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« Poutine n’en demandait pas tant » – Le député LFI Arnaud Le Gall recadre Macron et plaide pour la paix en Ukraine

Ukraine. Cet après-midi, le député LFI Arnaud Le Gall intervenait à l’Assemblée nationale dans le cadre du simulacre de débat organisé par le Gouvernement après l’annonce d’Emmanuel Macron sur la possibilité d’envoi de troupes françaises en Ukraine. « La France doit être à la pointe du combat pour la paix » a déclaré le député insoumis, plaidant pour une solution diplomatique contre l’escalade guerrière du Gouvernement.

Il a rappelé la constance des propositions de LFI, citant la mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon dès 2022 d’une intervention de l’ONU alors que les combats se rapprochaient de la centrale nucléaire de Zaporijia. Quelques mois plus tard, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique le faisait, et l’expertise française était mobilisée. Le parlement ukrainien émettait à son tour la même demande. L’Insoumission.fr relaye dans ses colonnes l’intervention du député Arnaud Le Gall.

« Dans la guerre en Ukraine, notre pays, présent sur tous les continents, doit au contraire être à la pointe du combat pour la paix », Arnaud Le Gall, député LFI

Ce débat est un simulacre. Vous avez choisi un débat 50-1, suivi d’un vote indicatif qui ne vous oblige à rien. Ce n’est pas à la hauteur de la situation. Non, nous ne décidons pas réellement d’un accord de sécurité avec l’Ukraine. Vous l’avez déjà signé, sans rien demander à personne. Vous nous demandez un chèque en blanc après les déclarations de va-t’en-guerre irresponsables du chef de l’État, chef des Armées. Nous ne pouvons l’accepter.

Les escalades militaires sont toujours précédées d’escalades verbales. À cet égard, le mois écoulé donne le vertige. Le 5 février, le chef de l’État a jugé utile de s’exprimer sur la dissuasion nucléaire française. Il a proposé d’ouvrir le parapluie nucléaire français à l’Union européenne. Une absurdité. Dans un domaine où le laconisme est la règle, il a créé, au pire moment, la confusion.

Puis, le 16 février, l’accord de sécurité entre la France et l’Ukraine a été signé sans débat parlementaire ni information préalable.

Ayant condamné dès le premier jour l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine, nous avons approuvé à ce titre les initiatives de soutien au peuple ukrainien. Et notamment les cession d’armements. Pour autant qu’elle n’affaiblisse pas nos propres capacités de défense ; qu’elle n’entraîne pas un risque d’escalade en permettant de frapper en territoire russe ; et que le Parlement soit saisi. Une telle aide peut parfaitement perdurer sans besoin de signer quoi que ce soit. Car je signale que signer un accord de défense avec un pays en guerre est une nouveauté dans notre histoire ! 

Et s’il s’agissait seulement de défense et de sécurité, le débat aurait eu lieu sur d’autres bases. Or l’accord assume le soutien de principe à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne. Sans vote ni du peuple ni de ses représentants ! Nous ne sommes pas d’accord. En l’absence d’harmonisation fiscale, sociale et écologique préalable, cette adhésion aurait des conséquences dévastatrices pour notre économie. Notre agriculture est déjà écrasée par cette concurrence. Le texte se prononce aussi pour le soutien de principe à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Ce genre d’annonce ferme d’emblée toute discussion en vue d’un règlement durable du conflit. Nous votons contre.

Mais à quoi bon ce vote ? Je l’ai dit, ce débat est un simulacre. Le texte de l’accord lui-même n’a plus de sens depuis que le président de la République, a évoqué depuis la possibilité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine. Il nous a fait passer dans une autre dimension. Ce n’est pas un hasard si vous avez annoncé ce débat non pas après la signature de l’accord, mais bien après les propos tenus par Président le 26 février.

Oui ou non acceptons-nous que la France, puissance nucléaire, se place en situation de guerre face à la Russie, puissance nucléaire ? Voilà, la question qui nous est posée aujourd’hui.

La déclaration irresponsable du président a ouvert la voie à une escalade que nous ne pouvons cautionner. Comment croire qu’il a créé une « ambiguïté stratégique » ? Au contraire : la succession humiliante de communiqués des principaux alliés de la France se désolidarisant de cette déclaration a amené tout le monde à afficher ses limites. Poutine n’en demandait pas tant. L’ambiguïté stratégique est incompatible avec l’agitation verbale.

Le chef de l’État a depuis persisté, et signé. À Prague, le 5 mars, il a assimilé la prudence de rigueur à de la « lâcheté », aggravant encore l’isolement de la France. Puis, aux responsables des partis politiques reçus à l’Élysée, le 7 mars, il a déclaré qu’il n’y avait « aucune limite », « aucune ligne rouge » au soutien de la France à l’Ukraine. « Aucune limite » ! Etes-vous sérieux ?

La parole de la France est encore affaiblie. Ce n’est pas la première fois. Puisque auparavant, de sommet UE-Ukraine en sommet de l’OTAN, vous aviez, de concert avec les autres parties prenantes, fixé des objectifs que vous avez été ensuite incapables de remplir, même pour les fournitures militaires. Vous parlez désormais de passer en « économie de guerre » sans avouer aux Français les graves implications sociales et militaires d’un tel choix.

Notre devoir est de dire stop. Stop à cette agitation verbale incompatible avec une action concrète dans une stratégie cohérente. Stop à l’idée même d’entrer en guerre face à une puissance nucléaire, dès lors que nos intérêts vitaux ne sont pas en jeu. Il est urgent de revenir au principe de responsabilité. Il faut affirmer qu’il n’y aura pas d’issue militaire acceptable à ce conflit. Il est urgent de contribuer à redonner une chance à la diplomatie.  

Il ne nous appartient pas, à nous Français, de définir maintenant les termes d’une négociation acceptable. Mais nous devons agir pour que le processus s’enclenche et progresse. Quel que soit le cadre retenu, l’ONU, gardienne du droit international, doit en être garante. Le retour à la paix exigera, c’est certain, l’établissement de « mutuelles garanties concrètes de sécurité » pour les deux parties. Comme le président lui-même le disait en décembre 2022. et comme il l’a redit lors de sa rencontre avec les chefs de partis.

Pour commencer, prenons en main des problèmes concrets de sécurité, concernant toute la région, voire le monde, pour conduire les belligérants autour d’une table. Dès 2022, quand les combats se rapprochaient de la centrale nucléaire de Zaporijia, nous proposions, par la voix de Jean-Luc Mélenchon, que l’ONU s’empare du sujet. Nous avons reçu railleries et moqueries. Quelques mois plus tard l’Agence Internationale de l’Energie Atomique le faisait, et l’expertise française était mobilisée. Le parlement ukrainien émettait à son tour la même demande. La question se pose à nouveau. Car maintenir sous cloche les installations nucléaires au-delà du délai de sécurité indiqué par les experts représente un grand danger.

Le calendrier diplomatique doit partir des objectifs atteignables à horizon visible pour, de proche en proche, avancer sur les questions qui paraissent insurmontables aujourd’hui. Tout est possible encore pour la paix ! Le cessez-le-feu serait demandé par la Russie, si l’on en croit les déclarations du président Macron aux chefs de partis. Et, toujours selon le président, le vote, sous stricte surveillance internationale, des populations concernées pour décider de leur appartenance nationale serait accepté par l’Ukraine.

L’objectif doit être de mettre sur pieds une architecture régionale de sécurité collective durable. Il faut le faire maintenant, puisque cela n’a pas été fait à la chute de l’Union soviétique. Il faut chercher ensemble des garanties pour l’intégrité des frontières. Il est inacceptable de régler les litiges par des invasions.

Un cadre existe pour discuter, c’est l’OSCE, créée au pire moment de la guerre froide, et à laquelle adhèrent 52 États dont la Russie, l’Ukraine, les États-Unis et les nations de l’Union européenne ! Et si l’on estime que ce cadre est paralysé, donnons-nous les moyens d’en réinventer un.

Car c’est le principe même de la diplomatie que de rechercher la lumière au milieu du tunnel.

La France doit être une puissance facilitatrice pour la paix, et non un boutefeu. Depuis deux ans, nous accueillons des opposants russes à Poutine. Même eux nous disent que l’existence de partisans de la paix en Europe aide l’opposition russe.

L’enfermement manichéen et la surenchère militaire ne sont conformes ni à l’histoire, ni aux principes, ni aux intérêts de notre patrie.

De De Gaulle à Mitterrand et Chirac, la France a été une puissance non-alignée, décidant souverainement de ses alliances et de ses combats. Au Conseil de Sécurité, elle fut longtemps le membre permanent le plus à même de parler avec tout le monde. Car il ne faut pas confondre diplomatie et posture morale : le principe même d’une action internationale au service de la paix est de s’autoriser à parler aussi à ceux qui ne sont pas nos amis. Capable de parler à tous, la France pouvait alors contribuer à produire des compromis, de l’ordre, du droit. 

Que reste-t-il de tout cela ? Plus grand-chose, hélas, après des années de réalignement qui furent aussi, pour notre appareil diplomatique, des années de disette. Avez-vous vu que notre réseau diplomatique vient d’être déclassé ? Naguère 2es, nous sommes maintenant relégués au 5e rang, derrière le Japon et la Turquie. Vous avez supprimé les corps diplomatiques au moment où nous en avions le plus besoin ! Et les nouvelles coupes budgétaires annoncées par le ministre de l’Économie vont encore affaiblir l’action extérieure de la France. Mais peu importe, nous a-t-il répondu en commission, puisque le budget des armées a cru. Croyez-vous sérieusement que la force militaire, sans réseau diplomatique solide, sans stratégie internationale cohérente, suffise à produire une solution viable ?

Dans le vide laissé par la France, d’autres pays s’engouffrent. Par exemple, quand il a fallu conclure un accord sur l’exportation du blé ukrainien, c’est la Turquie qui a été à la manœuvre. Quand il a appelé, ce dimanche, à une négociation, c’est la Turquie que le Pape François a cité comme une médiatrice possible. La Turquie, pas la France. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Voilà où nous ont conduit, en politique internationale, les déclarations à l’emporte-pièce, les prises de position incohérentes, les indignations à géométrie variable, l’usage du mégaphone quand il faut savoir se taire, et le silence quand il faudrait dénoncer.

La France n’a pas à s’enfermer dans un camp, « occidental », atlantiste ou autre. Cette attitude nous isole et ternit l’aura internationale de notre patrie. Dans la guerre en Ukraine, comme à Gaza, comme en République démocratique du Congo, comme au Liban, notre pays, présent sur tous les continents, doit au contraire être à la pointe du combat pour la paix. Il doit, avec d’autres, rechercher et proposer toujours des issues, au lieu de se précipiter dans des impasses.

Dans l’épreuve internationale, la France doit être un agent de la solution et non une partie du problème.

Pour aller plus loin : Ukraine : contre l’escalade militaire de Macron, LFI prône la négociation pour la paix

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