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Diaboliser Mélenchon, dédiaboliser Le Pen : le jeu terriblement dangereux de Macron

Emmanuel Macron tient enfin une stratégie de sortie de crise : « le projet politique de LFI, c’est de surfer sur les violences. Ils veulent saper nos institutions ». Celui qui menace la République et ses institutions, ce serait le grand méchant Mélenchon. Pendant que le président choisit de sonner la charge contre le leader insoumis, « en même temps », ses ministres cajolent et complimentent Marine Le Pen, « bien plus républicaine » selon Olivier Dussopt. Vous avez bien lu, pour ce gouvernement, aussi fou que ça puisse paraître, l’extrême droite est plus fréquentable que le gauche. Cette stratégie, terrible, n’est pas nouvelle. Rappelez-vous la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron. Ses ministres, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal en tête, préféraient la chasse à l’« islamo-gauchisme », que de lutter contre l’explosion des violences d’extrême droite dans le pays. Peu importe que le concept d’«islamo-gauchisme » soit imaginaire selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), peu importe que l’explosion des violences d’extrême droite dans notre pays soit quant à elle bien réelle

Pour tenter de sortir de la crise actuelle, Emmanuel Macron a donc choisi : cibler Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. L’avenir dira si le président a payé McKinsey pour sa com’ de crise, ou s’il a trouvé ses éléments de langage tout seul comme un grand. La consigne, passée ce lundi lors d’une réunion de crise à l’Élysée selon Le Parisien, a bien été reçue par les troupes macronistes. Pour Aurore Bergé : « le projet de LFI et Mélenchon, c’est de tout conflictualiser et créer la violence partout ». Pour François Bayrou, le leader Insoumis entretient « une stratégie de déstabilisation de notre société, par la multiplication des affrontements ». Mais qui déstabilise notre société ?

Qui abime la démocratie en piétinant le Parlement par l’utilisation du « vote bloqué »et du fameux 49.3 à l’Assemblée nationale, en fracassant les 93% d’actifs opposés à la retraite à 64 ans à coups de LBD et de grenades de désencerclement ? Qui compare les manifestants aux factieux du Capitole ? Et qui, en même temps, ne dit pas un mot sur l’identité des militants d’extrême droite qui ont incendié la mairie de Bordeaux aux cris de : « Front national remplace Macron ! » ? Qui ne condamne pas les attaques des « Waffen Assas » contre nos étudiants ? Qui ne dit pas un mot sur l’identité du conseiller en communication de Marine Le Pen, l’ancien chef du Groupe Union Défense (GUD), le groupuscule d’extrême droite à l’origine de ces attaques dans les cortèges ? Qui s’excuse auprès des députés RN en refusant de les associer à l’ultra-droite ? Qui n’a de cesse depuis 2017 de faire monter l’extrême droite en reprenant ses obsessions, en la qualifiant de trop molle ? Emmanuel Macron joue un jeu terriblement dangereux pour notre République. C’était justement l’objectif originel de François Duprat, le théoricien du Front national. Notre article.

L’original à la copie : comment François Duprat avait théorisé le siphonnement de la droite par l’extrême droite

François Duprat. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Numéro 2 du Front National à sa création, il en est le théoricien. C’est lui qui va œuvrer pour la mutation du discours lepéniste, avant d’être assassiné. Le slogan « 1 million de chômeur, c’est 1 million d’immigrés en trop », c’est lui. Fasciné par Enoch Powell, conservateur britannique opposé à l’immigration non blanche, François Duprat se rend compte que son discours sur l’immigration réussit à séduire une partie des classes populaires britanniques.

François Duprat convainc Jean-Marie Le Pen d’adopter la même stratégie en France : aller sur la dénonciation sociale de l’immigration pour convaincre les classes populaires comme en Angleterre. Le but est de forcer les partis de droite d’adopter le discours d’extrême droite pour récupérer ses électeurs, et, ce faisant, faire accepter l’idée que l’extrême droite fait partie de la grande famille des droites et ainsi rendre l’extrême droite fréquentable par le reste du champ politique. Pour mieux siphonner la droite ensuite. François Duprat : « l’électeur préfèrera toujours l’original à la copie ». Combien de fois Le Pen père et Le Pen fille ont prononcé cette phrase ?

La stratégie de François Duprat fait des ravages aujourd’hui : Valérie Pécresse, candidate du parti de droite traditionnelle à l’élection présidentielle de 2022, affirme qu’il n’y a « pas de fatalité au grand remplacement ». Fake news popularisée par Renaud Camus, reprise par Éric Zemmour et Jordan Bardella, par l’extrême droite française donc, avant d’être reprise par la droite. Valérie Pécresse 4,78%, Marine Le Pen 23,15%. L’original et la copie.

Et il semblerait qu’après avoir siphonné LR, le Rassemblement national s’attaque à l’électorat macroniste : +7 points pour le RN dans le dernier sondage du JDD, -5 points pour Renaissance (LREM). Si les vases sont rarement totalement communicants dans le champ politique, force est de constater que Marine Le Pen applique la stratégie de François Duprat, contraignant la droite macroniste à adopter les thèmes du RN, à lui tendre la main à l’Assemblée et à la rendre fréquentable.

Depuis 2017, Emmanuel Macron n’a de cesse de faire monter l’extrême droite

L’insoumission.fr n’a eu de cesse de l’écrire : depuis 5 ans, Emmanuel Macron n’a eu de cesse à faire monter l’extrême droite. Loi sur le « séparatisme », l’« ensauvagement », interview à Valeurs Actuelles, réhabilitation de Pétain et Maurras, Marine Le Pen qualifiée de « trop molle » par Gérald Darmanin, la note sur l’immigration demandée à Éric Zemmour, le laisser-faire face à la zemmourisation médiatique, la chasse à l’islamo-gauchisme… Emmanuel Macron et ses ministres ont adopté les thèmes et le vocabulaire de l’extrême droite.

Les ministres macronistes ont préféré taper sur un « islamo-gauchisme » imaginaire, plutôt qu’à l’explosion des violences d’extrême droite (cf la carte de l’insoumission.fr sur les violences d’extrême droite). Une fois réélu par une partie du peuple de gauche pour faire barrage au RN, la macronie a retourné le barrage républicain. Premièrement en refusant d’appeler à voter pour les candidats de la NUPES en cas de duel contre le RN au second tour des législatives. Deuxièmement, ne disposant pas de majorité absolue, en préférant tendre la main au RN plutôt qu’à la gauche pour gouverner.

Un retournement du barrage républicain prédit par le philosophe Frédéric Lordon : plutôt Hitler que le Front populaire hier, plutôt Marine Le Pen que Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui. Entre l’extrême droite et la gauche anticapitaliste, la bourgeoisie a le mérite de la constance dans l’Histoire, comme nous l’écrivions encore hier dans nos colonnes soulignant une phrase de Geoffroy Rouz de Bézieux passée sous les radars médiatiques. Le RN au pouvoir ? Un « risque nécessaire » pour le patron du MEDEF. Mais pourquoi la bourgeoisie préfère Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon ? Car le camp du capital sait où sont ses intérêts.

La bourgeoisie n’est pas folle, et Marine Le Pen ne cesse de lui faire des appels du pied : vote contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) à de multiples reprises à l’Assemblée nationale, vote contre la taxe super-profits au Parlement européen, et en même temps, vote contre la hausse du SMIC, le blocage des prix de produits de première nécessité et le gel des loyers. Derrière son discours électoraliste sur le « pouvoir d’achat » qui parvient à séduire une partie croissante des classes populaires, le Rassemblement national est une arnaque sociale à démasquer de toute urgence. 

Retraites : quand Emmanuel Macron choisit de diaboliser Mélenchon, et de continuer à dédiaboliser l’extrême droite

Pour tenter de sortir de la crise actuelle, Emmanuel Macron a donc choisi : cibler Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. L’avenir dira si le président a payé McKinsey pour sa com’ de crise, ou s’il a trouvé ses éléments de langage tout seul comme un grand. La consigne, passée ce lundi lors d’une réunion de crise à l’Élysée selon le Parisien, a bien été reçue par les troupes macronistes. Pour Aurore Bergé : « le projet de LFI et Mélenchon, c’est de tout conflictualiser et créer la violence partout ». Pour François Bayrou, le leader Insoumis entretient « une stratégie de déstabilisation de notre société, par la multiplication des affrontements ». Mais qui déstabilise notre société ?

Qui abime la démocratie en piétinant le Parlement en utilisant le vote bloqué au Sénat et le fameux 49.3 à l’Assemblée nationale, en fracassant les 93% d’actifs opposés à la retraite à 64 ans à coups de LBDs et de grenades de désencerclement ? Qui compare les manifestants aux factieux du Capitole ? Et qui, en même temps, ne dit pas un mot sur l’identité des militants d’extrême droite qui ont incendié la mairie de Bordeaux aux cris de : « Front national remplace Macron ! » ? Qui ne condamne pas les attaques des « Waffen Assas » contre nos étudiants ? Qui ne dit pas un mot sur l’identité du conseiller en communication de Marine Le Pen, l’ancien chef du GUD, le groupuscule d’extrême droite à l’origine de ces attaques dans les cortèges ? Qui s’excuse auprès des députés RN en refusant de les associer à l’ultra-droite ? Qui n’a de cesse depuis 2017 de faire monter l’extrême droite en reprenant ses obsessions, en la qualifiant de trop molle ? Emmanuel Macron joue un jeu terriblement dangereux pour notre République. C’était justement l’objectif originel de François Duprat, le théoricien du Front national.

Par Pierre Joigneaux.

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