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COP 28 : À Dubaï, les lobbyistes pétroliers mènent la danse

La 28e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques s’est tenue à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre 2023. A mi-parcours, elle était déjà qualifiée « d’échec » et de « honte » par de nombreux commentateurs, associations et instances internationales. Qui a dit : « Il n’existe pas de base scientifique qui dit qu’il faut sortir des énergies fossiles » pour lutter contre le réchauffement climatique ? Son actuel président, le sultan Ahmed Al-Jaber, qui tient ainsi des propos climatosceptiques. Il est également le PDG de la Abu Dhabi National Oil Company, soit la principale compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis. D’aucuns ont cru à une blague de Gorafi. Il n’en est rien.

La COP28 a lieu à Dubaï, première ville des Émirats arabes unis, soit l’un des pays ayant une empreinte carbone la plus lourde de la planète. 21,8 tonnes de CO2 par habitant en 2021, c’est-à-dire cinq fois plus qu’en France. Sans parler des 2 456 lobbyistes des industries fossiles présents à cette COP. Le record absolu depuis 28 ans.

A presque 30 COPs, le bilan est clair : la diplomatie climatique actuelle, de l’incantation et des belles phrases est caduque. Il est temps de contraindre et de sanctionner en cas de non-respect des accords signés. L’horizon doit être une diplomatie altermondialiste, comme le défendent Jean-Luc Mélenchon et les insoumis depuis des années. Notre article.

PDG de la compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, le président de la COP 28 tient des propos climatosceptiques

« Il n’existe pas de base scientifique qui dit qu’il faut sortir des énergies fossiles » pour lutter contre le réchauffement climatique : une phrase climatosceptique tenue par… le président de la COP 28, le sultan Ahmed Al-Jaber, comme l’ont révélé The Guardian et Center for Climate Reporting. Voilà ce que cela donne quand un président de COP ne lit visiblement pas le dernier rapport du GIEC. Le sultan Al-Jaber est également le PDG de la Abu Dhabi National Oil Company, soit la principale compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis. Elle est dotée des quatrièmes réserves de pétroles mondiales. Al-Jaber st aussi ministre de l’Industrie de son pays.

Être à la fois président d’une COP et l’une des plus grosses têtes de l’industrie pétrolière mondiale ? Et tout le monde s’en fiche ? Par ailleurs, selon la BBC, Ahmed Al-Jaber profiterait de la COP pour conclure des marchés d’énergies fossiles avec le Canada ou l’Australie pour sa firme pétrolière. En 2021 encore, voici la politique que le sultan prônait pour son pays : « investir 600 milliards de dollars tous les ans dans le pétrole jusqu’en 2030, pour satisfaire la demande énergétique mondiale ».

Pour aller plus loin : Foutage de gueule : la COP 28 présidée par… un géant pétrolier

Enfin, selon la coalition d’ONGs « Kick big polluters out », il y a 2 456 lobbyistes des énergies fossiles présents à la COP28 de Dubaï. Ils étaient « seulement » 503 pour la COP 26 et 636 pour la COP 27. « Il y a plus de lobbyistes du pétrole et du gaz que de membres des populations victimes de leurs produits, sept fois plus que les membres de peuples autochtones accrédités à la COP28 (316) », écrit Loup Esparguillère, rédacteur en chef du média Vert.

Ce n’est pas le Gorafi : la COP 28 a lieu à Dubaï, là où sont construites des îles artificielles et des pistes de ski dans les centres commerciaux

La COP 28 a lieu à Dubaï, première ville des Émirats arabes unis. Quand l’information est sortie, d’aucuns ont cru (encore) à une blague du Gorafi. C’est pourtant la réalité. La conférence internationale où les États doivent se réunir pour décider, en théorie, d’objectifs pour lutter contre le dérèglement climatique… a lieu dans une pétro-monarchie. Pour le symbole, on repassera. Une COP ne doit pas forcément avoir lieu dans le pays le moins pollué de la planète. Mais Dubaï ? Comme une impression qu’on se moque du monde.

Les Émirats arabes unis sont l’un des pays ayant une empreinte carbone la plus lourde, avec 21,8 tonnes de CO2 par habitant en 2021, c’est-à-dire cinq fois plus qu’en France. Dubaï, c’est 3 millions d’habitants vivant dans une ville sortie de terre, au milieu du désert. Le plus grand centre commercial au monde avec une piste de ski. La climatisation poussée à fond parce qu’il fait jusqu’à 50° degrés dehors. Une ville où sont construites de nombreuses îles artificielles qui sont une catastrophe pour les océans.

Pour terminer l’ensemble des travaux liés à la COP 28, son organisation a fait travailler des ouvriers migrants sous 42° (rapport de l’ONG britannique FairSquare) en journée. À Dubaï pourtant, la législation interdit tout travail en extérieur pendant les heures les plus chaudes de la journée. « La semaine dernière, je pensais que j’allais mourir à chaque seconde où nous étions dehors… », a expliqué l’un des travailleurs, cité dans le Guardian fin octobre 2023. « Bien sûr, j’ai des maux de tête et des vertiges. Sous cette chaleur, tout le monde le fait. Ce temps n’est pas pour les humains, je pense », a déclaré un autre.

Beaucoup de COPs pour rien

Au-delà de ses éléments qui font de la COP28 la COP de la honte, c’est toute la diplomatie climatique actuelle qu’il faut remettre en cause. Quels résultats ont donné les 27 précédentes COP ? La première, en mars 1995, n’avait quasiment rien donné. Celle de 1997 a débouché sur un protocole visant à faire baisser de 5% les émissions de gaz à effet de serre. Problème : le protocole signé ne concernait que 15% des émissions mondiales. En 2015 était signée en grande pompe un accord fixant comme objectif une limitation du réchauffement mondial entre 1,5 °C et 2 °C d’ici à 2100, sans mettre en place de contrainte.

Que l’Humanité en soit à presque 30 COP devrait déjà poser un problème. Les rapports du GIEC se suivent et sont de plus en plus alarmants. Des scientifiques spécialistes du climat se tournent vers la désobéissance civile face à l’inaction climatique générale. « Cela fait des décennies que les scientifiques publient des rapports, mais ils sont ignorés. De même, les tribunes et les marches ne pèsent pas suffisamment. La désobéissance civile est un acte désespéré, pour alerter sur la situation dramatique dans laquelle on est, et être enfin entendus », déclare Emilie Gios, chercheuse post-doctorante à l’Institut norvégien de recherche pour la nature à Trondheim (Norvège) au Monde.

Sans aucun doute, la COP 28 ne sera pas à la hauteur de la gravité de la crise climatique. Il y a pourtant urgence. Une étude du Global Carbon Budget affirme que le scénario de l’accord de Paris à +1,5° ne peut plus être tenu. D’aucuns se souviennent combien l’accord signé de 2015 était qualifié d’« historique ». Sans contrainte imposée, sans sanctions véritables, cette diplomatie climatique est vaine. Elle ne peut que nous conduire qu’au désastre.

La diplomatie climatique actuelle est vaine : pour une diplomatie altermondialiste

« Le caractère purement déclaratoire de ces engagements fait de la diplomatie climatique actuelle une pure incantation […] La litanie des promesses peut donc se transformer en compétition d’affichage diplomatique et de gesticulations », dénonçait Jean-Luc Mélenchon en 2021 dans une tribune publiée dans Libération sur la COP 26. Des mots toujours justes deux ans plus tard.

Dans cette bataille pour la survie de l’Humanité, la France a une place toute particulière. Elle est présente à tous les points clés de l’écosystème global. « La France est une Nation amazonienne », soulignait Jean-Luc Mélenchon en janvier 2023. En effet, le parc amazonien de Guyane est le plus grand parc national français (33 900 kilomètres carrés). La France a une grande responsabilité dans la protection de l’Amazonie, le « poumon de la terre ».

Pour aller plus loin : « La France est une Nation amazonienne » : l’appel de Mélenchon à préserver l’Amazonie

À ce titre, les insoumis défendent une diplomatie altermondialiste, qui milite pour un autre ordre du monde et d’autres normes juridiques, au seul service de l’intérêt général humain. La défense inconditionnelle des biens communs de l’Humanité comme l’eau ou l’air, la création d’un tribunal international de justice climatique et environnementale et la création du délit d’écocide, un traité international de gestion universelle des grands fonds marins, la mise en place d’un protectionnisme solidaire et écologique sont quelques exemples d’une nouvelle diplomatie à mettre en oeuvre pour le pays.

« On se bat pour être à l’avant dans un avion qui va droit vers le crash », chante Orelsan. Il est temps de changer de cap.

Par Nadim Février