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« Sketch des inconnus » : la scène surréaliste de ces députés RN qui se moquent des AESH et des enseignants

Enseignants. La scène s’est déroulée le 20 septembre 2023. Une scène de honte à l’Assemblée nationale. Conviés à une table ronde de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’initiative de la députée La France insoumise (LFI) Sarah Legrain, les représentants des syndicats d’enseignants s’en vont avant même la clôture de la séance. La raison ? Les députés du Rassemblement national (RN) et du camp présidentiel ont multiplié les remarques arrogantes, méprisantes, voire insultantes à l’égard leurs interlocuteurs.

Ils ont répondu par le mépris à l’exposé des syndicats sur le saccage de l’école publique, les mauvaises conditions de travail des enseignants, la précarisation des AESH et tant d’autres sujets. En cela, ils ont été fidèles à leurs votes. Le 16 novembre 2022, main dans la main, les députés RN et macronistes votaient contre la titularisation des AESH et la hausse de 10% de leur salaire.

Ostensiblement vexés par les critiques au vitriol émises par les représentants enseignants envers la politique éducative de Macron, l’extrême droite et la minorité présidentielle sont allés jusqu’à remettre en cause leur légitimité, et à les menacer de ne plus les inviter s’ils ne « baissaient pas d’un ton ». Le tout, sous la bienveillance la plus totale de la présidente de commission. Notre article.

Les constats alarmants des syndicats des enseignants

« Une rentrée compliquée, et chaque année de plus en plus compliquée. Il faut que vous soyez conscients qu’on a des personnels qui vont de plus en plus mal et une École qui va de plus en plus mal ». C’est par ses mots on ne peut plus explicites que Guislaine David (FSU) entame les prises de paroles des organisations syndicales. Après elle, les autres représentants enseignants se succèdent pour tirer la sonnette d’alarme d’une situation qui chaque année se dégrade, pour dénoncer la responsabilité du gouvernement, ses promesses non-tenues, et le cynisme de ses tentatives de diversion.

Crise du recrutement, salaires qui n’augmentent pas, mensonges du Président de la République et du ministre de l’Éducation Nationale qui ont assuré la présence d’un enseignant devant chaque élève à la rentrée, situation des AESH, rentrée à Mayotte et en Guyane… Telle est la liste non-exhaustive des problématiques soulevées par les représentants syndicaux auprès des députés, dans le plus strict respect des institutions, de l’ordre du jour de la table ronde, et, rappelons-le, de la mission pour laquelle ils ont été démocratiquement élus.

Mais visiblement, pour le RN et la minorité présidentielle, c’était la critique de trop.

Le RN et le camp présidentiel n’ont pas le même maillot, mais ils ont la même passion : insulter les organisations syndicales

« Le ton caricatural que vous utilisez n’honore pas la profession que vous êtes censés représenter ». Comme un symbole du mépris du gouvernement pour l’École de la République et pour la démocratie sociale, cette phrase est la première prononcée par la députée macroniste Véronique Riotton (Renaissance), après près d’une heure de démonstration argumentée, chiffrée, des organisations syndicales sur l’état alarmant de l’Éducation Nationale.

Le signal envoyé est on ne peut plus clair : qu’importe que vous parliez au nom de l’ensemble des organisations syndicales représentatives de l’Éducation Nationale, qu’importe que vous ayez été élus pour le faire, si vous critiquez Macron, c’est que vous n’êtes finalement pas si représentatifs que ça.

Même son de cloche, rien d’étonnant, côté Rassemblement national. Ainsi Julien Odoul, député RN de l’Yonne, prend rapidement le relais de sa collègue macroniste en dénonçant des « des propos choquants […] qui pouvaient s’apparenter au sketch des inconnus ». Il ne manquait d’ailleurs pas l’occasion de taxer les représentants syndicaux d’ « islamogauchistes ». Pour le RN, si vous parlez trop social, vous êtes aussitôt discréditez.

Pour aller plus loin : Portrait – Julien Odoul, l’humiliateur de mères accompagnatrices de sorties scolaires, nouveau député RN

Face à tant d’arrogance et à des marques de mépris indéniables, la Présidente de commission, membre de la minorité présidentielle, a plaidé la liberté d’expression pour justifier les insultes de ses collègues.

Il n’en fallait pas plus à un autre député RN, Roger Chudeau, pour aller jusqu’à menacer les représentants des organisations syndicales de ne plus les convier à ce genre de concertation, s’ils ne se « mett[ent] pas au niveau et ne baiss[ent] pas d’un ton ».

À ces mots et alors que la présidente de commission continue à légitimer les insultes de ses collègues face aux protestations de la député LFI Sarah Legrain, les représentants des organisations syndicales se lèvent, et s’en vont.

Vous avez bien lu. En France, en 2023, au sein même de l’Assemblée nationale, des parlementaires insultent et remettent en cause la légitimité de représentants syndicaux, au seul prétexte que ces derniers alarment, dénoncent, et pointent les responsables de l’effondrement d’un service public fondamental.

Des propos inacceptables, énième tentative de diversion du camp présidentiel

Le lendemain, les 7 organisations syndicales présentes à la table ronde ont publié un communiqué unitaire dénonçant « des propos moqueurs et dénigrants […] qui sont une forme de mépris pour la réalité que vivent tous nos collègues et les élèves dans les écoles, collèges, lycées ». Alors que Claire Marion (SGEN-CFDT) s’est dite « horrifiée » des déclarations du RN et des macronistes, les commissaires NUPES de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont demandé à la présidente de l’Assemblée nationale de rappeler à l’ordre les auteurs des propos incriminés.

Mais cette attitude immonde, énième tentative de diversion du camp présidentiel sur les problèmes de la rentrée, ne saurait faire oublier le plus important. L’École publique, chargée d’instruire celles et ceux qui sont l’avenir du pays, est comme tant d’autres services publics martyrisée par Emmanuel Macron. Chaque année dépouillée de davantage de moyens, l’École publique s’effondre. Déficit de recrutement malgré les promesses du gouvernement (3000 postes vacants au dernier concours de recrutement), non-remplacement massif des professeurs, AESH payé•es au lance-pierre, rentrée sans eau à Mayotte, rémunération des professeurs près de 10% inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE… La liste est encore longue.

Et malgré ses promesses, le gouvernement refuse d’augmenter réellement les salaires du personnel de l’Éducation Nationale, ce qui serait pourtant la première pierre d’un regain d’attractivité, et donc d’une reconstruction. À la place, Emmanuel Macron propose aux professeurs un Pacte enseignant qui ne leur propose rien d’autre que de travailler plus pour gagner plus (sous forme d’une prime défiscalisée n’ouvrant pas de droits à la retraite), et de recruter en « job dating » 3 000 enseignants formés en 4 jours.

Face à une rentrée chaotique et aux tentatives de division du gouvernement, LFI propose un plan d’urgence pour l’École

Alors que dans le même temps le prix des fournitures scolaires a augmenté de 11% et que 2 000 enfants dorment à la rue, le gouvernement préfère le cynisme et la diversion en faisant la chasse à l’abaya.

La France insoumise, de son côté, propose la gratuité réelle de l’École publique, un plan d’urgence de recrutement, la revalorisation des salaires du personnel de l’Éducation Nationale, et organise partout des collectes de produit alimentaires, d’hygiène, et de fournitures scolaires.

La casse des services publics n’est pas une fatalité, c’est un choix politique. Une autre École est possible. Une autre École pour un autre monde.

Par Eliot