homophobie
Capture d'écran, « Apolline Matin », RMC, 15/05/2023

Homophobie dans le foot : un fléau qui pousse au pire

Homophobie. Aujourd’hui, 17 mai 2023, c’est la journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. Un fléau aussi violent que banalisé dans le monde du football. « Pourquoi il y a des chants de supporters clairement homophobes et ça fait rire les gens ? Pourquoi les footballeurs n’osent pas parler ? », s’interroge Yoann Lemaire, premier footballeur amateur français à avoir fait son coming-out.

Le week-end du 13-14 mai 2023 a lieu la 35ᵉ journée consacrée à la lutte contre l’homophobie dans le football. Résultat : des joueurs des clubs de Nantes, de Toulouse et de Guingamp refusent de porter le maillot arc-en-ciel contre l’homophobie ; des entraîneurs remettent en cause la pertinence d’une journée comme celle-ci. Lorsque certains essaient de s’emparer du sujet de l’homophobie dans le football, ils se retrouvent très souvent seuls.

Course à la virilité toxique, déni d’homophobie, banalisation des actes et propos homophobes, discriminations et mépris du fait de l’orientation sexuelle : ce qui se passe dans le monde du foot dit quelque chose de notre société. En France, les agressions LGBTphobes augmentent de façon inquiétante. L’homophobie tue. Les discriminations vis-à-vis de notre orientation sexuelle ne doivent plus passer. Notre article.

Lutte contre l’homophobie dans le foot : des joueurs refusent de porter le maillot arc-en-ciel, des entraineurs remettent en cause l’initiative

Le week-end du 13-14 mai 2023 a lieu la 35ᵉ journée consacrée à la lutte contre l’homophobie dans le football. Comme chaque année, celle-ci démontre combien le milieu du ballon rond est touché par une homophobie aussi violente que banalisée. Ce week-end-là, des joueurs des clubs de Nantes, de Toulouse ou encore de Guingamp refusent de porter le maillot floqué arc-en-ciel contre l’homophobie. En 2021, un joueur du PSG est soupçonné d’avoir déclaré forfait pour un match, simplement pour ne pas avoir à porter le maillot.

Les comportements de quelques entraîneurs ne sont pas plus encourageants : « Ce n’est pas la peine de vouloir afficher tout le temps… », selon Bruno Genesio, l’entraîneur de Rennes. Est-ce une si lourde de tâche que d’afficher son soutien à la communauté homosexuelle, 1 jour sur 365 par an ? « Il n’y a pas de place pour les discriminations dans le foot comme dans la vie. Mais je pense aussi que nous sommes là pour jouer au foot et c’est ça qui est le plus important. On peut aussi avoir plein d’autres causes pour lesquelles on pourrait avoir plein de maillots différents toutes les semaines » (RMC), déclare l’entraîneur. Ou comment banaliser les ravages de l’homophobie en 3 secondes et demi.

Plus inattendu : l’argumentaire de l’entraîneur de Brest Éric Roy : « C’est très bien que la Ligue s’engage, même si elle doit surtout s’occuper du football. Moi, personnellement, je ne suis pas content qu’à Toulouse, il y ait cinq joueurs qui ne jouent pas contre Nantes ! […] c’est une responsabilité de la Ligue d’avoir placé cette journée à ce moment-là » (BFM TV).

Des joueurs refusent de porter des maillots arc-en-ciel dans le cadre d’une journée de lutte contre l’homophobie. De ce fait, des équipes perdent des joueurs pour des matchs. Alors, ce serait la faute de… la Ligue de Football Professionnel (LFP) qui choisit mal la date de cette journée ? Joli renversement de culpabilité. Voilà deux discours hors-sols et hallucinants, preuves de l’homophobie prégnante dans le monde du foot.

De l’homophobie dans le monde du foot

Combien de footballeurs professionnels français déclarent publiquement être homosexuels ? Pas facile comme question, n’est-ce pas ? La réponse est… un seul. Un seul footballeur professionnel français a fait son coming-out, à l’issue de carrière : Olivier Rouyer. Celui-ci a notamment porté les couleurs de Lyon, de Strasbourg et 17 fois celles de l’équipe de France. « Quand j’ai fait mon coming-out, aucune personnalité du foot ne m’avait appelé. Silence radio. Là, c’est un peu pareil. Je me sens isolé sur le sujet. J’ai l’impression d’ouvrir une brèche pour bannir ces comportements, mais, pour l’instant, personne ne s’y engouffre », déclare-t-il au Monde en 2019.

L’homophobie peut se traduire par des actes invisibles, comme par des insultes identifiables par tout un chacun. Yoann Lemaire, premier football amateur à avoir fait son coming-out, en témoigne dans un reportage de Brut en 2019. « Dans les années 2010, un de mes coéquipiers a clairement souhaité ne plus jouer avec moi, avec des propos ahurissants en disant : « Moi, je ne joue pas avec un pédé, c’est hors de question », raconte Yoann Lemaire. « Ça peut être tout simplement de simples insultes sur le terrain, dans le vestiaire […]. Mais surtout carrément le mépris, l’arrogance, voire la violence », déplore-t-il.

Les insultes homophobes des supporters, hurlées en cœur ou propagées par des chants constituent un énorme problème : « La ligue, on t’enc*** » ; « LFP, va te faire enc**** » ; « [insérer le nom d’une équipe], c’est des pédés ! La, la, la, la, la, la ! Des fils de p****, des enc**** ! La, la, la, la, la la ! » ; Et [insérer le nom d’un joueur], c’est un pédé ! ». Et ainsi de suite.

Pour aller plus loin : Noël Le Graët tombera-t-il pour racisme, homophobie ou harcèlement sexuel ?

Que répondre à ceux qui considèrent que parler d’homosexualité dans le football n’a pas lieu d’être ? Yoann Le Maire a la réponse : « Le foot est là pour ça. Le sport, c’est un facteur d’intégration et il faut espérer qu’il ne soit pas un facteur d’exclusion ! ». Face à l’homophobie dans le milieu du ballon, il s’interroge : « Pourquoi il y a des chants de supporters clairement homophobes et ça fait rire les gens ? Pourquoi les footballeurs n’osent pas parler ? Pourquoi, même dans le milieu amateur, on a besoin d’être viril, d’être des « vrais mecs », de ne pas jouer comme une tarlouze, comme une gonzesse ? […] Pourquoi on a ce besoin d’être viril, au point de mépriser l’adversaire et parfois ses coéquipiers ? ».

Course à la virilité toxique, déni d’homophobie, banalisation d’actes homophobes, discriminations et mépris du fait de son orientation sexuelle : ce qui se passe dans le monde du foot dit plus largement quelque chose de notre société. Que faire ? D’abord, les instances du milieu doivent prendre le sujet de l’homophobie à bras le corps. Faire porter un maillot arc-en-ciel un jour par an aux joueurs professionnels n’est pas suffisant. Tant que l’homophobie ne sera pas considérée comme un fléau à part entière, les moyens humains, logistiques et financiers ne seront jamais à la hauteur.

Comment faire évoluer les mentalités ? Cela doit passer à la fois par des sanctions, mais aussi par de la formation et de la prévention. L’un ne va pas sans l’autre. Les footballeurs professionnels sont suivis par des dizaines et des dizaines de millions de personnes à travers la planète. Ces sportifs ont une influence inimaginable sur leur public, particulièrement sur de jeunes esprits. Ils doivent montrer l’exemple. Le football, comme sport le plus pratiqué sur la planète, doit porter un message universel.

10 ans après la Manif’ pour tous, l’inquiétante hausse des agressions physiques LGBTphobes en France

10 ans après l’adoption du mariage homosexuel en France, où en sommes-nous ? En 2022, aucun candidat à l’élection présidentielle n’exprime son souhait de revenir dessus. Marine Le Pen n’en est pas devenue une défenseure invétérée des droits LGBT+ pour autant. L’ex-candidate du Rassemblement National (RN) est encore aujourd’hui alliée aux régimes homophobes de la Hongrie et de la Pologne. Son parti soutient « la législation LGBTphobe de la Pologne, dont plusieurs régions s’étaient ainsi proclamées zones « sans idéologie LGBT » » (Mediapart). Le 11 mars 2021, les députés RN au Parlement européen refusent de déclarer l’Union européenne « zone de liberté LGBTIQ ». Bas les masques.

Dans une large partie du monde politique, les positions homophobes ne sont plus acceptées. En mai 2022, ses positions anti-mariage gay empêchent Catherine Vautrin (Les Républicains) de devenir Première ministre à la place d’Élisabeth Borne. Des macronistes de premier plan comme le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ou Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance (ex-LREM) à l’Assemblée nationale, étaient contre le mariage homosexuel en 2013. Aujourd’hui, ils sont obligés d’afficher leur soutien sans failles à cette avancée sociale immense. Sans pouvoir échapper aux archives des réseaux sociaux.

Pourtant, 10 ans après, le nombre d’agressions LGBTphobes augmente de façon inquiétante. Dans son rapport annuel, l’association SOS homophobie déplore une agression physique tous les deux jours. Un nombre en hausse de 28% entre 2021 et 2022. Les témoignages de transphobie ont augmenté de 27% par rapport à 2021. En 2022, les trois principaux contextes de LGBTphobies sont : sur internet, au sein de la famille, dans des commerces ou des services.

« Les victimes les plus jeunes (moins de 18 ans et jusqu’à 24 ans) représentent 30 % des cas pour lesquels l’âge de la victime est connu », selon SOS Homophobie. « Pour cette population, un cas sur trois a lieu dans le contexte Famille et entourage », peut-on lire dans le rapport annuel de l’association. Pourquoi tant de haine ? « Les prises de parole de la part de personnalités politiques et médiatiques affichant un positionnement hostile en vue de créer un pseudo débat sur l’existence même des personnes trans » sont en cause, selon SOS homophobie.

L’homophobie profonde dans le milieu du foot et plus largement cette recrudescence des agressions LGBTphobes doivent tous nous interroger. L’homophobie tue. L’homophobie est illégale. Une injure ou une diffamation non publique est punie de 1 500 euros d’amende maximum. Si l’une d’elle est publique, le condamné encourt 1 an de prison et 45 000 euros. Ces discriminations ne doivent plus passer, ne peuvent plus être tolérées. Chacun et chacune doit pouvoir être pleinement libre de choisir son orientation sexuelle, en créateur ou créatrice de sa propre existence.

Par Nadim Février

Crédits photo : Capture d’écran, « Apolline Matin », RMC, 15/05/2023