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Scandale : 400 hectares de terres agricoles et de zones naturelles menacées par le projet d’autoroute Toulouse Castres

Le projet d’autoroute Toulouse Castres menace 400 hectares de terres agricoles et de zones naturelles. Une vielle lubie, et surtout un projet inutile et écocide, combattu par plusieurs collectifs. Des autorités indépendantes ont par ailleurs émis des avis très critiques sur le projet. Aujourd’hui, les actions de résistances s’intensifient alors que les premiers travaux débutent sur le tracé. En quelques jours, ce sont des centaines d’arbres qui sont déjà tombés.

Au moment où l’ONU adopte une résolution invitant les gouvernements à « prendre les mesures climatiques plus courageuses et plus fortes dont le monde a si désespérément besoin », les macronistes donnent la main aux lobbys économiques pour continuer à détruire la planète. Notre article.

Une vieille lune

Le projet d’autoroute entre Castres (Tarn) et Toulouse (Haute-Garonne) est une vieille lune. Bien avant les années 2000 sous la pression de Pierre Fabre, natif de Castres, patron du laboratoire éponyme, la plus grosse industrie du Tarn et de loin, les notables tarnais ont réclamé une liaison à deux fois deux voies pour relier les deux villes. Il faut dire que la rivalité entre Castres et Albi, la préfecture du Tarn, s’était exacerbée depuis la mise en service de l’A68, autoroute quasi gratuite, 1,70 € pour 75 km. En absence de volonté de financement de l’État, le choix d’une concession au privé a été retenue.

Après de multiples épisodes, un projet d’autoroute concédée a été déclaré d’utilité publique par un décret signé en 2018 par Edouard Philippe (Premier ministre), Elisabeth Borne (Ministre des transports)  et Nicolas Hulot (Ministre de la transition écologique). En septembre 2021, Jean Castex, Premier ministre, annonçait le nom du concessionnaire, la société ATOSCA, filiale du groupe de TP NGE, la durée du contrat de concession étant fixée à 55 ans.

La lutte contre un projet inutile et écocide

Plusieurs collectifs se sont créés au fil du temps pour dénoncer l’absurdité de ce projet. Du Collectif RN126 (du nom de la nationale reliant Castres à Toulouse) créé dans les années 90, au collectif La Voie Est Libre très actif depuis trois ans, en passant par le PACT (Pas d’Autoroute Castres-Toulouse) qui s’est mobilisé pendant plus de 10 ans, tous ont dénoncé la démesure et l’inutilité de ce projet.

Quatre voies de circulation supplémentaires, en parallèle et à quelques centaines de mètres des deux voies existantes de la RN126, viendraient s’ajouter, pour écouler un trafic mesuré à moins de 7.000 véhicules jours alors que le minimum couramment admis pour justifier un tel ouvrage est de 20 à 25.000 véhicules par jour.

Le prétexte du « désenclavement » de l’agglomération de Castres déjà desservie par une route nationale jamais saturée, un aéroport, une ligne de chemin de fer modernisée il y a quelques années, ne tient pas une minute à l’analyse. De plus le projet retenu privatise des contournements déjà réalisés avec l’argent public, les habitants des villes concernées retrouvant les nuisances auxquelles ils avaient échappé depuis plusieurs années.

Toutes les autorités indépendantes, Autorité environnementale, Commissariat général à l’investissement, Conseil national de protection de la nature ont émis des avis très critiques voire défavorables à ce projet sur le plan de la justification économique comme sur l’impact environnemental.

L’enquête publique environnementale qui s’est tenue de novembre 2022 à janvier de cette année a vu une déferlante de contributions (plus de 6.000) soulignant dans leur immense majorité le caractère nuisible du projet. Le rapport des commissaires enquêteurs, lui aussi extrêmement critique, souligne notamment un coût exorbitant du péage, 17 euros l’aller/retour pour 77 km, à comparer aux 3,40 € de l’A/R Albi Toulouse pour la même distance. Une autoroute pour les riches et une iniquité flagrante pour les habitants du sud du Tarn.

Le constat est quasi unanime. Une autoroute à péage n’est pas la solution unique et indiscutable pour améliorer la liaison entre les deux villes. Un aménagement de la RN126 donnerait un résultat sensiblement équivalent avec un coût très inférieur et un impact écologique bien moindre. Mais l’État s’est toujours refusé à examiner cette solution alors même que des collectivités locales opposées au projet ont financé une pré-étude le démontrant sans ambiguïté.

Et les responsables politiques, avec à leur tête, la Présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, et le Président du Conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond, restent de fervents adeptes de ce projet écocide. Comment simultanément, vanter pour l’une son Pacte vert pour agir face au changement climatique et protéger le vivant, et pour l’autre prétendre présenter un « plan climat » ambitieux et construire en même temps une autoroute ?

Ce double langage ne passe plus. Le gouvernement n’est pas en reste puisque la construction de cette infrastructure faite pour promouvoir le trafic routier entre en contradiction frontale avec les engagements internationaux de la France sur la diminution des émissions de CO2. Avec plus de 400 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels détruits l’objectif du « zéro artificialisation nette » apparaît comme une annonce sans réalité.

Pour aller plus loin : GIEC : de l’urgence de protéger les forêts face à l’urgence climatique

Les arbres tombent, des militants se battent pour les relever

Aujourd’hui, les actions de résistances s’intensifient alors que les premiers travaux débutent sur le tracé. Le concessionnaire NGE/ATOSCA et son bras armé la bien mal nommée société SMDA (Soin Moderne des Arbres) dégage le terrain. En quelques jours ce sont des centaines d’arbres qui sont déjà tombés. Des alignements remarquables, théoriquement protégés par la loi (Art L350-3 du Code de l’environnement) car ils constituent un patrimoine culturel et une source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité, sont mis à bas.

Des engins monstrueux détruisent en quelques minutes des platanes plus que centenaires. Plus de trente platanes centenaire et des chênes ont été abattus en moins de trois heures ce 29 mars aux abords immédiat de la Réserve Naturelle Ornithologique régionale de Cambounet-sur-le-Sor, classée Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type 1. Comme si les oiseaux limitaient leurs déplacements, leur nidification et leur recherche de nourriture aux limites tracés par l’homme. C’est à un véritable génocide floristique et faunistique que les habitants du Tarn sont confrontés et ce alors que la COP15 appelle à restaurer les écosystèmes dégradés, stopper l’extinction d’espèces sauvages, protéger et conserver les espèces menacées.

Les militants des collectifs, La Voie Est Libre, eXtincton Rebellion, se mobilisent tous les jours de manière ludique, pacifique, mais néanmoins déterminée. Ils font tout pour ralentir les destructions de l’environnement en cours. Toute cette dernière semaine, des machines ont été bloquées pendant plusieurs heures retardant ainsi les travaux. Les militants bloqueurs sont délogés manu militari. Ils payent cher leur engagement : garde à vue, déferrement… mais rien n’arrête leur détermination.

Course contre la montre

Installé depuis une semaine à plus de quinze mètres de hauteur dans un des platanes centenaires de la route de Lavaur à Vendine, Thomas Brail, tarnais fondateur du GNSA (Groupement national de surveillance des arbres) bloque ainsi l’abattage sur la zone et veut ainsi alerter la population. Il a été rejoint par plusieurs autres « écureuils » tandis qu’un « camp de base » s’est installé au pied pour faire vivre la lutte.

C’est une course contre la montre qui est engagée, l’abattage étant interdit après le 31 mars et jusqu’au 31 juillet, période de nidification et de reproduction des oiseaux. Il est de plus en plus difficile pour les militants de s’interposer face à un déploiement démesuré des forces de l’ordre qui protègent en nombre chaque chantier.

Au moment où l’ONU adopte une résolution invitant les gouvernements à « prendre les mesures climatiques plus courageuses et plus fortes dont le monde a si désespérément besoin » les macronistes donnent la main aux lobbys économiques pour continuer à détruire la planète. L’inaction ne peut continuer. Chacun, chacune peuvent aider en venant soutenir les actions des collectifs pour ceux qui sont proches géographiquement et/ou en aidant financièrement pour payer les recours juridiques.

Toutes les informations sont à trouver sur la page Facebook du collectif La Voie est Libre et sur le site lvel.fr ou en prenant contact avec les insoumis tarnais par mail à l’adresse [email protected].

Crédits photo : Vincent Desjardins, « Forêt de Vimy », Flickr, Licence Creative Commons CC BY 2.0