Gaza est « l’enfer sur terre », décrit Philippe Lazzarini, commissaire général de l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Au dernier bilan, plus de 17 400 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Plus de 1,9 million de civils ont été déplacés. Le nettoyage ethnique continue en toute impunité. Les crimes de guerre sont documentés, les témoignages sont nombreux, qu’ils viennent de Médecins Sans Frontières, l’UNICEF, la Croix Rouge. « Ce qui est frappant, c’est la quantité d’enfants blessés, brûlés, des fois en petits morceaux », témoigne sur BFMTV un chirurgien de Médecins sans frontières, de retour de Gaza.
Pour mettre fin à ces crimes de guerre, le Secrétaire Général de l’ONU appelle à un cessez-le-feu immédiat en Palestine. Cela lui vaut d’être insulté par plusieurs officiels israéliens. Pour la première fois de son mandat, le 6 décembre 2023, il invoque l’article 99 de la Charte des Nations Unies. Ainsi, il attire l’attention du Conseil de Sécurité, afin que celui-ci prenne position. Fidèles soutiens et complices isolés de Benjamin Netanyahou, les États-Unis votent contre une résolution exigeant « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Gaza, la libération des otages et l’accès humanitaire aux Gazaouis ce 8 décembre 2023. À cause des nord-américains, le projet de résolution est ainsi rejeté, contre l’avis de plus de cent États.
Il n’y aura pas de paix possible au Proche-Orient hors de la solution à deux États, hors d’une solution politique. Le préalable à celle-ci est un cessez-le-feu immédiat. L’Histoire jugera tous ceux qui, par leurs paroles ou par leurs silences, ont soutenu ces crimes de guerre et auront empêché qu’advienne une solution politique à cette guerre. Notre article.
Plus de 17 400 morts et 1,9 million de civils déplacés : à Gaza, le nettoyage ethnique continue en toute impunité
« La situation humanitaire est catastrophique. On a un flot continu de patients blessés, traumatisés, fracturés, démembrés, brûlés, qui arrive en permanence à l’Hôpital. […] Ce qui est frappant, c’est la quantité d’enfants blessés, brûlés, des fois en petits morceaux », raconte sur BFMTV un chirurgien de Médecins sans frontières, de retour de Gaza. Un bouleversant témoignage. Sur place, au moins 63 journalistes et 101 membres de l’ONU ont été tués. Plus de 17 000 Palestiniens ont été tués à Gaza, dont 4 000 femmes et 7 000 enfants. Des dizaines de milliers de personnes sont blessées ou disparues sous les décombres. 1,9 million de civils ont été déplacés.
« Ces chiffres ne font qu’augmenter de jour en jour », pointe le Secrétaire Général des Nations Unies face au Conseil de Sécurité. Les attaques de l’armée israélienne, qu’elles soient terrestres, aériennes ou maritimes, « ont frappé 339 installations d’éducation, 26 hôpitaux, 56 centres de soins, 88 mosquées et 3 églises. Plus de 60% des logements à Gaza ont été détruits ou endommagés ! », alerte Antonio Guterres. À Gaza, l’horreur est quotidienne. Elle est le résultat des crimes de guerre de l’armée israélienne, menés en toute impunité.
« Nous sommes proches de l’heure la plus sombre de l’humanité », pour l’OMS
Les alertes se multiplient et se ressemblent. L’ONU, l’OMS, la Croix Rouge, l’UNICEF… De très nombreuses organisations internationales appellent à une solution politique à ce conflit. L’horreur à Gaza est largement documentée. Les témoignages sont nombreux. Sur place, « les gens meurent faute de soin, les gens meurent faute d’alimentation, les gens meurent faute d’eau potable », explique le porte-parole de la Croix Rouge en France sur France 24. « Je manque de mots pour décrire les horreurs qui frappent les enfants ici », se confesse le porte-parole de l’UNICEF James Edler. Philippe Lazzarini, commissaire général de (UNRWA), décrit Gaza comme « l’enfer sur terre ».
Fait rare pour être souligné : la présidente du Comité International de la Croix Rouge, Mirjana Spoljaric, prend la parole le 4 décembre 2023 et dénonce les souffrances intolérables des Palestiniens. « Ce que j’ai vu, c’est au-delà de tout ce quelqu’un pourrait décrire. Ce qui m’a choqué le plus, ce sont les enfants avec des blessures atroces et en même temps ayant perdu leurs parents, avec plus personne pour s’occuper d’eux », déclare-t-elle face caméra. « [Des gens que j’ai rencontrés] ont perdu une main ou un pied parce qu’ils n’ont pas pu être traités au sein de l’hôpital dans lequel ils sont arrivés en premier », raconte Mirjana spoljaric.
Solennelle, elle appelle à une désescalade et à trouver rapidement une solution politique. Une prise de position qui lui a valu d’être menacée en direct par une journaliste sur la chaine israélienne I24News (« Venez [en Israël], vous serez reçue. Bien, on ne sait pas, heureusement que ça ne dépend pas de moi ! »).
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres saisit le Conseil de Sécurité, les officiels israéliens l’insultent
« Je viens d’invoquer l’article 99 de la Charte des Nations Unies – pour la première fois depuis mon mandat de Secrétaire général. Face au risque grave d’effondrement du système humanitaire à Gaza, j’exhorte le Conseil à contribuer à éviter une catastrophe humanitaire et à appeler à un cessez-le-feu humanitaire », écrit le Secrétaire Général de l’ONU sur son compte Twitter ce 6 décembre 2023.
Ce fameux article 99 lui donne le droit d’attirer « l’attention du Conseil de sécurité sur toute question qui, à son avis, pourrait menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Très vite après le 7 octobre, jour des crimes de guerre du Hamas menés sur le sol israélien, les Nations Unies appellent à la paix et au cessez-le-feu permanent en Palestine. Une position qui n’a pas bougé d’un iota depuis.
Pour aller plus loin : Israël – 75 ans de violation du droit international et des résolutions de l’ONU
La défense de la désescalade et de la paix vaut à Antonio Guterres de subir les foudres d’officiels israéliens, dès le 24 octobre dernier. Lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU, M. Guterres déclare qu’il est « important de reconnaître également que les attaques du Hamas ne se sont pas produites hors de tout contexte ». Des propos considérés comme « choquants » par l’ambassadeur israélien à l’ONU Gilad Erdan, qui le somme de « démissionner immédiatement ». Benny Gantz, un des ministres du cabinet de Guerre de benjamin Netanyahou qualifie à l’époque le Secrétaire Général de l’ONU « d’apologiste du terrorisme ».
Visiblement fou de rage, le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen estime que « le mandat de Guterres constitue un danger pour la paix mondiale ». « Sa demande d’activation de l’article 99 [de la Charte de l’ONU] et l’appel à un cessez-le-feu à Gaza constituent un soutien au groupe terroriste du Hamas », déclare-t-il sur Twitter.
Aucune demi-mesure n’est possible pour l’extrême droite israélienne au pouvoir. Pour elle, si l’on ne reprend pas exactement ses mots, on est suspect. Pour elle, si on pleure tous les morts et qu’on appelle à la paix et au cessez-le-feu permanent, on est complices du Hamas. Voilà ce que les actuels dirigeants israéliens n’ont pas compris : il n’y a pas de paix possible au Proche-Orient hors de la solution à deux États.
Au Conseil de Sécurité, les États-Unis votent contre le cessez-le-feu permanent et protègent leur allié, Benjamin Netanyahou
Et à la fin, les États-Unis votent en faveur de la poursuite de la guerre. Suite à l’activation de l’article 99 de la Charte des Nations Unies par Antonio Guterres, le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunit le vendredi 8 décembre. Un projet de résolution exigeant « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Gaza, la libération des otages et l’accès humanitaire aux Gazaouis est présenté. Celui-ci recueille alors 13 voix en sa faveur, une contre (États-Unis) et une abstention (Royaume-Uni). Par ce vote, ceux qui se sentent toujours être le « gendarme du monde », apportent tout leur soutien à leur allié, Benjamin Netanyahou.
En votant contre un cessez-le-feu en Palestine, les nord-américains laissent le gouvernement d’Israël mener un nettoyage ethnique, en toute impunité. À noter que, depuis les années 1970, les États-Unis ont le plus utilisé leur droit de veto, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le plus souvent, pour bloquer des décisions jugées trop critiques vis-à-vis de l’État hébreu. Le représentant américain critique une résolution soi-disant « décorrélée de la réalité », alors que les États-Unis « privilégient une diplomatie qui sauve des vies », selon lui (Le Monde). Comment prétendre sauver des vies en votant contre un cessez-le-feu immédiat et permanent ?
Par Nadim Février