Macron

Macron a joué avec le feu, il s’est brûlé

Une défaite historique pour Emmanuel Macron. Un parti présidentiel balayé, avec moins de 250 députés. L’extrême-droite qui fait une entrée fracassante à l’Assemblée nationale avec 89 députés. Une alliance historique de gauche qui devient la première force d’opposition du pays. Le président du groupe LREM, le président de l’Assemblée nationale, la ministre de l’Écologie, la ministre de la Santé, balayés. Emmanuel Macron a perdu gros, très gros hier soir.

Le chef de l’État a une lourde responsabilité dans la crise qui s’ouvre : pendant 5 ans, la stratégie politique macroniste a consisté à faire monter l’extrême-droite. Pour mieux se faire réélire au second tour de la présidentielle face à elle. Puis Emmanuel Macron, élu par défaut grâce au fameux barrage républicain, a… refusé d’appeler à faire barrage à l’extrême-droite face à la gauche aux législatives. Une politique schizophrène, criminelle pour la République. Macron a joué avec le feu, il s’est brûlé. La période qui s’ouvre est décisive. Notre article.

89 députés d’extrême-droite : le résultat de 5 ans de stratégie macroniste

Triste jour pour la République. Hier soir, l’extrême-droite a réalisé une percée historique dans ses institutions : 89 députés du Rassemblement National (RN) siègeront désormais à l’Assemblée nationale. L’extrême-droite a défoncé le plafond de verre du palais Bourbon. Un signal d’alarme historique pour la République française. Dans ses heures les plus sombres, l’extrême-droite a renversé la République. Ses groupuscules rêvent de « décapiter la République ».

Et si la République est menacée, un homme porte une très lourde responsabilité dans cette montée : Emmanuel Macron. Interview à Valeurs Actuelles, réhabilitation de Pétain et Maurras, Marine Le Pen qualifiée de « trop molle » sur l’islam, réconfort et complicité affiché avec Éric Zemmour, chasse à « l’islamo-gauchisme »… Pendant 5 ans, le chef de l’État n’a eu de cesse de faire monter l’extrême-droite. C’est même le fond de la stratégie politique d’ Emmanuel Macron : faire monter l’extrême-droite sur ses thématiques, pour la faire accéder au second tour de la présidentielle, et pouvoir ensuite se faire réélire face à elle en se transformant subitement en barrage républicain.

Macron trampoline de Marine Le Pen

Comme nous l’avons écrit dans ces colonnes dès mars 2021, dans un article intitulé : « Macron, trampoline de Le Pen » : « élu en 2017 par défaut et non sur son programme qui n’a été validé que par 18 % des inscrits, Emmanuel Macron avait bénéficié du fameux « vote utile » pour « faire barrage » à l’extrême droite. La Une de Libération vient mettre le doigt sur un sentiment de dégoût partagé par de plus en plus de Français. Pas envie de voter Macron. Pas après ce quinquennat. Même face à Marine Le Pen. Plus envie de voter contre ».

Et si Emmanuel Macron a bénéficié d’un vote barrage au second tour de la présidentielle, la lassitude et le dégoût dans le pays atteignent des cimes inégalées. Il est le 2ème président le plus mal élu de l’histoire de la 5ème République, après Georges Pompidou (contexte très particulier après la crise de mai 1968). Emmanuel Macron a été élu dans un océan d’abstention et de bulletins blancs et nuls. Ses électeurs du second tour ont voté contre l’accession de l’extrême-droite au pouvoir, pas pour son projeeet.

Emmanuel Macron porte un projet ultra minoritaire dans le pays : décidé par seulement 20,07% des inscrits

Emmanuel Macron porte un projet ultra minoritaire dans la société qui représente… 20,07% des inscrits. Son réel pourcentage au premier tour de l’élection présidentielle. Le néolibéralisme, la mise de l’État au service du capital, des « 100 licornes » pour 2027, des « jeunes Français qui doivent rêver de devenir milliardaires », ne font plus rêver personne. Le mythe du self made men à la française et de la méritocratie ne dupent plus personne. Les Français se tuent au travail pour des miettes. L’ascenseur social est bloqué, obstrué au sommet par une infime poignée de profiteurs.

5 personnes dans ce pays possèdent autant que 27 millions d’autres êtres humains. Les 500 familles ont doublé leur fortune en seulement 4 ans de Macron, passant de 570 milliards en 2017 à 1000 milliards en 2021. Quand « en même temps » 400 000 personnes basculaient dans la misère, nos soignants partaient affronter l’épidémie du siècle en sac poubelles. Le projet néolibéral d’Emmanuel Macron est ultra minoritaire. Il a beau refuser de le dévoiler, la Commission européenne le fait pour lui.

Après la crise sanitaire, plus personne ne veut de l’austérité sanguinaire dans nos services publics. Avec les canicules, sécheresses, inondations, incendies, rapports du GIEC à répétition, notre jeunesse ne veut plus de la compétition libre et non faussée du marché, mais de l’intervention urgente de l’État pour dompter la soif infinie du capital qui détruit l’humain et la planète, et faire bifurquer radicalement notre modèle économique face à l’urgence.

Oui, le programme de Macron est minoritaire, et le programmes de la NUPES est ultra majoritaire dans le pays. Alors pourquoi la gauche n’a pas réussie à obtenir la majorité ? Elle était pourtant rassemblée autour d’un centre de gravité en rupture avec le capitalisme et les compromissions de la gauche de droite, la « gauche » de gouvernement, néolibérale, européiste, celle qui a trahi les classes populaires, celle qui a trahi le travail pour le capital, celle qui a trahi le vote du peuple en 2005, celle qui a engendré Macron : le parti socialiste des années François Hollande.

La génération Mélenchon débarque à l’Assemblée

La gauche aurait pu être rayée de la carte comme en Italie. Elle est aujourd’hui bien vivante. Et elle le doit à un homme : Jean-Luc Mélenchon. Estimé à 8% encore en janvier dernier, le tribun insoumis aura réussi l’impossible : porter la gauche de rupture avec le capitalisme à 22% dans la 6ème puissance capitaliste du monde, et réaliser une alliance historique des forces de gauche autour de son pôle de rupture. Grâce à lui, la gauche envoie 150 députés à l’Assemblée nationale et double ainsi le nombre de ses représentants dans l’hémicycle.

Grâce à lui, de vrais représentants du peuple entrent à l’Assemblée. Rachel Kéké, première femme de chambre à devenir députée du peuple. Laurent Alexandre et Mathilde Hignet, des ouvriers qui débarquent à l’Assemblée. Sébastien Delogu et Carlos Martens Bilongo, des militants des quartiers populaires pour la première fois élus députés. Tematai Le Gayic et Louis Boyard, qui, à 21 ans, deviennent les plus jeunes députés de l’Histoire de la 5ème République. Aurélie Trouvé et Danielle Simonnet, figures des mouvements sociaux, nouvelles représentantes du peuple. Tous ces nouveaux visages, c’est la génération Mélenchon.

1 Français sur 2 est resté chez lui, le profond chantier de la gauche pour les 5 ans à venir : reconquérir les classes populaires

Mais comme l’a reconnu Manuel Bompard, l’instigateur de la NUPES avec Jean-Luc Mélenchon, ce matin au micro d’Apolline de Malherbe : personne ne peut se réjouir des résultats d’hier soir. Oui, Emmanuel Macron perd la majorité, mais personne ne l’obtient. Et le pays fait face à une crise intentionnelle majeure. 1 Français sur 2 n’a pas voté. « On ne peut pas retourner à de petites combinaisons politiciennes, défendre des intérêts partisans. Il faut un profond changement institutionnel », le numéro 10 insoumis a rappelé l’urgence de la 6ème République ce matin.

Personne ne peut fanfaronner : l’extrême-droite fait entrer 89 députés à l’Assemblée Nationale. Manuel Bompard a dénoncé la responsabilité historique d’Emmanuel Macron : « La créature a échappé au créateur. Sur 62 duels RN / NUPES, dans 55 cas ils ont refusé d’appeler à voter pour la NUPES. Et ils osent donner des leçons de République. Macron est le responsable principal de la montée du RN ». Un pompier pyromane, qui a joué avec le feu et qui finit brûlé.

La responsabilité de la gauche dans le contexte est historique. Le paysage politique est clair : 4 blocs se font face. Le bloc bourgeois libéral réactionnaire d’Emmanuel Macron, le bloc populaire, le bloc d’extrême-droite et le bloc d’abstentionnistes. À la gauche, devenue principale force d’opposition à Emmanuel Macron, de sillonner le pays durant les 5 années à venir, pour aller reconquérir les parties entières du pays où le bloc d’extrême-droite et le bloc abstentionniste ont fait des ravages. À la gauche d’aller reconquérir les classes populaires, pour que, dans 5 ans, le fascisme ne brise pas un autre plafond de verre.

Par Pierre Joigneaux.