« Parce que j’ai moi-même une famille nombreuse, j’ai quatre enfants à nourrir. Et je paie beaucoup de prix de paquets de pâtes. ». Invité de l’émission « Quelle époque » sur France 2 ce samedi 20 mai 2023, Bruno Le Maire se compare à Monsieur-tout-le-monde. Il fallait oser. À 10 000 euros bruts par mois, le locataire de Bercy ne doit pas « se serrer la ceinture », contrairement à 79% des Français. S’il constate que les pâtes sont plus chères pour ses enfants, pourquoi ne bloque-t-il pas les prix ? Ah, si seulement il était ministre de l’Économie… Bruno Le Maire rajoute de l’indécence à sa propre inutilité.
Une crise alimentaire fracasse notre pays, la 7ème puissance mondiale. 55% des Français se privent de nourriture. D’où vient cette flambée des prix ? « La guerre en Ukraine », nous répond le ministre de l’Économie, écrivain en devenir. Encore un disque rayé. Les super-profits des multinationales de l’agroalimentaire sont les premiers responsables de l’inflation. Plusieurs économistes et la Banque Centrale Européenne s’accordent sur ce sujet ? Cela importe peu à Bruno Le Maire. Et en même temps, le ministre de l’Économie n’arrive toujours pas à prononcer ce mot : super-profits. Faible avec les forts, fort avec les faibles. Et ainsi de suite.
Face à l’urgence sociale absolue, les solutions sont sur la table : augmentation immédiate du SMIC à 1600 euros nets, blocage des prix, indexation des salaires sur l’inflation, encadrement des salaires de 1 à 20. Il serait temps pour Bruno Le Maire de (enfin) servir à quelque chose. Les Français attendent sa signature au bas d’un projet de loi pour les sortir de la précarité. Pas au bas d’un livre érotique. Notre article.
10 000 euros bruts par mois : le locataire de Bercy ne sait pas ce que « se serrer la ceinture » signifie
« J’essaie d’être juste, de faire attention à ce que les prix baissent pour le consommateur. Parce que j’ai moi-même une famille nombreuse, j’ai quatre enfants à nourrir. Et je paie beaucoup de prix de paquets de pâtes. Et je sais parfaitement à quel point ces prix sont devenus insupportables pour les Français », explique Bruno Le Maire ce samedi 20 mai 2023 sur le plateau de l’émission « Quelle époque », présentée par Léa Salamé. La déclaration du ministre de l’Économie choque, aussi bien dans sa déconnexion que dans son indécence.
Comme tout le monde, Bruno Le Maire paient effectivement ses pâtes plus chères. Cependant, avec 10 00 euros bruts par mois, le locataire de Bercy n’est pas Monsieur-Tout-le-monde. Voilà typiquement le genre de déclarations à l’emporte-pièce, dont la macronie s’est rendue spécialiste. Des déclarations qui n’ont qu’une seule conséquence : mettre de l’huile sur le feu. S’il en a conscience, pourquoi ne fait-il que supplier les multinationales de réduire leurs marges ? S’il constate que les pâtes sont plus chères pour ses enfants, pourquoi ne bloque-t-il pas les prix ? Ah, si seulement Bruno Le Maire était ministre de l’Économie…
Pour aller plus loin : Crise alimentaire : les chiffres chocs sur l’explosion de la pauvreté en France
Non, à 10 000 euros bruts par mois, le locataire de Bercy ne sait pas ce que ça fait quand un paquet de pâtes prend davantage de place dans un budget, comme lorsque le gouvernement dont il a fait partie a supprimé cinq euros par mois aux étudiants dès l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017. 79% des Français doivent « se serrer la ceinture ». 82% des Français ne peuvent plus épargner à la fin du mois. Mais pas lui.
Inflation : Bruno Le Maire n’arrive toujours pas à dire « super-profits »
« Je préfère ne pas mentir aux gens et leur dire ; ‘pourquoi est-ce que l’on a une explosion des prix ?’ Mais c’est parce qu’il y a eu la guerre en Ukraine ! », s’exclame Bruno Le Maire lorsqu’on l’interroge sur l’explosion des prix alimentaires. Encore un disque rayé. « L’Ukraine a bon dos », disait déjà en juin Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc. La dramatique guerre à l’est a effectivement eu des conséquences sur les prix du blé sur les marchés. Mais imputer à ce conflit la responsabilité de l’inflation actuelle est au pire du déni pur et simple, au pire de la malhonnêteté.
Invoquer la guerre en Ukraine, c’est refuser de voir l’éléphant dans la pièce : les super-profits des industriels de l’agroalimentaire. Entre fin 2021 et fin 2022, les profits de l’agroalimentaire ont doublé, passant de 3 à 6 milliards d’euros. Et « en même temps », 79% des Français déclarent devoir « se serrer la ceinture » à cause de la flambée des prix. Cherchez l’erreur.
Pour aller plus loin : Crise alimentaire : explosion des prix due aux super-profits, Bruno Le Maire supplie les multinationales
L’inflation actuelle est structurelle (voir ce graphique). Les prix augmentent de manière conséquente depuis fin 2021. La guerre en Ukraine n’avait même pas commencé. Au second semestre 2022, « la contribution des profits de l’agroalimentaire à la hausse des prix de production monte même à 51 % » (institut La Boétie). Qu’importe que Bruno Le Maire soit démentit par l’INSEE ou par des économistes. Qu’importe que même la Banque Centrale Européenne, ce repaire bien connus de gauchistes, s’accorde à dire que les super-profits ont plus d’impact sur l’inflation que la soi-disant « hausse » des salaires (Reuters).
Que faire ? Les députés insoumis, accompagnés de leurs alliés de la NUPES proposent des solutions depuis des mois. Sans relâche. Face à eux ? Un mur. Cette semaine, les députés insoumis Matthias Tavel, Hadrien Clouet et Aurélie Trouvé vont déposer une contre-proposition de loi sur les salaires et le partage de la richesse. Trois propositions-clés s’en dégagent : la hausse immédiate du SMIC à 1600 euros nets, l’indexation des salaires sur l’inflation et l’encadrement des salaires de 1 à 20. Pour rappel, les salaires des PDG du CAC 40 ont augmenté de 90% en 10 ans. Qu’est-ce qu’on attend de plus pour partager les richesses ?
Face à l’urgence sociale absolue, les solutions sont sur la table. Il serait temps pour Bruno Le Maire de (enfin) servir à quelque chose. Les Français attendent sa signature au bas d’un projet de loi pour les sortir de la précarité. Pas au bas d’un livre érotique.
Par Nadim Février