Licenciement sanitaire et interdiction d’aller voir un proche à l’hôpital : le polémique pass sanitaire adopté à l’Assemblée

Jusqu’au bout de la nuit. Il est 5h38 du matin. Le projet de loi pass sanitaire vient d’être voté à l’Assemblée nationale. Avec 117 voix pour et 86 contre, après des heures de débats houleux, il passe de justesse. Le licenciement sanitaire en cas de non vaccination a été adopté. Tout comme l’interdiction d’aller voir un proche à l’hôpital, alors que l’opposition avait réussi à faire passer un amendement suspendant l’obligation du pass sanitaire à l’hôpital, le gouvernement est revenu dessus tard dans la nuit. Notre article.

« Après 1 an et demi où les Français ont été la plupart du temps exemplaire face au Covid, alors que vous avez cumulé les erreurs, je ne vous rappelle qu’une chose : le temps où vous nous disiez que les masques n’étaient pas nécessaires parce que vous n’en aviez pas (…) Quelle honte, les salariés aujourd’hui concernés, c’est ceux qui ont été en première ligne face au covid, ceux qui étaient dans les commerces, les soignants, les pompiers, quelle honte ! Je comprends mieux pourquoi vous avez exempté une seule profession du pass sanitaire, les policiers. Parce que pour tenir avec ce qui va se passer, il va vous falloir les policiers. C’est une société injuste que vous êtes en train de préparer, c’est une société de classe, c’est une société liberticide, c’est une société de contrôle ». L’intervention est signée Éric Coquerel.

Société de classe. Le mot est lâché. La fracture vaccinale est en effet une fracture sociale. La carte des vaccinations parle d’elle même, notamment la très nette fracture entre l’est et l’ouest parisien. Pourtant, le gouvernement a visiblement fait le choix de creuser la fracture. Après de longs mois de gestions chaotiques, de fermetures de lits de réanimations, d’hôpitaux en plein Paris, de mensonges sur les masques, d’absence de moyens pour l’Hôpital, de soignants envoyés au front avec des sacs poubelles, aux salaires toujours pas augmentés malgré les grands discours du premier confinement, ce texte de loi annonce un nouveau degré de violence dans la pente autoritaire prise par ce gouvernement.

Deux mesures sont symboliques de cette violence. La première : le licenciement sanitaire. La ministre du travail, Élisabeth Borne l’avait annoncé la veille sur BFMTV : pas de vaccin, pas de salaire. À partir du 30 août, un employeur pourra en effet suspendre le salaire d’un salarié ne pouvant présenter un pass sanitaire. Et au bout de deux mois, celui-ci pourra décider du licenciement de son salarié pour « motif personnel ». Un licenciement sanitaire. Ajouter à cela le déremboursement des tests PCR à la rentrée, et vous avez l’obligation vaccinale que refuse d’assumer le gouvernement.

Deuxième mesure extrêmement forte : l’obligation de présenter un pass sanitaire pour aller voir un proche à l’Hôpital. Les députés de l’opposition, insoumis et républicains, étaient pourtant parvenu à suspendre cette obligation. Le leader des insoumis s’était ainsi félicité : « Grâce à Caroline Fiat (aide soignante et députée LFI) et les insoumis, un amendement d’Humanité est adopté : pas de pass sanitaire pour une famille qui vient dire au revoir à un proche en hôpital ou en Ehpad. Depuis Antigone, on sait qu’il y a des règles imprescriptibles dans les sociétés humaines ». C’était sans compter sur le gouvernement.

Au bout de la nuit, le ministre de la santé a en effet demandé une seconde délibération sur l’obligation de présenter un pass sanitaire à l’hôpital. “Si je devais résumer ce qui a été voté, il faut un pass sanitaire pour aller au restau, mais pas pour aller à l’hosto« . Préserver le droit de se faire soigner et de voir un proche dans ses derniers instants avant que la lumière ne s’éteigne, comparable au fait d’aller au resto ? Les bancs de droites comme de gauches de se soulever.

Il est nécessaire de préserver le droit aux soins quelles que soient les conditions sanitaires et quel que soit le statut vaccinal du patient” a taclé le député Les Républicains (LR) Philippe Benassaya. L’aide soignante et députée insoumise Caroline Fiat avait tenté de faire entendre raison au gouvernement et de souligner l’inhumanité de demander un pass sanitaire à une famille venue accompagner un proche dans ses « derniers moments ». Sans succès, l’inhumanité en marche a une nouvelle fois éclaboussé l’Assemblée.

Par Pierre Joigneaux.

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