Portrait – Mathilde Panot réélue présidente du groupe parlementaire La France insoumise à l’unanimité

La nouvelle vient de tomber. Ce mardi 21 juin 2022, Mathilde Panot est officiellement réélue présidente du groupe parlementaire de La France insoumise (LFI) à l’unanimité. Le vote se déroulait ce jour, lors de la première réunion de groupe des députés LFI nouvellement élus lors des élections législatives. Retrouvez son portrait réalisé en octobre dernier lorsqu’elle avait succédée à Jean-Luc Mélenchon à la présidence du groupe LFI, devenant ainsi la plus jeune femme de l’histoire de l’Assemblée nationale à atteindre ce statut.

La rage au cœur. Le courage et la force dans la lutte, toujours. Qui a déjà croisé la route de Mathilde Panot, en manifestation ou en piquet de grève, comprendra. La toute nouvelle présidente des insoumis à l’Assemblée nationale dégage une énergie et une révolte rare. La puissance de ses discours, de la rue au perchoir de l’Assemblée, en témoignent.

Des discours qui cartonnent sur les réseaux sociaux

Quand Mathilde Panot s’avance à la tribune, ses collègues des différents bancs le savent, les murs de l’hémicycle vont vibrer. Les chiffres de ses discours ne trompent pas. La députée du Val-de-Marne est « multi-millionnaire » sur Facebook. Elle est l’une des rares députés, avec ses camarades Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin, dont les discours franchissent le mur du son, et sortent des murs du Parlement.

Ils laisseront pour l’Histoire une trace indélébile des mobilisations historiques qui ont marqué ce quinquennat. Mathilde Panot le rappelle souvent, car la crise sanitaire est venu comme suspendre le temps et que le champ médiatique a la mémoire courte : l’année 2020 s’est ouverte par le mouvement contre la réforme des retraites et s’est terminée par le mouvement contre la loi Sécurité Globale et les violences policières.

Le discours de Mathilde Panot « Loi Sécurité Globale : vous êtes en guerre contre le peuple ! » prononcé le 17 novembre dernier, est ainsi à près de 2 millions de vues sur les réseaux sociaux, partagé par exemple par un certain Booba avec un laconique « un seul héros, le peuple ». Car la force de Mathilde Panot c’est aussi ça, réussir à vulgariser des textes de lois et les faire sortir de l’enceinte parlementaire. Son discours sur le pass sanitaire, « bienvenue dans la société de contrôle », est ainsi à 3 millions de vues sur les réseaux.

Réussir à faire sortir un texte de loi des murs de l’Assemblée et le transmettre au peuple : la magie Mathilde Panot

La prouesse de la jeune députée du Val de Marne, c’est de se saisir d’un texte de loi, qui serait resté dans les abysses de l’Assemblée, et de réussir à le transmettre au peuple. Mathilde Panot, une (des dernières ?) tribune du peuple.

Un idéal type : le projet de loi économie circulaire. Texte technocratique au possible, Mathilde Panot, porte-étendard de l’écologie populaire, le transforme : « produit, consomme et crève ». Et la magie Mathilde Panot opère : 3,6 millions de vues sur Facebook. Le travail de ses équipes, de réussir à rendre attrayant et à faire cartonner des textes, notamment écologiques, qui, habituellement sont (très) loin d’attirer les foules sur les réseaux sociaux, est précieux.

Comment Mathilde Panot est-elle devenue cette tribune du peuple, aujourd’hui plus jeune présidente de groupe de l’Histoire de l’Assemblée nationale ? Retour en arrière.

Une rage au cœur venue du monde associatif

Mathilde Panot, née le 15 janvier 1989 à Tours, grandit dans la banlieue d’Orléans, à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin. Les noms sont souvent trompeur : le taux de pauvreté à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin était de près de 10% en 2018 et de 20% chez les locataires, selon les dernières statistiques de l’INSEE disponibles.

Diplôme de Science Po Paris en poche, après avoir été bénévole à ATD Quart monde, Mathilde Panot commence à travailler pour l’association Voisin Malin, œuvrant à la solidarité et à l’entraide dans les quartiers populaires, notamment dans le quartier de La Grande Borne à Grigny. Utilisant des techniques d’organisations militantes venues des États-Unis, le « community organizing », Mathilde Panot organise des campagnes sur des sujets politiques bien concrets, comme sur les punaises de lits, sujet qu’elle n’oubliera pas de porter une fois arrivée à l’Assemblée nationale.

À l’origine de la création et du déploiement des troupes insoumises sur tout le territoire en 2017

Son premier engagement politique, même si engagement associatif et politique sont indissociables dans le processus de politisation, advient en 2005 lors du mouvement contre le contrat première embauche (CPE). Et se traduit dans le champ politique par la participation à la création de l’association L’Ère du peuple, vaisseau amiral qui va lancer la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2016.

Mathilde Panot va devenir, lors de la campagne de 2017, la coordinatrice des groupes d’appui de la toute naissante France insoumise (FI). C’est elle, avec ses camarades du groupe d’appel, qui va abattre le travail titanesque de créer des groupes d’appui à la candidature de Jean-Luc Mélenchon sur tout le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer. À travers notamment la création de caravanes qui sillonnent le pays (que les insoumis ont relancé cet été NDLR).

Cette force de frappe incroyable va atteindre 500 000 militants qui porteront la candidature insoumise à plus de 7 millions d’électeurs et près de 20% des suffrages, à 600 000 voix du second tour de l’élection présidentielle.

Un nouveau visage de la gauche propulsé à l’Assemblée par la #GenerationMelenchon

Mathilde Panot est élue députée de la 10ème circonscription du Val-de-Marne (Ivry, Vitry, Kremlin-Bicêtre , Gentilly) le 18 juin 2017 battant la candidate de la République en Marche (LREM) de 1068 voix. Comme Caroline Fiat, première aide soignante de l’Histoire à être élue députée, Adrien Quatennens, conseiller clientèle EDF, ou encore Jean-Hugues Ratenon, au RSA activité, Mathilde Panot fait partie de ces nouvelles figures de la gauche, jusqu’ici éloignées du champ politique, propulsée au Palais Bourbon par Jean-Luc Mélenchon.

C’est un accomplissement qu’on ne pourra jamais retirer au leader des insoumis : avoir réussi à faire émerger de nouveaux visages de gauche, jeunes, à contre courant du processus d’extrême-droitisation du champ médiatique, dont la zemmourisation actuelle est le sordide aboutissement. Mathilde Panot fait partie de la « #GenerationMélenchon », pour reprendre le nom d’une récente vague de plus de 20 000 témoignages sur le rôle de Jean-Luc Mélenchon dans la politisation d’une génération entière.

Élue représentante du peuple dans un hémicycle déconnecté…

C’est d’ailleurs ce à quoi on va résumer Mathilde Panot lors de son arrivée à l’Assemblée nationale : « c’est Jean-Luc Mélenchon qui a écrit tes discours ? ». La toute nouvelle députée de la 10ème circonscription du Val-De-Marne va retrouver dans les couloirs du Palais Bourbon une même déconnexion de la réalité que dans les couloirs de Science Po, où un jour un camarade de classe lui avait affirmé que le SMIC était à 1600 euros net.

Très loin du discours macroniste d’« ouverture sur la société civile », la sociologie des députés LREM ne trompe pas : très forte surreprésentation des chefs d’entreprise (17%), de cadres supérieurs et dirigeants (20%), de membres des professions libérales (12%), pour un impressionnant total de 68,6% des 529 députés LREM élus en 2017 appartenant aux classes supérieures, contre seulement 8,5% d’employés du secteur public et privés et 0% d’ouvrier (catégories socioprofessionnelles représentants… 45% de la population active en 2021, NDLR).

… et sexiste

En plus de la déconnexion et du mépris de classe des députés macronistes, Mathilde Panot va également expérimenter le sexisme omniprésent dans les couloirs du Palais Bourbon. C’est en plein hémicycle, ce 2 février 2021, que celui-ci va exploser et dégouliner en pleine séance. Alors que la vice-présidente des insoumis s’apprête à prendre la parole, des insultes fusent des bancs de la majorité.

« La folle ». « La poissonnière ». On entend très distinctement ces insultes sexistes dans la vidéo ci-dessous. Le président de séance feint de ne pas avoir entendu quand le député insoumis Alexis Corbière l’interpelle. Ces insultes résonnent pourtant particulièrement fort dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, elles font honte à notre République, elles salissent la maison du peuple, ce lieu où on est censé voter des lois pour faire avancer les droits des femmes et punir ces comportements sexistes.

Mais une fois n’est pas coutume, Mathilde Panot ne laisse rien passer. Elle obtient la condamnation de Pierre Henriet, le député LREM qui a beuglé « poissonnière » en plein hémicycle de l’Assemblée nationale. Et la vice-présidente du groupe LFI se rend dans le Morbihan le vendredi 26 février suivre Patricia, poissonnière morbihannaise, dans une journée de travail. Avant de l’inviter ce 7 octobre à l’Assemblée nationale. Car c’est aussi ça, Mathilde Panot : une des rares porte voix des oubliés, méprisés, invisibles.

Dans la rue comme à l’Assemblée, une députée de combat

Durant cette mandature, Mathilde Panot sera de tous les combats. Durant les deux mouvements sociaux les plus longs depuis mai 68, que ce seul quinquennat aura réalisé l’exploit de faire naître, la députée du Val-De-Marne mènera la lutte dans la rue comme à l’Assemblée.

En parallèle de ses prises de paroles remarquées dans l’hémicycle, notamment ce discours sur les gilets jaunes : « plutôt que de nous faire les poches, faites payer ceux qui doivent », et ce discours sur les retraites « Delevoye au placard, sa réforme aussi », à plus de 4 millions de vues sur Facebook, la députée du Val-De-Marne est sur les piquets de grève, à 4 heures et demie du matin, dans le froid, et ce durant de longues semaines, notamment pour soutenir l’occupation du blocage du dépôt de bus de Vitry-sur-Seine où l’insoumission était venue faire le direct ci-dessous.

La porte-étendard infatigable de l’écologie populaire

Mais si Mathilde Panot a été de toutes les luttes, il y en a une qu’elle a particulièrement tenu à faire avancer durant ce quinquennat : l’écologie populaire.

Chargée en 2018 par LFI de la campagne « Sortir du nucléaire pour le 100% renouvelable », la députée du Val-De-Marne organise une votation citoyenne sur le nucléaire dans tout le pays. Résultat ? 314 530 personnes votent entre le 11 et le 18 mars 2018 dans plus de 2 000 points de votation. Verdict ? 93% pour la sortie du nucléaire. Mais Mathilde Panot ne s’arrête pas là, elle coécrit une proposition de loi pour la sortie du nucléaire et le développement des énergies renouvelables qu’elle présente à l’Assemblée nationale.

Infatigable, la vice-présidente des insoumis à l’Assemblée nationale lance en septembre 2019 une « commission d’enquête citoyenne pour une gestion alternative des forêts » avec un journaliste du média écologiste Reporterre, Gaspard D’Allens, à laquelle elle associe parlementaires, syndicalistes forestiers et membres d’associations de protection des forêts. Cette commission d’enquête débouche le 22 juillet 2020 sur une proposition de loi interdisant les coupes rases de plus de 2 hectares, cosignés par des députés de 4 autres groupes parlementaires.

Après les forêts, la porte-étendard de l’écologie populaire en France, qui a beaucoup travaillé notamment avec Martine Billard ancienne députée écologiste de Paris, avec le politiste Pierre-Yves Cadalen ou encore avec Manon Dervin l’autrice de l’ouvrage Écologie Populaire, s’attaque au deuxième poumon vert de l’humanité : l’eau.

De février à juillet 2021, Mathilde Panot préside une commission d’enquête sur la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences. Comme sur le nucléaire, la vice-présidente des insoumis fait appel au peuple. Elle met en place une votation citoyenne qui rassemble 294 912 votants entre le 22 mars et le 13 avril 2021 dans plus de 20 000 points de votations. Verdict ? 99,61% des suffrages plébiscitent l’inscription du droit à l’eau et à l’assainissement dans la Constitution, ainsi que la protection de l’eau et l’interdiction de son accaparement par les multinationales.

Ce n’est pas fini, toujours sur l’eau, Mathilde Panot se rend en Guadeloupe en juin 2021 dans le cadre de sa commission d’enquête. À son retour en métropole, elle interpelle le gouvernement le 29 juin 2021 sur la situation dramatique constatée sur place. Enfin, le 15 juillet dernier, Mathilde Panot présente le rapport final de la commission d’enquête… adoptée à l’unanimité par les membres de la commission.

Plus jeune présidente de groupe parlementaire de l’Histoire de l’Assemblée nationale

C’est donc une combattante infatigable qui vient d’être désignée Présidente du groupe parlementaire de La France insoumise à l’Assemblée nationale, à l’unanimité des 17 députés insoumis. Le 18 juin 2019, Mathilde Panot avait été élue vice-présidente du groupe déjà à l’unanimité.

C’est donc une nouvelle étape de l’ascension fulgurante de Mathilde Panot. Elle devient seulement la quatrième femme présidente d’un groupe parlementaire. Et la plus jeune de l’Histoire à seulement 32 ans.

Barbara Pompili, née en 1975, avait 37 ans en 2012 quand elle devient coprésidente du groupe écologiste avec François de Rugy. Cécile Duflot, également née en 1975, devient quant à elle coprésidente du groupe écologiste à 40 ans. Valérié Rabault, née en 1973, accède à ce statut en 2018 à 45 ans.

Des données importantes à souligner dans l’histoire d’une institution où les hommes trustent tous les postes. Seulement 10 femmes ont ainsi été présidente de commission jusqu’ici et toujours aucune femme n’a encore été Présidente de l’Assemblée nationale, contre… 247 hommes à avoir occupé cette fonction.

Une nouvelle présidente insoumise de combat face à l’urgence

« Madame la Marquise
Le château brûle, je sais c’est fou,
Pour une fois, je vous en prie, réveillez-vous !
Les flammes ont déjà attaqué les foules,
Regardez autour Madame la Marquise !
Le château brûle, l’air est rempli de soufre,
Reste-t-il encore des issues de secours ?
Réagissez avant que tout s’écroule,
Le temps est compté, Madame la Marquise !
»

Mathilde Panot et Danièle Obono, sa collègue députée de Paris, viennent d’être abjectement insultées et menacées par un groupe d’extrême-droite « LVF », faisant référence à la Légion des Volontaire Français, ayant exterminé des juifs aux côtés des nazis durant l’occupation. Un groupe de 4 500 personnes appelant en 2021 en France à… faire des listes de juifs, d’«islamo-gauchistes», et à se former militairement.

Face à l’urgence de la riposte antifasciste, à l’urgence écologique et sociale qui menace notre pays, à l’urgence démocratique de ramener le peuple aux urnes face à l’abstention historique qui ronge notre pays malgré ces menaces qui planent au dessus de nos têtes, les insoumis viennent de désigner une Présidente de combat.

Par Pierre Joigneaux.

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