Extrême-droite. Marine Le Pen et Éric Zemmour ne sont que la partie émergée de l’iceberg. L’extrême-droite, bloc hétérogène, est composé de multiples groupuscules, représentée par des personnalités hétéroclites. Ils sont plus ou moins violents, radicaux, et ont des modes d’actions divers. Nous étions revenus dessus lors de notre premier article de notre série sur l’extrême-droite. Dans notre pays, la fenêtre d’Overton s’est tellement décalée vers la droite que deux candidats d’extrême-droite se sont battus pendant la campagne présidentielle pour savoir qui représentait le mieux leur camp.
Après des années de dédiabolisation, Marine Le Pen en est devenue la façade la plus présentable dans la vie politique française. Elle n’a pourtant jamais cessé d’être d’extrême-droite. « Je me fous de la diabolisation« , avait déclaré de son côté Éric Zemmour. Sa virulence, ses propos outranciers, tombés de nombreuses fois sous le coup de la loi, ont activement participé à la dédiabolisation de Marine Le Pen. Finalement, qui se cache derrière ces deux personnages aux idées nauséabondes ? Quels liens ont-ils avec la partie immergée de l’iceberg de l’extrême-droite française ?
Deuxième article de notre nouvelle série : « Fachosphère, groupuscules, relais politiques et modes d’actions : la menace de l’extrême-droite plane toujours. »
« Il y a des gens autour d’Éric Zemmour qui sont des nazis ! » : Marine Le Pen devrait balayer devant sa porte
On croit à un titre du Gorafi. On relit une seconde fois et l’on se rend compte qu’elle a bel et bien prononcé cette phrase. Sur BFMTV, le 1er mars, Marine Le Pen s’est fendue d’un boulet rouge contre Eric Zemmour en assénant : « Il y a des gens autour d’Éric Zemmour qui sont des nazis !« Plutôt culotté venant de la candidate d’un parti fondé par des collabos et d’anciens SS, comme Léon Gaultier et Pierre Bousquet. Marine Le Pen a oublié de balayer devant sa porte.
Elle semble d’abord oublier le cas Loïk Le Priol, multirécidiviste néofasciste. Nous étions revenus sur cette affaire dans nos colonnes. L’ancien militant et membre du GUD « gravite dans des réseaux proches de Marine Le Pen. » Il a récemment été mis en examen pour « assassinat et détention d’armes » et incarcéré. En effet, il est soupçonné d’avoir assassiné le rugbyman argentin Federico Martin Aramburù.
Il avait déjà été mis en examen avec Logan Djian, ancien chef du GUD à Paris, pour « violences aggravées » à l’encontre de E.K., un ancien chef du GUD passé ensuite au FNJ (Front national de la Jeunesse). La preuve avait été faite de « la sauvagerie de proches du Front national« , titrait Mediapart. Même entre eux, l’extrême-droite se livre à une « violence inouïe« .
Marine a-t-elle aussi oublié le rôle central qu’a joué auprès d’elle Frédéric Chatillon, ancien chef du Groupe Union Défense (GUD) ? « Il continue de jouer en coulisse pour la campagne » selon une récente enquête du Monde. A-t-elle aussi oublié son incontournable ami et ancien membre du GUD Axel Loustau ?
Ainsi, selon Le Monde, Frédéric Chatillon et Axel Loustau détiennent à eux seuls 45% d’e-Politic, une agence de communication qui « a pris le relais de Riwal comme prestataire favori des campagnes du RN, et [qui] joue aujourd’hui un rôle central dans la campagne numérique de Marine Le Pen ». Même si leur présence reste discrète, on retrouve par exemple « le nom de Frédéric Chatillon au capital de deux sous-traitants de e-Politic, qui bénéficient indirectement des missions confiées au Rassemblement National. »
De même, Marine Le Pen a-t-elle omit que le conseiller régional RN Gilles Pennelle est membre du Bureau national du parti et qu’il a été référent éducation pour la campagne ? Alors qu’il « a fait ses armes dans le mouvement racialiste et néopaïen de Pierre Vial, Terre et peuple » ? Les exemples sont plus nombreux qu’on ne le pense. Les identitaires ont pignon sur rue au RN, comme Philippe Vardon ancien cadre du Bloc identitaire, groupuscule d’où à émergé Génération identitaire. « S’il ne participe pas à l’état-major de la campagne de 2022, il reste un cadre important du parti« , selon Streetpress.
On peut aussi citer Céline Tacher, conseillère régionale RN depuis 2021 qui est membre du collectif « Nemesis« , prônant un féminisme identitaire. « Selon elles, sans immigration, les femmes seraient « plus tranquilles »« . Enfin, le « Grand ami de Dieudonné » et membre du Conseil National du RN Bruno Gollnisch n’a pas hésité « à commenter en direct par téléphone les résultats du premier tour pour Égalité & Réconciliation« , site du plus nauséabond des antisémites : Alain Soral.
Visiblement, Marine Le Pen n’a pas balayé devant sa porte. Identitaires, antisémites, anciens du GUD… Ils gravitent encore et toujours dans son entourage et sont liés directement ou indirectement à son parti. C’est justement parce que l’entreprise de dédiabolisation de Marine Le Pen et de son parti semble porter ses fruits auprès des Français, que doit être rappelé qui elle est : l’héritière d’un parti fondé par d’anciens nazis, qui n’a jamais cessé d’être d’extrême-droite.
Derrière Éric Zemmour, le pire de l’extrême-droite
Cela fait des années qu’Éric Zemmour propage sa haine dans ses livres et sur les plateaux, avec notamment le soutien tacite de Vincent Bolloré. « Provocation à la haine et à la violence », « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine », « provocation à la haine religieuse »… Le mutlirécidiviste n’a aucune limite dans l’outrance et la virulence de ses propos. Sa dernière condamnation date du 17 janvier dernier après ses propos sur les mineurs isolés. Le 29 novembre 2020 sur CNEWS, il les avait traités, de « voleurs », « violeurs » et « assassins. » Ainsi, les soutiens d’Éric Zemmour n’étonnent guère.
Pendant la campagne présidentielle, le candidat d’extrême-droite a reçu, entre autres, le soutien des monarchistes de l’Action française, des anciens de Génération Identitaire et de la Ligue du Midi. Nous étions revenus plus en détails sur ces groupes dans le premier article de notre série. Les premiers préparent « la restauration de la monarchie et, dans l’attente du retour du Roi, [oeuvrent] pour la défense de l’intérêt national. » Génération Identitaire se définit comme la « barricade sur laquelle se dresse la jeunesse en lutte pour son identité. » Les derniers constituent l’un des groupes d’extrême-droite les plus violents de France.
Eric Zemmour a aussi été soutenu par le Parti de la France (PdF), qui s’est fièrement affiché au meeting du candidat d’extrême-droite du 5 décembre 2021 à Villepinte. « Au PdF, on milite aussi bien sous le drapeau bleu, blanc et rouge que sous la bannière néofasciste à croix celtique« , selon Streetpress. Glaçant. « Il ne m’a jamais demandé de retirer notre soutien ou dit que le soutien du PdF était gênant » a affirmé Thomas Joly, à propos d’Éric Zemmour
Selon Streetpress, le réseau « Les Braves » de Daniel Conversano a également soutenu Éric Zemmour. Défenseur de la « race blanche » et de la « remigration », Daniel Conversano s’affirme comme raciste et « s’est même expatrié en Roumanie car la France est ‘bougnoulisée.‘ » Mais il y a plus radicaux qu’eux : les néonazis membres du canal Telegram « Les Vilains Fachos. »
Le média Arrêt sur Images avait révélé leur présence lors de l’inauguration du QG de campagne parisien d’Éric Zemmour. Arrêt sur images avait pu s’entretenir avec eux et avait dévoilé des preuves sinon d’une participation active dans la campagne, du moins d’une indéniable proximité avec celle-ci. Pour rappel, ce sont eux qui, le 5 novembre 2021 avaient menacé de mort Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono, les journalistes Taha Bouhafs et Mathieu Molard, et un militant syndicaliste. Le responsable de l’insoumission.fr a lui aussi était ciblé. Ces groupuscules ne supportent pas qu’on écrive sur eux et menacent de mort les journalistes qui osent s’aventurer sur la lutte antifasciste.
Tout comme « Les Vilains Fachos », des soutiens d’Éric Zemmour ont fait un peu plus parler d’eux que d’autres : La Famille Gallicane. « Un peu plus », car ou le silence médiatique a quand même été assourdisant. Nous vous parlions déjà dans nos colonnes. C’est Streetpress qui avait révélé l’information.
Dans une forêt, de jeunes gens se sont entraînés à tirer sur des caricatures racistes dessinées au marqueur : un juif, longue barbe et nez crochu. La vidéo est effrayante : on les y voit des vider leurs chargeurs et cribler de balles ces caricatures. Ce groupuscule d’extrême-droite publie ensuite ces vidéos de tirs sur son Chanel Telegram accessible à tous. On peut y lire un florilège de commentaires racistes. « Famille Gallicane partout, bougnoules nulle part. » Glaçant soutien pour le candidat d’extrême-droite.
Enfin, comment ne pas évoquer les Zouaves Paris ? Ils étaient présents au meeting de Villepinte du 5 décembre dernier. Ils avaient violemment tabassé des militants de SOS racisme venus au meeting pour déployer une banderole sur laquelle était marque « Non au racisme. » Ils avaient été remerciés pour cela par les organisateurs du meeting. Les Zouaves Paris constituent une bande ultra-violente, entraînée au combat. Selon Streetpress, « une note du renseignement les qualifie même de ‘groupuscule de combat‘ ». Leur leader Marc de Cacqueray-Valménier est parti prendre les armes à l’étranger fin 2020 au Haut-Karabakh. Une « quasi-guerre sainte selon la propagande d’extrême droite, qui y voit une nouvelle bataille entre l’Occident chrétien et « l’envahisseur » musulman« .
Marine Le Pen et Éric Zemmour ne sont que la face émergée de l’iceberg. Ils font partie de l’extrême-droite « électoraliste« , celle qui essaie de paraître présentable pour concourir à des élections nationales. Si le pire de l’extrême-droite se retrouve aujourd’hui chez Éric Zemmour, très loin d’être dédiabolisé, il ne faut pas dédouaner Marine Le Pen pour autant. Elle a conservé des liens sulfureux avec personnalités d’extrême-droite infréquentables. Surtout qu’Éric Zemmour « draine derrière lui tous les groupes d’ultra-droite les plus radicaux, ceux qui ont tourné le dos au Rassemblement National« , rappele le journaliste le journaliste Antoine Etcheto. Prochain épisode : « La fachosphère ou la puissance de l’extrême-droite sur internet. »
Par Nadim Février.