Macron censure

Emmanuel Macron punit les artistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso et déclenche la colère des peuples

Macron. Mercredi 13 septembre, les programmateurs et les dirigeants de salles de spectacles ont reçu un courrier peu commun. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères les a sommé de suspendre « toute coopération » avec les artistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Le mot ressemblait plus à un ordre de l’Inquisition qu’à une correspondance officielle. L’ordre a été donné de : « suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso ». Suspendre les liens, couper les coopérations, suspendre les visas des artistes de ces trois pays, voilà la feuille de route démentielle d’Emmanuel Macron.

Du jamais vu. La raison ? Le monarque présidentiel décide de faire des artistes une variable d’ajustement dans les tensions géopolitiques que lui-même provoque. Non content d’avoir semé chaos, tueries et expéditions militaires, le va t-en guerre présidentiel s’en prend désormais aux artistes de ces pays. Pour lui, ils ne sont que des flux à gérer et des soldats à mettre au pas. Une situation internationale le gêne ? Hop, le monarque présidentiel sanctionne les artistes et les créateurs, pourtant souvent les premières victimes des conflits. Toujours en parfaite hypocrisie puisque jusqu’ici aucune « crise » internationale n’avait débouché sur une telle décision. Va-t-il interdire de territoire des sportifs russes, ukrainiens ou biélorusses ? L’hypocrisie est totale.

Rien d’étonnant pour le monarque isolé et sans une once de légitimité dont l’objectif suprême est de museler toutes les oppositions. L’activité artistique en est une et pas des moindres. En ce qu’elle transforme notre perception du réel et constitue ainsi une activité critique et émancipatrice, elle dérange l’Elysée et ses amis fascistes. Plus le savoir, les arts, la pratique de la culture sont partagés, plus un autre monde voit le jour débarrassé d’eux. Les censeurs macronistes ne peuvent le supporter.

Casser toute production artiste est l’une de leurs priorités. C’est tout le sens de la récente décision du monarque présidentiel. Elle est une triple peine : pour les artistes de ces pays, pour tout le monde des arts et sa richesse, pour toute la francophonie. Donner la citoyenneté à des milliardaires sans fondement ? Macron l’a déjà fait. Laisser les flux du CAC 40 et les chars Leclerc circuler sans visas ? Le monarque présidentiel ne jure que par ça.

Une chose est sûre : Total n’a pas besoin de visa pour opérer pillage et déplacement de populations en Ouganda et construire ses pipelines sur le sang. Areva circule librement au Niger pour puiser sans retenue les carburants qui font le profit des parasites d’en haut. Mais faire circuler les arts et les créateurs ? Hors de question pour Macron et ses laquais. Tout ce qui n’est pas « essentiel » pour eux doit revenir à l’état de poussières. Face au tollé, la résistance s’organise. Les insoumis montent au créneau et une pétition a été lancée par le média Africultures contre le boycott des artistes burkinabés, maliens et nigériens. L’Insoumission.fr vous invite à la signer et à la relayer massivement. Notre article.

« Foutage de gueule » : les artistes et le monde des arts vent debout contre Emmanuel Macron

« Cette décision n’est rien d’autre qu’un foutage de gueule et un nouveau coup terrible porté à la francophonie » dénonce l’écrivain Abdourahman Waberi auprès des journalistes de l’Insoumission.fr.  L’écrivain et l’universitaire ne mâche pas ses mots. Il a raison. Cette décision a « surpris tout le monde » et « même un grand nombre de gens plutôt de centre droit n’y comprennent rien » poursuit-il. D’un trait de plume, le monarque présidentiel détruit la programmation de centaines d’établissements culturels. D’un trait de plume, le monarque présidentiel prononce un divorce unilatéral avec les peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger et plus largement le Maghreb et tout le continent africain.

Le degré d’intelligence de cette décision est le même que pour l’interdiction de l’abaya. Que vont-ils faire des artistes bi-nationaux ? Pourquoi se priver de toute la richesse apportée par des artistes censés venir dès cet autonome et qui, n’ayant pas encore formulés de demande de visa, seront tout bonnement exclus ? Que vont-ils faire de ceux déjà présents sur place ? Annuler le contrat de Hassane Kassi Kouyaté, l’artiste binational burkinabé à la tête du Festival des francophonies de Limoges ? Organiser une vaste chasse comme ils le font déjà pour les sans-papiers ?

Les contre-feux ratés de Rima Abdul Malak et d’Emmanuel Macron

Les contre-feux envoyés par les émetteurs-récepteurs du camp présidentiel sont aussi pitoyables que l’ordre initial. La ministre de la Culture Rima Abdul Malak ose déclarer « il y a eu trop de confusion ». Vraiment ? L’ordre de mission du quai d’Orsay était pourtant clair et sans détours. Pour Abdourahman Waberi, ce « démenti » est « scandaleux et reflète la méthode macronienne : tenir tête malgré tout et s’enfermer dans le déni ». Le scandale est clair lorsqu’on entend la ministre évoquer des dysfonctionnements des « services de visa » dans ces trois pays, alors que les prestataires sont toujours ouverts.

Tout est faux. Le déni et le mensonge sont aussi au rendez-vous lorsqu’elle ose déclarer que « ceux qui ont déjà des visas vont pouvoir venir comme prévu ». C’est oublier la réalité du monde des arts qu’elle ne connait pas. Sébastien Lagrave, directeur du festival de musiques Africolor l’a recadré aujourd’hui par voie de presse : « On sait très bien que la plupart des artistes se voient accorder des visas de courte durée, ceux qui ont déjà un visa sont une minorité, pour un festival comme nous en novembre, on demande des visas à partir de septembre, là, c’est impossible qu’ils viennent. »

Une nouvelle attaque d’Emmanuel Macron pour détruire toute production artistique

L’Insoumission.fr vous racontait dans un précédent article pourquoi les capitalistes détestent l’art et les artistes. La réponse est simple : ils ne supportent pas la modification du réel qu’ils ont modelé à leurs goûts. Au total, le Quai d’Orsay est devenu l’instrument personnel d’Emmanuel Macron pour régler des tensions géopolitiques à coup de baïonnettes et de censure insupportable. Cette décision absurde est une nouvelle jurisprudence. Une décision qui condamne les artistes, les peuples, et nous prive d’une richesse et d’une diversité irremplaçable.

Emmanuel Macron et les siens le font sans gêne car ils préfèrent la leçon et les punitions à l’art et à ses créateurs. Ils se prétendent intellectuels, écrivent des bouquins de plages comme celui de Bruno Le Maire, mais ne le sont en aucune façon. Ils détruisent et saccagent tout ce qui fait le lien entre les peuples, entre les gens, et crée du collectif : l’art, les biens communs, les services publics, le partage, l’entraide. Tout idée de collectif est passé à la broyeuse néolibérale.

Au lieu de faire la leçon aux peuples, Emmanuel Macron ferait mieux de faire quelques révisions, et pourquoi pas lire la charte du Manden, magnifique œuvre du peuple mandingue (Mali) datant du 13ème siècle.

Dans son préambule, on y lit :

« Une vie est une vie »

« Le tort demande réparation »

« Veille sur la patrie »

« Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause du tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable »

« La faim n’est pas une bonne chose »

« La guerre ne détruira plus jamais de village pour y prélever des esclaves »

Autant de principes dont Macron ferait mieux de s’inspirer au lieu de faire la guerre à ceux et celles qui en sont les héritiers.

Par Sylvain NOEL

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