Le burn out, c’est ce mal qui ronge l’Allemagne et dont aucun des éditorialistes politiques bourgeois, des adorateurs d’Angela Merkel, des éberlués du modèle économique allemand, ne vous parleront jamais. Le phénomène, qui détruit psychologiquement les humains et vident les caisses des assurances maladies menace 50% maintenant des travailleuses et travailleurs allemands. Notre article.
« Les riches vont se barrer », « La France championne des taxes », « les riches créent des emplois », « les milliardaires se sont fait tout seul », « les privilégiés », « la réindustrialisation », « pas d’argent magique », « trop d’impôts »… L’insoumission.fr lance une nouvelle série : « Désintox économique ». L’objectif : apporter des outils à nos lecteurs pour participer à la bataille culturelle contre la propagande économique véhiculée tous les jours par les médias traditionnels. Notre but : vulgariser les débats économiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. L’adversaire : les milliardaires qui détruisent la planète et les humains, et qui possèdent les médias dominants. Nos alliés dans la bataille : les économistes de notre camp et vous, nos lectrices et lecteurs.
2009 : un suicide déclenche une prise de conscience
Le gardien de foot du Hanover 96 Robert Enke se jette sous un train le 10 novembre 2009. Son suicide soulève une grande émotion et amènent d’autres personnalités à s’exprimer sur leur burn out respectif. Ainsi, le sujet est porté dans le débat public allemand dès cette année 2009.
Ce n’est toutefois pas la seule explication à la précocité de la prise de conscience par rapport au reste des pays européens, et notamment en France où le sujet n’existe pratiquement pad dans le débat médiatique. Le stress au travail est particulièrement élevé en Allemagne. Alors qu’en France en 2012, on estime à 11% le nombre de salariés dépressifs, en Allemagne le chiffre avoisine les 20% de la population active. Mais attention, en France aussi, les chiffres font froid dans le dos : 2,5 millions de salariés en burn out sévère (lire notre article sur le sujet).
2012 : le nombre d’arrêts de travail pour surmenage a augmenté de 80% en dix ans
En 2012 en Allemagne, de nouvelles études démontrent que la situation continue de s’aggraver, un tiers des départs en retraite prématurés est dû à des troubles psychiques. Un Allemand sur cinq souffre de troubles psychologiques à cause du travail.
Cette souffrance ne cesse d’augmenter : le nombre d’arrêts maladie à cause du stress a bondi de 33% depuis 2007, les ordonnances pour des antidépresseurs ont augmenté de 41% sur la période. Sur les six premiers mois de l’année 2011, 14,3% des arrêts maladies avaient pour origine une dépression ou un burn out. Ce syndrome d’épuisement professionnel touche en Allemagne 9 millions de personnes. Selon les caisses d’assurance-maladie AOK, le nombre d’arrêts de travail pour surmenage a augmenté de 80% en dix ans. IG Metall qui représente les ouvriers de l’industrie métallurgique, du textile et de l’habillement, du bois et du plastique estime à 27 milliards d’euros par an le coût sanitaire du phénomène.
Hans-Jürgen Urban syndicaliste chez IG Metall dénonce aussi les exigences de rentabilité liées au capitalisme financier : « Il y a des cadences, par exemple pour sortir de nouveaux modèles dans l’automobile, qui étaient inimaginables il y a quelques années ». L’explosion en Allemagne du travail précaire, des fameux mini jobs allemands, génère un stress intense. La monotonie, la généralisation des open space, sans sphère privée sont aussi pointées du doigt. Dernière cause : la disparition de la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle entraînée par les innovations technologiques, d’abord l’ordinateur portable puis le smartphone.
Ces facteurs sont à l’œuvre dans tous les pays néolibéraux, mais en la matière, l’Allemagne fait figure de modèle. Un modèle qui ne fait plus rêver aucune travailleuse ni aucun travailleur.
2018 : 50 % des employés se sentent menacés par un burn out
En 2018, Pronova BKK réalise une enquête sur l’épuisement professionnel en Allemagne. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le phénomène s’aggrave. Et toujours aucune remise en question du soi-disant modèle économique allemand pour les néolibéraux des deux rives du Rhin.
Près de neuf Allemands sur dix se sentent stressés par leur travail. 61% des personnes en Allemagne se plaignent de maux de dos ou d’épuisement – 23% même fréquemment. 59% se sentent parfois tendus à l’intérieur. 54 % des personnes interrogées ruminent leur travail, 53 % disent mal dormir.
50 % des employés se sentent menacés par un burn out. Les principales raisons du sentiment d’épuisement complet sont la pression constante des délais (34%), le stress émotionnel des clients ou des patients (30%), les heures supplémentaires et une mauvaise ambiance de travail (29% chacun).
Karl Marx contre l’économie du bien-être
Le capitalisme se nourrit toujours des crises qu’il déclenche. Face à l’explosion du mal-être au travail, des multinationales ont flairé le bon filon et inventé l’économie du bien-être. Un marché de 4200 milliards de dollars en 2018 au niveau mondial qui pourrait atteindre 7000 milliards de dollars en 2025.
Il n’est pas question ici de nier les bienfaits de la médiation ou d’un massage. Comme l’explique Camille Teste invitée de Salomé Saqué, ces pratiques peuvent apporter toutes sortes de bénéfices à celles et ceux qui les pratiquent, à deux conditions :
1- Si l’on garde en tête que le travail est une organisation collective, le capitalisme s’appuie, se fonde, essentiellement, sur l’exploitation du travail.
2- Conséquence directe de ce premier point : ce n’est donc pas parce que l’on est une personne faible, qu’on est une ratée, un perdant, que l’on souffre de surmenage, de burn out, de dépression à cause de son travail.
Le sport, la pratique artistique, la spiritualité peuvent servir à combattre les effets néfastes de l’organisation capitaliste du travail. Mais seule une lutte collective anti-capitaliste permet de tendre vers l’abolition de l’aliénation des travailleurs et des travailleuses.
Par Ulysse
Pour aller plus loin : Anniversaire : 50 ans des LIP, quand le travail se libère du capital