Chaque année, près de 500 millions d’euros sont injectés dans la chasse aux êtres humains en France, spécifiquement aux sans-papiers, contraints de vivre dans la précarité, l’angoisse et les caches pour survivre. En 2018, cette répression s’est chiffrée à 468 millions d’euros. Autant d’argent injecté contre la condition humaine, contre la dignité de chaque être humain au lieu d’être utilisé pour assurer une vie digne et permettre l’émancipation de toutes et tous. Au lieu de cela, le vote de la loi immigration en décembre 2023 grâce aux voix du RN qui a salué une « victoire idéologique » marque un nouveau recul inédit de leurs droits depuis 40 ans.
En maintenant les travailleurs dans des situations irrégulières, le capital (patronat et députés de droite) veut une armée esclavagisée de réserve pour répondre à leurs intérêts économiques. Par la disposition « métiers en tensions » de la loi, les libéraux entendent transformer les immigrés en matière première jetable, leur accorder un titre de séjour pour ensuite leur retirer au gré de l’évolution de la conjoncture économique.
Par la régularisation, le travailleur accède à un statut lui permettant de se défendre et négocier ses conditions de travail. Mécaniquement, les droits de tous sont ainsi nivelés par le haut. Les travailleurs sans papiers sont des acteurs centraux des luttes et ont arraché des victoires significatives. En 1971, la lutte par la grève des travailleurs sans papiers à l’usine Penarroya a permis la reconnaissance de l’intoxication au plomb. Une avancée majeure pour tous les travailleurs. Un exemple parmi tant d’autres qui doit pousser à la régularisation des sans papiers et non leur criminalisation. Notre article.
La répression des sans-papiers, une atteinte aux droits humains qui coûte un pognon de dingue
La vie sociale « sans-papier » est une abomination pour celui qui l’endure. Des êtres humains traversent des épreuves immenses pour fuir la guerre, la misère, la mort pour une vie de paria. À celles et ceux qui ont quitté leurs parents, leurs enfants, les gens qu’ils aiment, dans l’espoir d’une vie meilleure dans la patrie des droits humains, la France ne délivre que l’humiliation de devoir quémander la survie. Des heures devant les préfectures pour un papier. Une vie à la merci de patrons, de logeurs voyous qui profitent d’une situation voulue par une caste politique raciste pour exploiter sans limite la misère humaine.
Des aberrations aussi en ce que la répression de ces gens qui ne demandent pas mieux que de trouver une place utile dans la société coûte un montant faramineux.
260 millions d’euros sont prévus pour le budget 2024 pour lutter contre l’immigration irrégulière. Dont 161 millions d’euros chaque année pour passer de 1500 à 3000 places en centre de rétention administrative. Et cela sans compter toutes les dépenses de police et de gendarmerie mobilisées pour traquer des pauvres gens dont le seul crime est d’avoir fui la guerre ou la famine, au lieu de remplir un véritable service public de la sécurité par le démantèlement du trafic d’armes ou de réseaux de prostitutions.
Au total, en 2019, un rapport rédigé par deux députés de la majorité, Jean-Noël Barrot et Alexandre Holroyd, chiffre à 468 millions d’euros dépensés en 2018, pour 33 960 personnes éloignées. Soit 13 794 euros par personne. 13 fois plus que le coût total d’une année au lycée.
Happés dans leur obsession raciste, Darmanin et Macron dépensent sans compter pour diviser les travailleurs. Comble du délire, c’est seulement 175 millions d’euros qui sont prévus pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Résultat, la France est le seul pays de l’UE à ne fournir que des cours de niveau élémentaire (niveau homologué A2), qui sont insuffisants pour permettre un usage professionnel ou administratif fluide.
Les travailleurs immigrés contribuent à l’effort national et améliorent les finances publiques
En 2018, les chiffres sont clairs : la majorité écrasante de la population immigrée en France (76,8%) se situe dans la tranche d’âge active, c’est-à-dire entre 15 et 64 ans. Comparativement, seulement 60,7% des natif·ves se trouvent dans cette fourchette. Ces statistiques révèlent clairement que la population immigrée constitue une force économique dynamique.
Cette vidéo qui avait enflammé la toile pendant la Coupe du Monde de football masculin 2022 illustre cette importance des personnes immigrés dans les classes laborieuses en France. On y voit un ancien mineur rendre hommage à tous les travailleurs marocains qu’il a côtoyé « les premiers à descendre au fond ».
Sur la période de 2006 à 2018, la contribution nette des immigrés aux recettes fiscales est estimée à 0,25 % du PIB en France, d’après l’étude économique de Ekrame Boubtane.
De plus, cette contribution positive n’est pas liée au niveau de diplôme. Les personnes plus qualifiées sont en moyenne payées plus, elles payent donc plus de cotisations et d’impôts. Mais elles vivent également plus longtemps et touchent des prestations de retraites plus importantes. L’immigration sélective, en plus d’être une discrimination classiste au service du capital et contraire aux valeurs que devraient défendre la patrie des droits humains, est également, au point de vue comptable, un mauvais calcul.
En plus de travailler, de produire et de cotiser, les travailleurs immigrés consomment. Souvent 100% de leurs revenus puisque presque toutes les ressources sont mobilisées pour la survie quotidienne.
Au total, Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane, Dramane Coulibaly démontre que l’augmentation de 1 % en un an du taux d’immigration en France génère en moyenne une augmentation du PIB par habitant de 0,3978 %
Labeur et coeur
L’histoire de l’immigration en France est avant tout une histoire de labeur. Comme l’écrivait le poète Wapalek :
La misère nous divise tandis
Que les photos d’Jean-Marie se multiplient
Ce sont des étrangers qui ont construit ces murs
Sur lesquels il est inscrit qu’on n’veut plus d’eux dans c’pays
Mais c’est aussi une histoire de cœur. Il faut se détacher d’une logique purement financière et comptable pour inclure l’ensemble des apports de l’immigration à la nation française. Ce sont ces 607 000 soldats dont 70 000 morts pour la France lors de la Première guerre mondiale parmi les soldats qu’on a fait venir, parfois de forces, des colonies.
L’immigration en France, ce sont aussi ces centaines de milliers d’étudiants. 300 000 en 2022. En plus de rapporter 1,35 milliards d’euros aux finances du pays, ces jeunes gens qui viennent former leur esprit apportent également leur savoir, leur diversité. Ils enrichissent le pays par ce savoir et cette diversité et ont autant leur place dans la patrie commune que tous les autres.
Invitant leurs proches à venir les visiter, faisant découvrir nos productions artistiques, culturelles à leurs amis, à leur famille, ils participent également au rayonnement de la France à l’étranger. 88 % d’entre eux souhaiteraient travailler dans une entreprise française. La même proportion souhaite revenir en France après ses études pour y faire du tourisme, et 80 % consommer des produits français. 84 % des étudiants immigrés déclarent qu’ils recommanderont la France à leurs proches pour le travail, 93 % pour les études et 75 % pour « bien vivre ».
Puis, quand s’achèvent leur séjour d’étude, toutes ces personnes deviennent des ponts à travers les frontières, des points de chute pour leurs camarades de classe. Sauf bien sûr lorsqu’ils vivent de plein fouet l’injustice et sont condamnés à la misère comme c’est le cas en ce moment à Pau.
Les travailleurs immigrés qui luttent contre l’oligarchie apportent des victoires pour tous les travailleurs
Les travailleurs et travailleuses immigrés lorsqu’ils pénètrent au cœur des combats pour les droits sociaux, se révèlent être des acteurs majeurs dans la quête constante de progrès. Malgré les régressions encore plus féroces, teintées de racisme et de xénophobie d’État. La grève à l’usine Penarroya en 1971, permet la reconnaissance de l’intoxication au plomb (le saturnisme) pour toutes les personnes qui travaillent en France.
Un autre exemple des avancées majeures obtenues pour tous les travailleurs : l’affaire du salon de coiffure du boulevard de Strasbourg à Paris, où 18 employés ont mené une grève de 2014 à 2016, appuyée par la CGT. Leur demande : la régularisation de 14 d’entre eux, des contrats de travail, des salaires au moins équivalents au salaire minimum, des pauses régulières et des conditions sanitaires conformes à la loi. Ils ont obtenu gain de cause et ont fait condamner les anciens gérants, marquant un tournant dans l’histoire du droit du travail. Pour la première fois, la justice française reconnaît une « traite d’êtres humains » dans un cadre collectif, établissant un précédent juridique crucial pour mettre fin à l’exploitation extrême au travail.
Ces exemples illustrent clairement que l’immigration, loin d’être un fardeau, a enrichi notre société et a joué un rôle crucial dans l’avancement des droits pour tous.
Contre l’oligarchie qui décide de nos existences, l’unité du peuple est décisive
Le rôle de l’extrême droite, du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie est toujours le même : faire diversion, détourner l’attention des classes laborieuses, des dominés de leur véritable ennemi de classe. Faire oublier que ce sont les grands patrons qui sont la véritable cause des salaires de misère. Faire oublier que ce sont leurs amis, qu’ils ont cotoyé à l’ENA, les hauts cadres dans les administrations qui ferment les services publics pour privatiser et inventer de nouveaux marchés qu’importe la dégradation pour la population. Faire oublier que les vrais assistés, ils sont tout en haut de la pyramide.
En bas, il n’y a que des gens qui font tout leur possible pour s’en sortir et quelques personnes trop ravagées par la misère pour y parvenir. Marginaliser une partie en leur refusant des papiers malgré tout leur apport économique, social, culturel, intellectuel à notre patrie est la meilleure défense des dominants pour continuer à régner sur un peuple divisé.
Par Ulysse