Mélenchon Lille
Crédits : Claire Jacquin

Les élus de la faculté de Lille dénoncent la censure de Mélenchon et Rima Hassan à Lille

Mélenchon. Un recadrage en règle pour la Présidence de l’Université de Lille, et une épine dans le pied des partisans du génocide à Gaza. C’est la signification de la motion adoptée jeudi 18 avril par le conseil des élus de la Faculté des Langues, Cultures et Sociétés de l’Université de Lille. Cette instance universitaire s’est réunie et a adopté une motion désapprouvant sans équivoque la décision d’annulation par la Présidence de l’Université de la conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan prévue le 18 avril en ses murs. « Nous souhaitons manifester notre vive désapprobation quant à la décision annulant la conférence organisée ce jeudi 18 avril par l’association étudiante agréée Libre Palestine », ont-ils écrit dans un communiqué rendu public.

Les élus fustigent une décision d’annulation de la Présidence d’Université comme « illégitime et attentatoire aux libertés », des libertés « que nous devons garantir à nos étudiants », précisent-ils. Solennellement, ils appellent les instances de l’université « à ne plus céder face aux pressions et à être réellement garantes de nos droits et libertés ». Ces pressions, ce sont celles exercées par le Gouvernement et les partisans du génocide à Gaza pour museler toute opposition.

Dans son discours à Lille, le 19 avril, Jean-Luc Mélenchon déclarait : « le Président d’Université devrait admettre son erreur. Les universitaires ont la capacité de juger ce qu’ils enseignent à leurs élèves. Ils peuvent faire le tri entre les opinions ». Cette capacité, les élus du conseil de la faculté de Lille en ont fait la démonstration par leur motion. Leur communiqué fait honneur au monument qu’est l’Université, attaquée et sous pression des amis français de Netanyahu. Chacun a la capacité de combattre la banalité du mal, pour briser la chaîne qui le répand. Notre article.

Censure de Mélenchon et Rima Hassan à Lille : une « décision illégitime et attentatoire aux libertés »

Les mots sont clairs et honorent leurs auteurs. Ils dénoncent la décision d’annulation de la conférence par la Présidence de l’Université de Lille, une annulation « illégitime et attentatoire aux libertés ». Les motifs invoqués par la Présidence de l’Université sont passés au crible. Les universitaires rappellent que « l’impératif de neutralité politique ne s’applique pas aux étudiants et à leurs associations »

Les universitaires fustigent le motif de « sécurité des personnes et des biens » invoqué par la Présidence de l’Université pour justifier son annulation. Ils s’étonnent de l’absence totale de précisions des prétendus « risques avérés de trouble à l’ordre public ». À l’inverse de la décision de la Présidence, les élus de la faculté étayent leurs propos. Ils citent à l’appui l’article L811.1 du code de l’éducation.

La seule limitation à l’exercice de la liberté d’information et d’expression est l’existence d’une menace grave et avérée de troubles majeurs. L’interdiction est illégitime tant que les évènements sont organisés « dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public ». Ils jugent ainsi la décision d’annulation comme « illégitime et attentatoire aux libertés que nous devons garantir à nos étudiants » en soulignant « l’absence d’un tel risque ».

Pour aller plus loin : À Lille, plus de 1 000 personnes au rassemblement de LFI contre la censure et pour la paix

Le « trouble à l’ordre public » : l’arme de la censure politique

Le lendemain de la décision de la Présidence de l’Université, la Préfecture interdit la nouvelle conférence que les insoumis avaient reprogrammée dans une salle privée. Le même motif invoqué par la Présidence de l’Université est mis sur la table : le « risque de graves troubles à l’ordre public ». Un motif hautement politique. Il est aussi révélateur du deux poids deux mesures permanent du Gouvernement.

Le 8 mai 2023, plus de 500 néo-nazis défilaient cagoulés dans les rues de capitale. Troubles à l’ordre public ? Non, la Préfecture n’a pas bougé, les nazis ont défilé. L’ordre protégé, c’est celui des complices du génocide à Gaza. Ainsi sont prononcées en cascade des interdictions de parole des insoumis et des voix de la paix.

Pour aller plus loin : Scandale : des néo-nazis défilent en plein Paris avec l’autorisation de la préfecture, deux proches de Marine Le Pen dans leurs rangs

Les faits démontrent sans conteste l’absurdité du motif. Dernière preuve récente : la marche contre le racisme et l’islamophobie organisée ce dimanche 21 avril à Paris. À deux reprises, elle fut interdite pour « risques de troubles à l’ordre public ». Le tribunal a opéré un recadrage au goût de sévère défaite pour les autorités. Il a jugé que l’interdiction portait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation ».

La manifestation à l’appel de 51 organisations, dont LFI, s’est finalement tenue. A t-elle dégénéré comme la Préfecture le laissait entendre en invoquant ce « risque de trouble » ? Des « slogans antisémites » ont-ils été entendus ou affichés comme la Préfecture le soulevait dans son arrêté ? Non, elle s’est déroulée dans le calme absolu, sans troubles, ni heurts et évidemment sans slogans antisémites.

La même question se pose pour les interdictions à la chaîne des conférences de Jean-Luc Mélenchon. Sur les cinq dernières interdictions, trois sont l’œuvre de préfets sur ces motifs de « troubles ». L’une des nombreuses conférences de Jean-Luc Mélenchon a t-elle déjà tourné au vinaigre ? A t-elle généré des troubles ? Force est de constater que non, cela ne s’est jamais produit. Que des opposants viennent manifester pour dire leur opposition à Jean-Luc Mélenchon doit-il être considéré comme un trouble de nature à interdire la conférence ? Bien évidemment, la réponse est négative. Si l’on suivait cette logique, tout déplacement présidentiel ou ministériel serait interdit pour « risques de troubles à l’ordre public ».

La leçon est claire : le « risque de trouble à l’ordre public » et la crainte de « slogans antisémites » sont des chimères inventées par les partisans du génocide à Gaza. Des chimères qui servent d’armes pour réduire au silence les opposants, au même titre que l’accusation d’« apologie de terrorisme »

Le dangereux précédent de l’arrêté d’interdiction de la Préfecture

Sur deux pages, la Préfecture a étalé ses « considérants » (NDLR : les motifs invoqués par la préfecture pour justifier sa décision) pour décréter l’interdiction de la conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan. Parmi ces motifs, outre le « risque de trouble à l’ordre public », sont évoquées les « réactions de nombreuses personnalités locales demandant l’interdiction de cette conférence » :

« Considérant que l’organisation de cet évènement a suscité de vives réactions de nombreuses personnalités locales demandant l’interdiction de cette conférence […], que des appels à mobilisation contre cette conférence avaient été lancés par plusieurs organisations dont l’Union nationale inter-étudiante [UNI, syndicat d’extrême droite] et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) sur les réseaux sociaux et relayés dans les médias nationaux ; que ces appels à une contre-manifestation laissaient craindre des rassemblements pouvant entraîner des heurts. »

Qui sont ces personnalités ? Quelles sont ces « vives réactions » ? Tout est parti d’une polémique inventée de toutes pièces par Jérôme Guedj (PS), Violette Spillebout (Renaissance, ex-LREM), CNEWS, Sébastien Chenu (RN), et toute la sphère des partisans du génocide à Gaza. En cause, le logo de l’association Libre Palestine à l’initiative de l’invitation de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan. Une association agrée à l’Université et… enregistrée à la Préfecture. Une association dont le logo n’a pas par ailleurs posé aucun problème ni à la Présidence de l’Université ni à la Préfecture avant que la fausse polémique ne fasse le tour des plateaux de télévision.

Par ailleurs, l’association s’est elle-même exprimée à travers un communiqué il y a quelques jours : « Libre Palestine n’a jamais promu la haine ou proféré des propos antisémites. Elle milite pour la paix et le respect du droit international. Notre logo ne nie en aucun cas l’existence d’Israël. Nous avons mobilisé une carte qui représente une région du monde traversée par un processus de colonisation indéniable. ».

Mais qu’importe, la Préfecture s’est empressée de mobiliser les arguments des amis de Netanyahu pour justifier une interdiction hautement politique. Elle écrit ainsi : « la présence sur l’affiche de l’évènement d’un logo pouvant être interprété comme déniant l’existence de l’État d’Israël majore le risque d’affrontements physiques entre militants antagonistes […], que le risque est élevé qu’un tel évènement puisse donner lieu à des propos ou des agissements pénalement sanctionnés relevant notamment de l’incitation à la haine et à la violence »

Dans la France de Macron, il suffit donc que des nervis génocidaires montent une polémique de toutes pièces, relayée par ses médias – CNEWS au premier rang, menaçant de déranger une conférence politique pour que celle-ci soit interdite. Émerge ainsi une jurisprudence grave et dangereuse : l’opposition peut voir ses initiatives interdites par la protestation de ses détracteurs soutenus par le pouvoir. En l’occurrence, la position des amis français de Netanyahu est force de loi pour les autorités.

Une série de motifs bidons : fausse polémique sur un logo, bâtiment pas aux normes techniques…

La Préfecture a aussi multiplié les motifs subsidiaires aussi farfelus et délirants les uns que les autres, qui ne laisse aucun doute sur leur volonté de masquer une interdiction manifestement politique.

Comme souvent, est invoquée la mobilisation des forces de l’ordre sur un autre évènement pour justifier cette interdiction. En cause : « le match de foot opposant le Lille Olympique Sporting Club (LOSC) au club anglais d’Aston Vila au stade Pierre Mauroy à Villeneuve d’Ascq » et « une conférence de l’historienne Annette Becker à la synagogue de Lille, dans le cadre de la commémoration de l’insurrection du ghetto de Varsovie ».

Un match à Villeneuve d’Ascq et une conférence d’Histoire le même soir justifient donc l’annulation d’une conférence étudiante à l’université – puis dans une autre salle – à Lille. Soit. Et c’est ainsi qu’un régime autoritaire en vient à devoir choisir entre un évènement sportif et un évènement politique le même soir. Toutes les initiatives politiques en jour de match seront-elles promises à la censure ?

Enfin, l’arrêté préfectoral, peinant à inventer des éléments suffisamment probants, évoque même le « défaut d’isolement de la cuisine » du bâtiment dans lequel aurait dû se tenir la conférence, et son « absence de vérifications des installations techniques » risquant ainsi d’engendrer des attroupements devant l’établissement. Motif farfelu, pour une décision toute autant farfelue.

La situation pourrait être risible si elle n’était pas si grave et périlleuse pour la démocratie. La présente décision de la Préfecture du Nord et des Hauts-de-France créé un précédent dangereux. Elle a décrété l’interdiction d’une conférence politique dans un contexte de campagne électorale.

Enfin, elle se double de l’utilisation des moyens de la justice, de la police, et de l’antiterrorisme pour compléter la censure politique. Tel est le sens des convocations par la police de Rima Hassan, et ce jour, de la présidente du groupe parlementaire insoumis, Mathilde Panot. Un fait inédit sous la 5ème République.

Toutes ces opérations s’inscrivent dans un même but pour les auteurs : museler l’opposition et bâillonner toute protestation contre le génocide en cours à Gaza. Alors que près de 35 000 Palestiniens ont été tués dont plus de 15 000 enfants, la sphère politique et médiatique en France s’attèle aux diversions abjectes et à une répression féroce de toutes celles et ceux qui font honneur à l’Humanité en dénonçant les massacres.

Sylvain Noel, rédacteur en chef

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