LE MONDE 19 MARS

« Le Monde », l’art de l’insinuation venimeuse

Retrouvez le billet d’humeur de l’une de nos rédactrices. Le thème du jour : le dénigrement sans ambages du journal Le Monde contre Jean-Luc Mélenchon et le racisme de classe contre les quartiers populaires et les musulmans. Le Journal ne fait plus dans l’information, mais dans la propagande à tout-va par son alignement sur les objectifs de Netanyahu.

« Le Monde s’aligne donc, le menton en avant, sur les objectifs de la propagande de Netanyahu et de ses officines en France »

Sur les cinquante derniers articles publiés par le quotidien Le Monde, 49 sont à charge. Bien sûr, le dénigrement de Jean-Luc Mélenchon y occupe une place de choix. Les auteurs de la rubrique anti-LFI semblent assumer sans problème le passage du statut de journal d’information à journal de propagande. Et quelle propagande ! Dans la période politique en cours depuis le 7 octobre au Proche-Orient, le Mouvement Insoumis est engagé contre le génocide. S’y opposer ne peut être autre chose qu’un point de vue très partisan.

Le Monde s’aligne donc le menton en avant sur les objectifs de la propagande de Netanyahu et de ses officines en France. À mesure que Netanyahu perd la bataille de l’opinion française, la fureur des médias alignés se lit entre les lignes autant qu’au mot à mot. Mis en échec, pour ne pas prendre la responsabilité de l’insulte, la méthode du journal Le Monde consiste souvent à invoquer des pseudos « sources qui préfèrent garder l’anonymat ».

Elles sont évidemment purement simplement inventées, cela crève les yeux. Ainsi quand le journal Le Monde prétend qu’une députée insoumise comparerait la liste de Manon Aubry avec Rima Hassan à la liste antisémite de Dieudonné. Le but de l’auteure est évidemment de parvenir à provoquer des déchirements internes comme argument auprès de sa chefferie pour une nouvelle autorisation de publication, rêve suprême du rubricard relégué dans ce genre de rôle dégradant.

Deux secondes de réflexion permettent pourtant de démasquer facilement le procédé. Pour quelle raison une députée insoumise convaincue d’un fait aussi grave resterait anonyme pour le dénoncer ? Pourquoi d’une façon générale une députée insoumise qui veut critiquer de l’intérieur le Mouvement, le ferait-elle anonymement ? Quand Raquel Garrido a traité Mélenchon de « nuisible », elle l’a fait publiquement à visage découvert !

Pourquoi se cacherait-elle au moment où elle constaterait un aussi grave manquement à l’éthique des Insoumis ? De quoi aurait-elle peur ? Pourquoi n’aurait-elle pas aussitôt quitté un mouvement dont elle aurait la conviction de son antisémitisme ? En fait, ce procédé dégoutant du journal « Le Monde » est destiné à instiller une assertion qui ressemble comme deux gouttes d’eau à du racisme.

C’est un racisme de classe, typique d’un large secteur de la classe médiatique actuelle. On l’a vu à l’œuvre avec « la tentative d’assassinat politique de Jean-Luc Mélenchon » comme l’a écrit Serge Halimi dans Le Monde diplomatique. Souvenez-vous, quand Le Monde accusait d’antisémitisme le tribun sans un seul élément de preuve. On retrouve le sous-entendu ici quand il s’agit du choix de Rima Hassan. Dans chaque cas, c’est le même « raisonnement ». Mélenchon et les Insoumis font tout cela pour « séduire » électoralement les quartiers populaires et les musulmans.

Pour aller plus loin : Rima Hassan rejoint la liste LFI pour porter la voix de la paix en Palestine

L’argument se présente comme un commentaire d’analyse politique. Il s’agit pourtant d’un préjugé raciste assez ordinaire et dorénavant omniprésent sur CNEWS, Valeurs Actuelles et autres émetteurs médiatiques de ce type. Implicitement, cela porte un message venimeux des plus simples : les quartiers populaires et les musulmans seraient mécaniquement voués à l’antisémitisme. Évidemment, cette accusation aujourd’hui n’a plus guère de sens ni de portée puisqu’elle est utilisée à tout propos et contre tout le monde. En ont fait les frais : Edgard Morin, António Guterres, l’Eurovision, des fédérations sportives, l’ONU, le pape lui-même, et combien d’autres, dont un certain nombre de personnalités assumant publiquement un judaïsme non-aligné sur le chef de l’extrême droite israélienne.

Ce n’est donc pas l’accusation qu’il faut craindre, mais ce qu’elle révèle. Il met à nu l’alignement progressif des « élites » françaises sur le discours islamophobe et anti-populaire. C’est le langage qui signe aujourd’hui l’adhésion des milieux mondains à l’extrême droite politique française. Ce phénomène n’est pas neuf dans l’histoire de notre pays ! Il est à l’origine, avant-guerre, du glissement contre le « judéo-bolchevisme » (islamo-gauchisme de l’époque). Il conduisit à un pétainisme généralisé de la bourgeoisie française (« plutôt Hitler que le front populaire ») et de ses médias de l’époque. Une maladie incurable.

Il ne fut possible de s’en débarrasser que par la résistance armée contre l’occupant puis des mesures de décontamination radicale comme les confiscations après la victoire. Et ce fut le cas de dizaine de journaux. Ainsi de l’ancêtre du Monde, le journal Le Temps, confisqué à la libération pour collaboration avec l’occupant nazi. Mais curieusement, Le Monde en garda une trace de filiation esthétique pendant des décennies et encore maintenant. C’est cette mode ridicule d’imprimer la première lettre de son titre en caractère gothique ou stylisé. Comparaison n’est pas raison bien sûr. Mais le phénomène social reste.

Que se passe-t-il ? Pour ne risquer aucune accusation d’antisémitisme en dénonçant l’islamophobie bourgeoise, citons la Bible. Elle fournit dans les « proverbes » une métaphore cruelle pour un tel retour sidérant « Comme un chien qui retourne à ce qu’il a d’abord vomi, un insensé revient à sa folie ». Les dominants de ce temps médiatique ont commencé un retour fou vers un réflexe de peur de classe dont on connait déjà le résultat. 

Par Michelle Louis