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Groupuscule néonazi, liens avec le RN et Zemmour : le GUD, l’un des groupuscules d’extrême droite les plus violents

GUD. Le 10 février 2024 à Paris, la pluie n’entame pas la détermination des manifestants et n’étouffe pas les slogans chantés : « Siamo tutti antifascisti » (Nous sommes tous antifascistes), « Et tout le monde déteste les fachos »… Ce jour-là, plusieurs milliers de personnes défilent contre l’extrême droite. Au même moment, à quelques centaines de mètres de là, 39 militants d’extrême-droite rendent hommage à l’écrivain collabo Robert Brasillach, fusillé pour intelligence avec l’ennemi (nazi) en 1945. Ils sont tous interpellés par la police, qui en reconnaît certains : une vingtaine de fichés S, interdits de séjour à Paris…

La plupart sont membres des Zouaves Paris (groupuscule ultra violent dissous en 2022 pour avoir notamment frappé des militants SOS Racisme à un meeting d’Eric Zemmour) ou du Groupe Union Défense (GUD). D’ailleurs, la seule personne à être poursuivie en justice est Marc de Cacqueray-Valménier, ancien leader des Zouaves, refondateur et chef du GUD Paris. Depuis 2022, la symbolique efficace du groupuscule d’extrême droite des années 70 refleurit dans certaines villes et sur les réseaux sociaux. Une croix celtique, un rat noir, des idées racistes, nationalistes et révolutionnaires, de la violence de rue : c’est ça, le GUD.

D’abord né comme syndicat étudiant d’extrême droite, puis devenant vite une bande de nervis coupables de nombreuses agressions racistes, contre des militants de gauche, le GUD a aussi servi de pouponnière à de nombreux cadres et élus de droite et de l’extrême droite institutionnelle. Les liens personnels, politiques et financiers avec le Rassemblement National de Marine Le Pen et Jordan Bardella sont étroits, mais aussi avec Reconquête!, le parti d’Eric Zemmour et Marion Maréchal. Ces partis qui se veulent « respectables » et « dédiabolisés » ne prennent leurs distances avec le GUD que si leurs liens sont révélés dans la presse, et même dans ce cas, le cordon n’est jamais totalement coupé. Notre article.

De syndicat étudiant à groupuscule néonazi : un parcours hasardeux

La guerre d’Algérie puis Mai 68 ont été des électrochocs dans l’extrême droite française. La perte de l’empire colonial fait réagir une famille politique qui n’avait plus voix au chapitre depuis la Libération : le FN (fondé en 1972, dix ans après la fin de la guerre d’Algérie) agglomère plusieurs tendances de l’extrême droite, toutes nostalgiques de l’Algérie française. Mais ce rejet de la décolonisation s’exprime d’abord avec violence : l’Organisation Armée Secrète (OAS) commet des milliers d’attentats en Algérie et en France contre des syndicalistes, intellectuels et militants de gauche et/ou en faveur de l’indépendance de l’Algérie (jusqu’à une tentative d’assassinat sur le Président De Gaulle en août 1962).

Dans la décennie suivante, après Mai 68, le journaliste Jean Marc Théolleyre dénombre 122 attentats d’extrême droite de juin 1977 à mai 1980 (Théolleyre, Les néonazis). L’ambiance dans laquelle émerge le GUD est violente et l’extrême droite assassine presque tous les jours. Le Groupe Union Défense naît des cendres d’Occident : ce groupuscule néofasciste fondé par un ancien milicien, directement inspiré de l’extrême droite des années 30 (Maurras, Brasillach…), est dissous en 1968.

Des dirigeants d’Occident fondent ensuite, à la fac de Droit d’Assas (Paris), le Groupe Union Droit, vite renommé Groupe Union Défense. Le GUD adopte une ligne « nationaliste-révolutionnaire » qui se distingue sur certains aspects du nationalisme « traditionnel » : il vise la prise du pouvoir par la violence, une politique « sociale », d’extrême droite. Aujourd’hui, cette mouvance en pleine dynamique s’oppose aux identitaires pour le leadership à l’extrême droite.

Le GUD est surtout un mouvement parisien, mais il a eu à certains moments des antennes dans d’autres villes (Lille, Nancy, Lyon, Toulouse…), implantées dans les facs classées « à droite ». On a pourtant vu ces derniers mois des « Rats noirs » (surnom des Gudards) tracter sur des facs « de gauche » comme à Tolbiac ou à Nanterre. Mais le GUD a toujours eu des résultats électoraux assez médiocres : s’il dépassait les 10% des voix aux élections étudiantes des années 70, il décline rapidement et abandonne la lutte électorale pour se concentrer sur des actions violentes.

Quand il se présente aux élections étudiantes sur son fief d’Assas en 2012, son score est anecdotique. Dans les années 70, le GUD échappe à la dissolution, contrairement à d’autres groupes d’extrême droite (comme Ordre Nouveau en 1973) et connaît un certain succès. Ce qui va avec son flot de violences : cadre universitaire oblige, le GUD s’en prend surtout aux étudiants militants de gauche et d’extrême-gauche. 

Dans le même temps, le mouvement s’interroge sur sa stratégie vis-à-vis d’un nouveau parti fondé en 1972 : le Front National. Pendant des années les Gudards hésitent, se rapprochent puis s’éloignent du parti de Jean-Marie Le Pen, se disputent (voire se battent entre eux) et scissionnent… Dans les années 80 et 90, le mariage avec le FN est enfin acté : c’est la naissance de la « GUD connexion ».

Le 11 mai 1994, des militants GUD et FNJ (Front National de la Jeunesse) tentent d’envahir le domicile du ministre de l’Intérieur Pasqua. Deux jours avant, un néonazi, poursuivi par la police, meurt en tombant d’un échafaudage. En hommage à leur camarade, mort en glissant sur une peau de banane, le GUD organise chaque 9 mai une manifestation à Paris ; l’occasion pour les néonazis venus de tout le pays de se pavaner.

Pour aller plus loin : Scandale : des néo-nazis défilent en plein Paris avec l’autorisation de la préfecture, deux proches de Marine Le Pen dans leurs rangs

Sous la direction de Frédéric Chatillon, ami de fac de Marine Le Pen, le groupe est assez dynamique et fait régulièrement campagne pour Jean-Marie Le Pen. Dans le même temps, il reçoit des financements du dictateur Syrien Bachar El-Assad. Après une scission au FN en 1998, le GUD se déchire sur qui suivre entre Le Pen et son ancien bras droit Mégret. Alors le GUD entre en sommeil… jusqu’en 2010. Une nouvelle génération, menée par Edouard Klein, prend la suite, sous l’œil circonspect de l’ancienne génération. La ligne du GUD se rapproche de celle des cathos-tradi : en 2014, les nationalistes révolutionnaires s’engagent aux côtés de la Manif pour tous.

En 2017, le GUD hiberne de nouveau et laisse la place au Bastion social, autre groupuscule néonazi violent qui a connu son heure de gloire à la fin des années 2010 avant d’être dissous en 2019. Les années 2010 ont permis de faire émerger quelques figures au GUD, comme Loïk Le Priol, ancien des forces spéciales (malgré sa fiche S), condamné pour avoir torturé son ancien patron Edouard Klein, et mis en examen pour le meurtre du rugbyman Aramburu en 2022.

Un autre personnage clé dans la renaissance du GUD est Marc de Cacqueray Valmenier, ancien de l’Action Française, issu d’une famille noble proche de l’extrême-droite, il est le nouveau leader des néonazis parisiens. Grand amateur de violences racistes et contre ses opposants, une section entière de sa page wikipédia est dédiée à ses affaires de violences.

Dès 2018, Cacqueray Valmenier fonde les Zouaves Paris, groupe néonazi qui regroupe des fachos de plusieurs tendances : identitaires, royalistes… Après plusieurs actions violentes (comme l’attaque d’un cortège du NPA en 2019), les Zouaves sont dissous en 2022 pour avoir agressé des militants SOS Racisme au meeting de Zemmour à Villepinte en décembre 2021. Les fachos parisiens ne se découragent pas pour autant, le GUD est recréé en décembre de la même année. A sa tête, on retrouve Marc de Cacqueray Valmenier.

Pour aller plus loin : Antisémite, royaliste, nationaliste : l’Action française, l’un des plus vieux groupuscules d’extrême droite

« GUD is back » : un spectre qui hante Paris

Le groupe est actif sur Paris. Si on se fie à leur canal Telegram public, ils tractent dans les facs (avec toujours les mêmes rhétoriques que dans les années 70 : expulser les « gauchistes », protéger l’Europe des « colons » d’origine étrangère, ou un « anti wokisme » (en parfaite osmose avec celui de CNews …).

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Tractage du GUD Paris à Assas en Novembre 2023

Leurs publications trahissent aussi une ligne catho-tradi, comme une présence du GUD aux « marches pour la vie » (contre l’IVG), ou à une marche en hommage à Sainte Geneviève qui aurait protégé Paris des Huns d’Attila. 

On peut aussi les voir faire vivre l’internationale fasciste, lorsque des gudards se rendent à Varsovie (Pologne), pour la marche de l’Indépendance, prisée des néonazis européens, mais en perte de vitesse depuis que les réactionnaires du PiS ont quitté le pouvoir.

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Le GUD présent à une manifestation en Pologne (15/11/2023) ; On peut voir flotter des drapeaux néonazis.

Au niveau national, les dissolutions du Bastion Social et de Génération Identitaire ont privé les groupuscules d’extrême-droite de structure nationale. Mais cela ne les empêche pas d’organiser des événements locaux : un meeting néofasciste devait avoir lieu à Lyon début mars 2024, avant d’être interdit par la préfecture. Pourtant la rencontre a bien eu lieu, et a regroupé des néonazis de Lyon Populaire, de Clermont non-conforme, des niçois d’Aquila Popularis, et du GUD Paris. Qu’attend le gouvernement pour dissoudre ces groupes ? Il est sûrement trop occupé à traquer des militants écologistes ou des travailleurs en grève.

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À Lyon, la convergence des fafs, mars 2024

Cette vitrine (qui n’en est pas vraiment une : le GUD assume ses affinités néonazies), ne montre pas les violences que les membres du GUD ont pu commettre. A l’un de leurs tractages à Nanterre en février 2023, une femme voilée est insultée, un homme est frappé. Pourtant, aucun mot de ces agressions dans la propagande des gudards, d’habitude pas les derniers à se vanter de leurs faits d’armes.

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Tractage du GUD à Nanterre 

Les petites têtes brunes

Le GUD a aussi sa branche jeunesse. La Division Martel se place vite sous la tutelle de Cacqueray-Valmenier et enchaîne les violences en Ile de France (comme avec la ratonnade du lycée Victor Hugo, dont nous avions déjà parlé), mais aussi à Saint-Brévin, où ces (très) jeunes activistes ont participé aux manifestations xénophobes en avril 2023, ou à Besançon avec les néonazis locaux des Vandal Besak le 18 mai de la même année. La division est dissoute en décembre dernier, suite à leur descente raciste à Romans-sur-Isère. Nul doute que ces lycéens bas du front ont rejoint leurs grands frères au crâne rasé au GUD. 

Bardella et le RN auraient des liens avec ces néonazis ? (spoiler : oui)

En connaissant les violences du GUD, de son idéologie néonazie, de ses victimes, qui pourrait croire que des partis respectables et dédiabolisés, comme le Rassemblement National,  sont liés au GUD ? En fait, pas mal d’éléments montrent ces liens.

Pour aller plus loin : Portrait – « Grand remplacement », « GUD Connection » : qui est Jordan Bardella, le nouveau leader du RN ?

Dès ses débuts, le GUD est utilisé par la droite traditionnelle pour faire le service d’ordre pendant les campagnes présidentielles de Pompidou (1969), Giscard d’Estaing (pour qui les gudards collent aussi des affiches en 1974) ou Raymond Barre (1988). Alain Robert, premier président du Groupe, aura après ses études une brillante carrière d’élu au RPR puis à l’UMP (les ancêtres de Les Républicains), pris sous l’aile de Charles Pasqua.

Parmi les rédacteurs de la première charte du GUD, on trouve aussi Gérard Longuet, qui a ensuite été ministre et parlementaire de droite « classique », sans que son passé néonazi ne pose problème. Mais c’est évidemment du côté du FN/RN qu’on trouve le plus de passerelles (de viaducs même) avec le GUD. Dès 1972 le Front National et Jean-Marie Le Pen devaient être la vitrine respectable d’une nébuleuse de groupuscules violents (ce que le RN et Reconquête! sont encore aujourd’hui) : Occident, Ordre Nouveau… et le GUD. 

Alors qui est surpris de voir le président du GUD de 1992 à 95, Frédéric Chatillon, devenir un des hommes de l’ombre de Marine Le Pen à partir des années 2000 ? Pas Médiapart en tout cas, qui a consacré plusieurs articles à  cette « GUD connection » : Chatillon et Axel Loustau, lui aussi gudard dans les années 90 puis élu RN proche de Marine Le Pen, deviennent des hommes d’affaires qui louent les services de leurs entreprises (de communication notamment) au parti et à ses élus.

Le clan Le Pen est gêné par ses amis au passé (et même au présent) sulfureux : être nazi, d’accord, mais avec discrétion ! Au point que le vice-président des députés RN déclare que le GUD est un « ennemi historique » du RN !

Peut-être Jean-Philippe Tanguy essaie-t-il d’appliquer le dicton « garde tes ennemis proches de toi » : quelques mois avant cette déclaration, sa patronne a confirmé que la boîte de communication de Châtillon continuerait de travailler pour le RN. Il paraît que Jordan Bardella est mal à l’aise à l’idée de retrouver son prestataire (et père de son ex-compagne !) dans des défilés néonazis. Pourtant, Médiapart a aussi révélé combien cette « GUD connection », l’« État profond » du parti, a aidé la tête de liste RN aux élections européennes à prendre le contrôle du Rassemblement National.

Entre les Nationalistes-révolutionnaires et le RN, ce sont surtout des histoires de gros sous, mais aussi des liens idéologiques. Depuis plusieurs années, pour se crédibiliser auprès des cercles d’affaires et hauts fonctionnaires, Marine Le Pen s’entoure d’intellectuels, de technocrates… Ces « Horaces » ont pour secrétaire général le député européen André Rougé, un ancien du GAJ, un ancien groupe N-R rival du GUD. Les liens entre RN et groupuscules néonazis ne sont pas que financiers : des tendances idéologiques traversent ce parti, entre Identitaires, Cathos-tradi (pour beaucoup partis chez Zemmour), et Nationalistes-Révolutionnaires.

Ces affinités ne se retrouvent pas qu’à la tête du parti. Philippe Steens, responsable départemental lepéniste dans le Cher, entre deux références au fasisme Italien, a déjà partagé l’image du “rat noir” gudard. En Savoie, le cadre local du RN, Brice Bernard, suit de très près l’activité sur les réseaux sociaux de Frédéric Châtillon. Ces références parfois peu discrètes disent l’influence “culturelle” qu’a encore le GUD à l’extrême droite, grâce à l’imaginaire qu’il incarne : la violence de rue, la radicalité, le rat noir.

Aujourd’hui, le Nationalisme-Révolutionnaire, le néofascisme, ne sont pas représentés que par le GUD, mais aussi par d’autres groupuscules locaux, héritiers du Bastion Social, comme Lyon Populaire. Depuis la fin des années 2010 et le début des années 2020, cette radicalité a perdu ses structures nationales (Bastion Social pour les N-R, Génération Identitaire pour les identitaires).

La dissolution ne suffit pas pour enrayer l’implantation locale de ces groupuscules, leur forme à juste changé pour devenir des groupes locaux, qui parfois se rendent visite. Le GUD et ses organisations affiliées (comme la Division Martel) recrutent de très jeunes (parfois des mineurs, comme lors de la ratonnade du lycée Victor Hugo à Paris) dans leurs rangs, qui seront formés à la violence de rue, raciste, et aux idéologies d’extrême droite. Certains finiront peut-être au RN, qui entretient des liens financiers et politiques avec cette mouvance, voire des liens personnels dans le cas de Jordan Bardella.

Ce dernier connaît bien l’appartenance du GUD à la galaxie néonazie française et européenne. Mais d’autres récupérations par le GUD surprendraient davantage Bardella, comme l’utilisation de références islamistes par ses membres.

Mais bon, le RN n’en serait pas à sa première ambiguïté avec les islamistes, comme l’a rappelé Manuel Bompard face à Sébastien Chenu.

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