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« On veut nous faire basculer dans un autre régime » : ce dirigeant CGT en garde-à-vue après avoir manifesté contre Macron

Le secrétaire départemental de la CGT de la Seine-Saint-Denis a été placé en garde à vue pour avoir manifesté contre la venue d’Emmanuel Macron dans son département, ce jeudi 4 avril 2024.

Découvrez son entretien réalisé par le tout nouveau format de l’Insoumission.fr et Informations ouvrières qui s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières ! Notre article.

Placé en garde à vue pour avoir manifesté contre Macron, le dirigeant syndicaliste CGT Kamel Brahmi témoigne

L’insoumission / Informations Ouvrières : Peux-tu nous raconter ce qu’il s’est passé jeudi 4 avril à Saint-Denis ?

On s’est mobilisés pour donner de la visibilité aux revendications des enseignants de Seine-Saint-Denis qui se mobilisent et luttent depuis six semaines pour exiger un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis. Dès qu’on a appris qu’Emmanuel Macron se déplaçait dans notre département pour inaugurer la fameuse piscine olympique – qui a coûté au passage 175 millions d’euros ! Pour ça, il y a de l’argent, mais pas pour nos écoles ! – On a décidé d’aller à sa rencontre pour déployer une banderole et clamer nos slogans sur les moyens pour l’école.

Aux abords du Stade de France qui est situé tout près, on s’arrête, on fait de belles photos pour les réseaux et puis on essaye de chanter assez fort pour que les slogans traversent la passerelle et aillent jusqu’aux oreilles de Macron. Les policiers nous « accompagnent » jusqu’à dispersion, on se fait nasser jusqu’au RER. À la fin du trajet, il n’y a plus que la Brav-M. J’essaie de redéployer la banderole, un policier me met la main sur l’épaule pour me signifier qu’il ne faut pas. Je marmonne dans ma barbe, et là, un policier monte dans les tours. On me demande mes papiers.

Je réponds que comme secrétaire départemental, j’ai l’habitude de discuter avec les forces de l’ordre. Mais personne n’entend, je vois un piège qui se referme. Je suis donc interpellé sur des motifs fallacieux. On me colle un outrage en inventant un prétexte bidon. Je suis mis en garde à vue 6 heures. L’info est vite relayée. Sophie Binet fait une vidéo et interpelle le préfet. Des camarades viennent devant le commissariat. Tous nos élus Nupes de Seine-Saint-Denis réagissent, twittent ou se déplacent pour me soutenir.

L’insoumission / IO : Quel est ton point de vue sur ce qui s’est passé et plus largement, cette répression répétée contre des militants et cadres CGT ?

À travers cette affaire, il ne s’agit pas de moi, mais de la CGT, du mouvement social et des libertés fondamentales qui sont visés. C’est une remise en cause des libertés fondamentales, de la liberté de manifester. Ce n’est pas normal qu’on nous envoie la Brav-M, une brigade en roule libre qui a été créée pour réprimer, arrêter, rien à voir avec le maintien de l’ordre. Alors qu’on manifestait pour défendre des revendications, défendre l’École publique ! Donc c’est un signal politique qu’on nous a envoyé. Celui qui vise à réprimer les mobilisations sociales et syndicales dans notre pays. Et c’est totalement relié au fait que Macron était là à Saint-Denis.

Dès qu’il est quelque part, il y a un dispositif policier complètement disproportionné. La répression, l’intimidation, le bâton, ce sont les dernières armes qui lui restent pour imposer ses politiques qui sont majoritairement rejetés dans le pays. Notre camarade Delescaut de la CGT a été arrêté et cagoulé à son domicile devant sa famille pour avoir donné son point de vue sur le conflit israélo-palestinien il y a quelques semaines. Un véritable dispositif anti-terroriste pour avoir écrit un tract ! C’est hallucinant. Et le procureur demande un an de sursis. On a vraiment l’impression de changer de régime, qu’on veut nous faire basculer dans autre chose.

Pour aller plus loin : À Lille, Mélenchon aux côtés des syndicalistes pour la paix en Palestine

L’insoumission / IO : Et tout cela à quelques mois des Jeux Olympiques, alors que Macron inaugurait la piscine olympique…

Il y a une volonté de faire de cette période des JO une parenthèse où il faudrait geler tous les droits des salariés et plus largement nos libertés et celles des militants syndicaux. On va accueillir le monde entier à Paris et en Seine-Saint-Denis, très bien, mais les mobilisations sociales ne vont pas s’arrêter pour autant. Si on décide de diffuser des tracts ou de faire un rassemblement pendant les JO, on doit pouvoir le faire. On doit refuser de mettre sous cloche les libertés publiques.

L’insoumission / IO : Comment vois-tu la suite ?

Me concernant, je ne lâche rien, je suis convoqué le 11 juin par le substitut du procureur. On monte le dossier, on récolte des vidéos pour bien montrer que c’est la BRAV-M qui a créé et inventé un incident. Il ne faut pas se laisser décourager par leurs tentatives d’intimidation. Dans le pays, il y a des jeunes, une véritable dynamique de lutte, des gens quand même qui se lèvent et qui construisent des choses. Je le vois avec la magnifique et historique mobilisation des parents et des enseignants de Seine-Saint-Denis. Nous devons continuer à nous battre, en nous liant tous ensemble pour imposer une alternative.