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« Tout coûte un bras, sauf manifester qui coûte aussi un œil » : Amnesty International appelle à interdire les LBD en manifestations

D’après le site violencespolicieres.fr, depuis mars 2019, on compte 625 blessés de tirs de LBD, 47 blessés graves et 29 mutilés ayant perdu l’usage d’un œil depuis novembre 2018. Malgré ce constat morbide, le ministère de l’Intérieur a décidé de réduire la distance de tir des LBD, ignorant délibérément leur dangerosité avérée.

Depuis cet été, l’ONG Amnesty International diffuse une pétition en ligne pour le respect du droit à manifester dans le monde. Elle mène une campagne pour l’exercice de ce droit fondamental garanti par des textes internationaux et Européens. Il s’agit par exemple de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme… Le droit de manifester est une application essentielle du droit à la liberté d’expression actuellement menacé dans de nombreux pays.

Mais comment ce droit est-il remis en cause partout dans le monde ? Selon le rapport d’Amnesty International, de nombreux gouvernements utilisent des armes à létalité réduite. Ces armes sont classifiées armes de guerre en France (article R 311-2 code de la sécurité intérieure français), certaines même d’armes à feu (article D 211-17 du même code). Elles peuvent avoir le même effet que les armes plus puissantes : blesser et tuer. Ces armes à létalité réduite sont désormais célèbres : lanceurs de balles de défense (LBD 40), grenades explosives, sans compter les matraques et les gaz lacrymogénes. Elles sont utilisées contre des manifestants pacifiques souvent de façon abusive en contradiction avec les préconisations du droit international

Amnesty International demande donc un traité international réglementant le commerce et l’utilisation d’armes à létalité réduite avec deux objectifs : l’interdiction des armes à létalité réduite conçues dans le but d’infliger de mauvais traitements ; le contrôle strict du commerce des armes à létalité réduite susceptibles d’être utilisées pour infliger de mauvais traitements.

Surprise : la France fait partie du TOP 10 très convoité des violenteurs des droits de l’Homme aux côtés d’innocentes « démocraties » telles que la Russie, la Chine, l’Iran… La France se classe en heureuse compagnie sous la conduite d’Emmanuel Macron. Le dossier concernant la France fait état d’utilisation d’armes à létalité réduite non conforme à leur destination. Mais Amnesty International souligne surtout la judiciarisation du droit à manifester par des sanctions pénales. La France est l’un des rares pays occidentaux cités. Notre article.

France – Double-peine : des manifestants victimes condamnés, menacés par les LBD

Les personnes qui participent à des manifestations en France s’exposent à la fois à des blessures causées par les armes à létalité réduite citées ci-dessus et à des condamnations pénales pour avoir manifesté.

Des armes de guerre utilisées de façon abusive

Des atteintes corporelles provoquées par l’usage des armes à létalité réduite

Les forces de l’ordre sont soumises à l’obligation de respecter les droits humains, de les protéger, ainsi que de respecter la vie et l’intégrité physique des personnes qu’elles ont sous leur surveillance. Elles doivent user de façon légale des armes de maintien de l’ordre dont elles se servent. Or, d’après le ministère de l’intérieur, à titre d’exemple, 2945 manifestants ont été blessés par les forces de l’ordre pendant les manifestations de Gilets Jaunes entre le 17 novembre 2018 et le mois d ‘octobre 2019 .

Zineb Redouane, âgée de 80 ans, a été tuée par une grenade lacrymogène alors qu’elle se levait pour fermer sa fenêtre située au 4ème étage. Le jeune Hedi à Marseille a été défiguré par un tir de LBD en marge des révoltes urbaines de juillet 2023.

Ces armes ont occasionné notamment des ruptures du globe oculaire entraînant la cécité, mains arrachées, fractures crâniennes et diverses.

Armes ayant causé des blessures

Ces blessures ont été infligées au moyen d’armes à létalité réduite telles que : les grenades de désencerclement (contenant des balles en caoutchouc et un effet assourdissant), les grenades explosives GM2L (contenant du gaz lacrymogène et un souffle assourdissant), les LBD 40, les matraques et les gaz lacrymogènes.

La plupart de ces armes sont qualifiées armes de guerre

Ces armes, malgré les vaines protestations de M. Darmanin, sont des armes de guerre telles que définies par l’article R 311-2 du code de la sécurité intérieure dans une catégorie A (hormis les matraques sauf celles à impulsion électrique). La plupart sont définies comme des armes à feu selon l’article D 211-17 du même code.

Elles ont continué à être utilisées après 2019, par exemple à la manifestation contre les méga-bassines à Sainte Soline le 27 mars 2023 ainsi que le rapporte le journal Libération du 28 mars 2023. 200 blessés sont à déplorer, dont 2 dans le coma, et 1 avec le pronostic vital engagé.

Pour aller plus loin : Sainte-Soline : les 3 mensonges de Darmanin

La défenseure des droits ainsi que le Commissaire des droits de l’homme au Conseil de l’Europe ont demandé l’interdiction d’utiliser les LBD 40 en 2019 d’autant plus qu’il apparaissait que les forces de l’ordre n’étaient pas suffisamment formées à leur usage. Ces demandes ont fait l’objet d’une fin de non recevoir.

Leur utilisation est non conforme au droit international

Outre que le personnel de maintien de l’ordre manque de formation, ces armes sont généralement utilisées de façon contraire à leur usage légal. Les grenades explosives sont conçues pour disperser des personnes violentes, et ne doivent pas être tirées directement sur celles-ci. Or de nombreuses blessures et mutilations ont été causées par des lancers inapropriés. Amnesty International cite un jeune homme, Laurent Theron, touché par une grenade de désencerclement. Il a perdu son œil droit. Le 14 décembre 2022, a eu lieu le procès du CRS qui l’a éborgné. Celui-ci a été acquitté. C’est l’un des exemples qui illustre la dangerosité de ce type d’armes.

Les tirs de LBD ont pour but de neutraliser les personnes violentes et ne doivent pas viser le visage. Ils sont pourtant à l’origine d’éborgnations. Il en est de même des matraques qui ne doivent pas être utilisées contre des personnes pacifiques ou déjà maîtrisées. Leur usage disproportionné est fréquent dans les manifestations.

Amnesty préconise l’interdiction ou la suspension de ces armes dans ses recommandations : notamment l’ Interdiction des grenades de désencerclement et la suspension des tirs de LBD dans l’attente d’une évaluation de leurs effets sur les droits humains

La France est également dénoncée pour la création de lois en vue de réprimer le droit de manifester en contradiction avec le droit international.

Entraves au droit de manifester par des lois

La France a utilisé des lois anciennes ou fait voter des lois nouvelles en vue d’inculper et d’arrêter les manifestants

Du 17 novembre 2018 au 12 juillet 2019 pendant le mouvement des Gilets Jaunes 40 000 personnes ont été condamnées pour avoir manifesté sur la base de lois vagues instrumentalisées pour restreindre la liberté d’expression. 11 203 personnes ont été placées en garde à vue. Les lois les plus fréquemment utilisées sont les suivantes.

1) Obligation de déclarer les manifestations

En vertu des articles L 211-1 et L 211-2 du Code de la Sécurité intérieure, les organisateurs de toute manifestation prévue sur la voie publique doivent en informer les autorités compétentes entre 3 et 15 jours à l’avance. Le lieu, l’heure de la manifestation ainsi que le parcours doivent être déclarés et signés par les organisateurs. Cette obligation est contraire au droit international.

2) Outrage aux forces de l’ordre Article 433-5 du Code Pénal

En 2019, 20 280 personnes ont été déclarées coupables de ce délit. Le délit d’outrage est défini de manière vague et est puni d’1 an d ’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Tout écrit, toute image ou toute parole qui porte atteinte à la dignité ou au respect dûs à une fonction publique constitue un outrage.

Ont par exemple été condamnés : Lise à Narbonne lors d’une manifestation contre l’usage des LBD40 pour avoir tenu une pancarte indiquant « Oui au muguet, non au LBD ». Un autre manifestant à Marseille «  FJ », a été condamné après avoir tenté d’empêcher un CRS de frapper une femme avec sa matraque, l’avoir insulté et lui avoir fait un doigt d’honneur.

En vertu du droit international, aucune forme d’expression hormis les appels à la haine constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ne doit être érigée en infraction même s’il s’agit de propos offensants ou dérangeants .

3) Interdiction de dissimuler son visage

Depuis une loi du 10 avril 2019, dissimuler totalement ou partiellement son visage lors de rassemblements ou manifestations qui troublent l’ordre public constitue un délit puni par un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. C’est également une contravention (art R 645-14 CP) Cette loi s’applique à des personnes portant des lunettes de soleil ou de piscine,des masques anti- poussière, un chapeau ou un bonnet.

En application du droit international, l’interdiction de se couvrir le visage ne saurait être légale que si le manifestant se livre à un acte de violence ou manifeste son intention de le faire de manière imminente.

4) Arrestations préventives pour participation à un groupement en vue de la préparation de violences

Depuis le 2 mars 2010, le fait pour une personne de participer sciemment à un groupe même formé de façon temporaire en vue de la préparation de violences contre les personnes ou les biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. (Article 222-14-2 du Code Pénal) Cette nouvelle infraction avait été votée pour lutter contre les bandes violentes mais la loi a prévu que cette infraction s’étend aux personnes se regroupant bien que ne se connaissant pas de façon à viser les Black Blocs.

Le flou réside dans la preuve de la volonté individuelle de commettre des violences ou de les préparer ce qui permet un grand nombre d’incriminations. En 2019, 1192 personnes ont été déclarées coupables d’avoir commis ce délit pour s’être rendues à des manifestations pacifiques.

5) Arrestations et poursuites de journalistes, secouristes bénévoles et observateurs

La loi du 2 mars 2010 a permis d’interpeller des journalistes, des secouristes bénévoles et des observateurs des droits de l’homme.

6) Interdiction de se rendre à des manifestations à titre de peine complémentaire

Depuis la loi du 10 avril 2019, les juges peuvent ordonner, à titre de peine complémentaire, l’interdiction de participer à une manifestation pendant une durée de 3 ans. (art 132-32-1 du Code Pénal. Ils peuvent ordonner une interdiction de séjour pendant 5 ans maximum. Ces peines ont été appliquées à 342 personnes dans le premier cas et dans 3780 affaires dans le second cas.

7) Répression judiciaire

D’après le Ministère de la Justice, au 12 juillet 2019, 3204 personnes ont été déclarées coupables d’infractions pénales commises en manifestation dont 39% en comparution immédiate. Ces personnes n’ont pas disposé du temps nécessaire à la préparation de leur défense. 403 personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt à l’audience. D’autres ont été condamnées à de lourdes amendes compte tenu des ressources très limitées des prévenus, notamment les gilets jaunes.

Certaines amendes ont été émises sur la base de vidéos de surveillance par la police et ont été envoyées par la poste. Si les manifestants blessés sont parfois poursuivis, les plaintes mettant en cause la responsabilité pénale des forces de l’ordre n’aboutissent pas à des condamnations.

8) Répression avec profilage racial

Amnesty cite encore le cas du jeune Nahel 17 ans tué par balle à Nanterre (92) le 27 juin 2023. Cet événement a entraîné une prise de position sévère du comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU le 7 juillet 2023.

Pour aller plus loin : Meurtre de Nahel : pas de discours, des actes, justice

Les libertés publiques en France sont donc en danger, les divers gouvernements Français ayant mis en place un arsenal judiciaire et guerrier afin de porter atteinte à la liberté d’expression. Seule une prise de conscience massive de la nature anti-démocratique de ce système répressif permettra au peuple Français de réagir.

Par Joëlle Lanteri

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