Alors que la campagne présidentielle s’accélère en cette rentrée, que les prises de positions économiques se multiplient, ici Marine Le Pen qui prend position contre l’augmentation des salaires, Anne Hidalgo contre le rétablissement de l’ISF, là Jean-Luc Mélenchon qui propose une loi d’urgence sociale, une question est très peu posée : quel est le bilan économique du quinquennat qui se termine dans un peu moins de huit mois ? Sanglant. Emmanuel Macron, un néolibéral radicalisé. Notre article.
Macron, le néolibéral radicalisé
Néolibéral. C’est sans doute l’adjectif qui qualifie le mieux le bilan de la politique économique d’Emmanuel Macron. Commençons par rappeler que le néolibéralisme n’est pas, contrairement à ce que beaucoup écrivent, la destruction de l’État. Bien au contraire, les politiques néolibérales se servent de l’État, pour le mettre au service du capital certes, mais elles ne sont pas non interventionnistes dans l’économie. L’interventionnisme de l’État a simplement changé de nature, passant de la pseudo redistribution social-démocrate, à une politique pratiquement exclusivement tournée vers le profit des entreprises privées.
Et les politiques néolibérales se sont radicalisées sous ce quinquennat, favorisant toujours plus le capital, fragilisant toujours plus le travail. Le rapport de force capital travail n’a jamais semblé si déséquilibré que sous la politique économique macroniste. Car l’ennemi du néolibéralisme n’est pas l’État, qui aide par ses mesures économiques l’accumulation du capital, mais bien le monde du travail, fracassé par les fameuses réformes de « dérégulation », de précarisation toujours accrue du droit du travail. Les mesures économiques prises par Emmanuel Macron ont favorisé cette radicalisation du rapport de force du capital sur le travail. Et ce, dès l’aube du quinquennat. Rembobinons.
Les premières mesures économiques du quinquennat ont fait exploser les inégalités
Quelles ont été les premières mesures économiques, hautement symboliques, des premières heures de ce quinquennat ? La suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF), ou plutôt son remplacement par un impôt sur le patrimoine immobilier (IFI), l’instauration d’une « flat tax » sur le capital (le prélèvement forfaitaire unique, PFU), et « en même temps », la baisse des aides personnalisées au logements (APL).
Résultat ? Les inégalités ont explosé dès la première année du quinquennat. Les indicateurs d’inégalités basculant dans le rouge, dépassant même leur niveau de 2008 ! C’est ce que montre notamment l’évolution de l’indice de Gini, qui passe de 0,289 en 2017 à 0,298 en 2018. Or, plus cet indicateur (dont la valeur oscille entre 0 et 1) augmente, plus les inégalités sont fortes.
La politique fiscale menée par Emmanuel Macron est régressive : les ménages les plus pauvres perdent une part d’allocations logement, et « en même temps », les ménages les plus riches bénéficient de la réforme de la fiscalité sur le capital. Le remplacement de l’ISF par l’IFI en 2018 a ainsi fait perdre 3,44 milliards d’euros de recettes fiscales à l’État. Au profit d’une poignée d’ultra riches. Ce sont 340 000 ménages qui, grâce à la mesure, ont vu leur revenu disponible augmenter de près de 10 000 euros (+9 770 euros) et leur niveau de vie de près de 7 000 euros (+ 6 700 euros), dès la première année du quinquennat. Et en « même temps », on va le voir, la baisse des APL a eu des conséquences sanglantes, notamment sur notre jeunesse.
La sanglante réforme des APL
Depuis le 1er janvier, le mode de calcul des aides au logement versées par la CAF et la MSA a changé. Les aides personnalisées au logement (APL), allocations de logement familiales (ALF) et allocations de logement sociales (ALS) ne sont plus calculées sur la base des revenus d’il y a deux ans mais sur les ressources des douze derniers mois glissants, avec une actualisation de leur montant tous les 3 mois et non plus une fois par an.
Résultat ? Ces images insupportables de notre jeunesse faisant des files d’attentes interminables pour pouvoir manger. En 2021, 39 % des jeunes ont connu une baisse de leurs aides au logement, soit 11 % de plus qu’en 2020. Cette baisse correspond en moyenne à 38,50 € par mois. Ils touchaient en moyenne 295 € d’APL en décembre 2020, contre 256,50 € en mars 2021. Les jeunes actifs, dont les revenus sont proches du Smic (entre 800 et 1 300 €), sont les plus touchés, avec une baisse moyenne de 95 € par mois.
Objectif ? Cette réforme devrait permettre au gouvernement de réaliser 1,1 milliard d’économie en 2021. Des économies sur la misère de notre jeunesse : 1 jeune sur 3 saute des repas chaque jour, faute de moyens. D’innombrables secteurs de notre société ont fait douloureusement l’expérience de la politique économique austéritaire macroniste, au premier rang desquels, l’Hôpital public. « Vous comptez les sous, on va compter les morts » alertait une banderole dans une mobilisation de soignants avant même l’arrivée du Covid19. Ce sont 4 172 lits d’hospitalisation complète qui ont été supprimés entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018 par Emmanuel Macron. Et les fermetures de lits se sont poursuivies… en pleine crise sanitaire. L’austérité quoi qu’il en coûte.
Une politique économique qui a réalisé l’exploit de faire naître les deux plus longs mouvements sociaux de la 5ème République
Avec la crise sanitaire, on en aurait presque oublié que la politique économique d’Emmanuel Macron a réalisé l’exploit de faire naître les mouvements des gilets jaunes et des retraites. Les deux plus longs mouvements sociaux de la 5ème République, rien que ça. La pandémie mondiale a comme suspendu le temps en mars 2020, mais ne l’oublions pas au moment de se pencher sur le bilan économique de ce quinquennat : ce Président a réprimé dans le sang les citoyennes et les citoyens qui ont osé réclamer plus de justice sociale. 32 yeux crevés, 5 mains arrachées.
En 2019, année où le mouvement des gilets jaunes, lancé fin 2018, s’est pérennisé, la France comptait 9,1 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (60% du revenu médian, NDLR), avec moins de 1 063 euros par mois pour survivre. Le chiffre du nombre de pauvres dans notre pays, calculé par l’INSEE, ne sera connu que fin 2021. Mais personne ne peut se voiler la face sur l’explosion de la pauvreté en France : tous les voyants sont au rouge. Les différents rapports des associations alertent sur une explosion des demandes alimentaires, le nombre d’allocataires du RSA a passé la barre des deux millions (+4,8% en un an), et le chômage a augmenté de 6,3% sur un an, selon les derniers chiffres officiels. Les associations estiment à 8 millions le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire pour pouvoir manger, et à entre 10 et 11 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
La pauvreté fracasse le pays, notamment la jeunesse, mais le Président refuse d’infléchir sa politique économique
Pourtant, face à la pauvreté et à la faim qui fracassent le pays, et particulièrement notre jeunesse, le Président n’infléchit pas sa politique économique. Toujours pas de RSA jeune. Motif ? Les jeunes Français « rêvent de travailler » selon le ministre de l’Économie. Résultat ? Des files d’attentes toujours plus longues devant les collectes alimentaires, et un constat insupportable : les jeunes de 18 à 25 ans, ne pouvant bénéficier du soutien financier de leurs parents, sont abandonnés par la République.
0,9%. C’est la part du plan de « relance » consacrée à l’urgence sociale. 900 millions d’euros sur un total de 100 milliards d’euros. Quand, en « même temps », nous allons le voir, des dizaines de milliards d’euros ont été déversés sans aucune contrepartie sur les groupes du CAC 40. L’idéologie économique d’Emmanuel Macron pourrait être résumée par cette phrase prononcée le 7 janvier 2015 : « il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». On touche au cœur de l’essence même du quinquennat Macron : l’accumulation toujours plus grande du capital. Peut importe si le capital détruit l’humain et la planète par la même occasion. Toutes les mesures économiques de ce quinquennat tendent vers ce même objectif : l’accumulation du profit privé, en promettant qu’un jour ça ruissellera. Peu importe que le Président américain en personne ait démonté la théorie du ruissellement.
Un plan de « relance » ? Des milliards d’argent publics dilapidés sans aucune contrepartie, qui ont terminé… en dividendes
On touche au cœur de l’obscénité de la politique économique macroniste : son fameux plan de « relance », lancé au premier semestre 2020. Un scandale, pour rester poli. Le gouvernement a débloqué plusieurs dizaines de milliards d’euros d’aides publiques pour soutenir le secteur privé face à la crise sanitaire. Jusqu’ici, rien de scandaleux. Mais, malgré les demandes qui émanaient de toute part, le gouvernement s’est obstinément refusé à conditionner ces aides à de véritables conditions sociales, environnementales et fiscales, notamment en matière de versement de dividendes, de protection de l’emploi et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Résultat ? Un sacré circuit de « relance » de l’économie : de la poche du contribuable directement vers celle de l’actionnaire. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a bien « encouragé » les entreprises à ne pas reverser de dividendes en pleine pandémie mondiale. Résultat ? 51 milliards de dividendes reversés cette année par les groupes du CAC 40.
Le scandale est le suivant : 100% des groupes du CAC40 ont bénéficié des milliards d’aides publiques, mais ont non seulement reversé 140% de leurs profits 2020 à leurs actionnaires, et « en même temps » licenciés des milliers de salariés. Autrement dit, le CAC40 a consacré tous ses profits et puisé dans sa trésorerie pour rémunérer ses actionnaires. Avec de l’argent public. Notre argent, l’argent du contribuable.
Qui avez-vous enrichi cette année ?
Vous êtes donc en droit de savoir qui vous avez enrichi, alors qu’une personne sur 3 parmi nous n’a pas pu partir en vacances, ni prendre un seul weekend cette année. Qui sont les principaux bénéficiaires de ce plan de relance aux montants astronomiques ? Ils ont un nom, ils ont une adresse : Bernard Arnault, Vincent Bolloré, François Pinault, François Bettencourt, sans oublier BlackRock, plus puissant fonds d’investissement de la planète et premier bénéficiaire du plan de relance selon un rapport de l’Observatoire des multinationales.
Et en « même temps », comme si cela ne suffisait pas, le CAC40 a annoncé 62 500 suppressions d’emplois dans le monde depuis le début de la crise sanitaire, dont près de la moitié en France (une partie de ces suppressions est encore à venir). 7 groupes du CAC40 ont ainsi supprimé plus de 5000 emplois l’année dernière. Certaines des entreprises les plus soutenues (Renault, Air France, Safran) sont aussi celles qui suppriment le plus d’emplois. 7 des 10 plus gros bénéficiaires de prêts garantis par l’Etat, dont Renault et Air France, ont ainsi supprimé des emplois.
Sans oublier la monstrueuse réforme de l’assurance chômage qui entre en application ce 1er octobre : 1,15 million de personnes vont voir leurs droits baisser drastiquement, en moyenne de 17 %, et jusqu’à 40 % pour les 400 000 personnes les plus précaires, en pleine crise sanitaire.
Voici le sanglant bilan économique d’Emmanuel Macron ainsi résumé : toujours plus pour le capital, toujours moins pour le travail. Des riches encore plus riches, des pauvres encore plus pauvres.
Par Pierre Joigneaux.