C’était il y a un mois. Sophie Binet succède à Philippe Martinez à la surprise générale à la tête de la CGT. Pour sa première apparition médiatique, elle est l’invitée de Léa Salamé et Nicolas Demorand pour un premier grand oral sur France Inter. Interrogée sur les relations de son prédécesseur avec Jean-Luc Mélenchon, la nouvelle secrétaire générale de la CGT pose une volonté claire : « on a besoin qu’on normalise nos relations ». Même son de cloche du côté du leader insoumis : « j’aimerais qu’on ait des relations plus décontractées ». Du passé, faisons table rase ? Face à l’offensive du capital et la menace que fait peser l’extrême droite sur la République et le monde du travail, le principal mouvement de gauche et le 2ème syndicat du pays n’ont pas le luxe d’être divisés.
Alors que son prédécesseur s’était immiscé dans la stratégie parlementaire du groupe insoumis, Sophie Binet a rappelé sa vision des choses : « De la même manière que je pense que les partis de gauche n’ont pas à commenter la stratégie choisie par les organisations syndicales pour mener la lutte, je ne suis pas convaincue que ce soit à nous de commenter la stratégie choisie pour mener la lutte dans l’hémicycle ». Le souhait d’une répartition limpide formulée par Sophie Binet, et saluée par Jean-Luc Mélenchon.
Une répartition des rôles pour mieux mener les grandes batailles communes : contre la retraite à 64 ans évidemment, mais aussi contre l’extrême droite. Invitée de la matinale de France Info ce vendredi 12 mai, la secrétaire générale de la CGT a dénoncé « l’imposture sociale » que constituent Marine Le Pen et le Rassemblement national (RN). Si vous lisez ces colonnes, vous savez à quel point démasquer l’arnaque sociale que constitue le RN est également prioritaire pour l’insoumission.fr. Alors que des néo-nazis défilent en plein Paris main dans la main avec des membres du RN, qu’un élu de la République démissionne après avoir été attaqué par l’extrême droite, que plusieurs projets d’attentats d’extrême droite, notamment contre Jean-Luc Mélenchon, et contre tout ce qui représente la lutte républicaine contre la menace fasciste, ont été déjoués dans le pays, le mouvement ouvrier, antifasciste, a plus que jamais besoin que la CGT et les insoumis ne soient pas divisés. Notre article.
Entre la CGT et les insoumis, un nouveau départ
« Les relations entre Philippe Martinez et les insoumis n’étaient pas au beau fixe ces dernières semaines. Hier sur France 3, Jean-Luc Mélenchon a déclaré « j’aimerais qu’on ait des relations plus décontractées avec Sophie Binet » ». La toute nouvelle secrétaire générale de la CGT n’y a pas échappée. Dès sa première médiatique, Léa Salamé lui pose la question. Et insiste. Mais Sophie Binet va être très claire : « ce qui est sûr, c’est qu’on a besoin qu’on normalise nos relations ». L’éditorialiste la relance. Ces relations n’étaient pas normales ? « Elles étaient tendues ». Personne ne peut le nier.
Nicolas Demorant et Léa Salamé vont donc essayer de piéger celle qui fait alors sa toute première matinale, trois jours après son élection. La question piège ? L’article 7. La réponse, là encore, est limpide : « Ce n’est pas à moi de commenter des stratégies politiques à l’Assemblée nationale ». La ligne est claire comme de l’eau de roche : « chacun son rôle ». Et les vaches seront bien gardées, et c’est l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de ce pays qui en sortiront gagnant : enfin, une entente cordiale entre la principale force de gauche et la CGT.
Le point central : chacun dans son rôle.
La ligne donc, c’est chacun son rôle. « De la même manière que je pense que les partis de gauche n’ont pas à commenter la stratégie choisie par les organisations syndicales pour mener la lutte, je ne suis pas convaincue que ce soit à nous de commenter la stratégie choisie pour mener la lutte dans l’hémicycle ». On ne peut pas faire plus clair. Et c’est peu dire que le leader insoumis apprécie.
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon ne tarit pas d’éloges. « Je voudrais vous dire à quel point j’ai pu apprécier le sens de la mesure et de la maîtrise qui a caractérisé la réponse de Sophie Binet sur France Inter. Elle n’est pas tombée dans le panneau qu’on lui tendait de recommencer une tension entre la CGT et Mélenchon. Tout ce cirque qui avait été organisé pour diviser, opposer, rendre conflictuels les relations entre les personnes, plutôt qu’entre les idées ». Enfin une relation apaisée, constructive, positive, entre ces deux forces centrales du mouvement ouvrier ?
Jean-Luc Mélenchon lit du Sophie Binet à l’écran, et enchaîne les compliments : « Nous appelons l’ensemble des salariés à faire grève. Et la secrétaire générale rappelle, et elle a raison de le faire, que depuis 3 mois des salariés sont en grève reconductibles. Je la remercie de cette réponse ». Les deux organisations ont le même but, la même essence : défendre les travailleuses et travailleurs, les oubliés, les exploités, les invisibles. « Qu’on normalise nos relations, évidemment j’en suis d’accord, et je trouve que c’est une très bonne réponse. Le point central : c’est chacun dans son rôle. Je reçois le message et je l’accepte. En effet, il faut définir la place des uns et des autres et jeter les éventuels rancunes à la rivière pour passer à du positif ».
Démasquer l’arnaque sociale que constitue Marine Le Pen, un combat commun
Ce vendredi 12 mai, Sophie Binet était l’invitée de la matinale de France Info. L’occasion pour la secrétaire générale de la CGT de « dénoncer l’imposture sociale » que constituent Marine Le Pen et le Rassemblement national (RN). Si vous lisez ces colonnes, vous savez à quel point démasquer cette arnaque sociale est prioritaire pour nous. Et dans ce combat, une solution très efficace existe : révéler les votes du RN à l’Assemblée nationale et au Parlement européen. Sophie Binet ne dit pas autre chose : « Le RN fait l’inverse de ce qu’il dit. Il prétend défendre les salariés en matière sociale. Mais nous nous regardons les faits, nous regardons les votes ».
Et comme le souligne justement Sophie Binet : « à l’Assemblée nationale, le Rassemblement national vote contre l’augmentation des salaires ». Non seulement le RN et Marine Le Pen ont voté contre l’augmentation du SMIC, mais également contre l’indexation des salaires sur l’inflation, contre le gel des loyers, et ainsi de suite. Pour une raison simple : protéger les intérêts du capital. Raison pour laquelle, et en même temps, le RN a voté à plusieurs reprises contre le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Entre capital et travail, le RN a choisi son camp, et ce n’est pas celui des travailleuses et des travailleurs.
Sur le sujet des retraites, la supercherie sociale de Marine Le Pen a été flagrante, pour qui a bien voulu se donner la peine de l’écouter et de la démasquer. Le 1er février, Marine Le Pen a ainsi déclaré, tranquillement, au micro de France Info : « La retraite à 67 ans c’est déjà mieux que ce qui existe actuellement ». On comprend mieux pourquoi le RN s’est fait silencieux. « Le RN a été totalement absent du mouvement social » insiste Sophie Binet. Le RN n’a pas intérêt à être présent, car quand il est présent, il laisse paraître au grand jour la supercherie : « pour financer nos retraites, plutôt que d’augmenter les salaires et donc les cotisations sociales, le RN vote la multiplication des cadeaux et des exonérations aux employeurs qui cassent la Sécurité sociale et le financement de nos retraites ». La secrétaire générale de la CGT est limpide.
Sophie Binet alerte sur la menace que constitue Marine Le Pen pour les femmes
Ce matin sur France Info, Sophie Binet lance une alerte : « Pire, pour financer nos retraites, comme ils ne veulent pas augmenter les salaires (et donc les cotisations sociales), le RN voudrait que les femmes fassent plus d’enfants, et voudrait faire la préférence nationale pour exclure les immigrés. C’est scandaleux. Les femmes ne sont pas des ventres, on n’est pas là pour repeupler le pays. Le RN voudrait prendre des mesures qui vont à l’encontre de l’émancipation des femmes. C’est extrêmement grave ». Une vision archaïque du Rassemblement national, et révélatrice : le RN est prêt à tout pour assurer les profits du capital, à tout pour éviter d’augmenter les salaires.
Un discours rance. L’exploitation capitaliste s’appuie historiquement sur un temps de travail des femmes non rémunéré. Le travail caché des femmes est bien un instrument de la reproduction de la force de travail, au profit du capital. Un enfant bien nourri signifie un nouveau petit ouvrier que l’usine va pouvoir avaler. Toutes les tâches ménagères invisibles permettent la reproduction de la force de travail des classes populaires. Marine Le Pen, en plus d’être une arnaque sociale, est une arnaque féministe : dans le programme du RN les femmes n’apparaissent qu’aux chapitres « politique familiale » et « sécurité », il n’est aucune fois mention des discriminations salariales.
Là encore, un combat que Sophie Binet et les insoumis vont pouvoir mener ensemble. Face à l’urgence sociale, écologique, démocratique, la normalisation des relations entre CGT et insoumis est une très bonne nouvelle pour l’intérêt général, pour les millions de travailleuses et de travailleurs de ce pays. Face au bloc d’extrême droite, soutenu par le bloc bourgeois qui sait pertinemment qui protège ses intérêts, le bloc populaire n’a pas le luxe de se fracturer et de servir l’ennemi.
Alors que des néo-nazis défilent en plein Paris main dans la main avec des membres du RN, qu’un élu de la République démissionne après avoir été attaqué par l’extrême droite, que plusieurs projets d’attentats d’extrême droite, notamment contre Jean-Luc Mélenchon, et contre tout ce qui représente la lutte républicaine contre la menace fasciste, ont été déjoués dans le pays, le mouvement ouvrier, antifasciste, a plus que jamais besoin que la CGT et les insoumis ne soient pas divisés.
Par Pierre Joigneaux.