit œuvrer au rapprochement, à l’enrichissement mutuel. Démonstration de soutien, rencontres, partages d’expériences, réflexions communes sur la stratégie de lutte et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs tels sont les éléments nécessaires à cette convergence. 

Face à la dérive autoritaire du capitalisme ultralibéral incarné aujourd’hui par Emmanuel Macron, aucune force ne doit manquer à la défense de l’intérêt du peuple. 

Ce mercredi 28 juin au soir, on a vu de nombreuses marques de soutien à la famille de Nahel lors des rassemblements des Soulèvements de la Terre. Et déjà, un premier mot d’ordre commun : pas de justice, pas de paix. 

La justice est la question centrale. 

Dans cette période de menace écologique, d’instabilité économique et géopolitique, de montée de la misère sociale, de montée aussi de la menace des partisans de la division populaire d’extrême droite, il y a urgence que l’Etat reprenne son rôle de garant de la Justice. 

La Justice, c’est d’abord une institution policière et judiciaire qui s’exerce de manière égale, et donc juste, quelque soit la couleur de peau et l’origine sociale des individus. La Justice, aussi envers les organisations créées par des gens pour défendre leur droit. Où est la Justice lorsque les Soulèvements de la Terre sont dissous alors que la FNSEA continue d’exercer sa violence sans jamais être inquiétée ? La Justice, ce sont aussi des services publics qui ont les moyens d’assurer l’égalité républicaine. Quelle justice dans la France des déserts médicaux ? Quelle justice dans les classes surchargées ? La Justice, c’est enfin, un partage des ressources qui permette au peuple de subvenir à ses besoins présents mais aussi futurs. Justice sociale et écologique sont ainsi indissociables. Aucun parent ne souhaite se gaver des ressources et ne rien laisser à ses enfants. 

La paix est aujourd’hui menacée par l’injustice. La justice est le chemin, la paix sera notre récompense.