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Musk, Zuckerberg, Bolloré, Arnault… Aux États-Unis et en France, l’alliance de l’extrême droite et du grand capital menace la démocratie

Médias et extrême droite. Le lundi 20 janvier 2025 avait lieu à Washington la cérémonie d’investiture de Donald Trump comme Président des États-Unis, une nouvelle fois. À cette occasion, le milliardaire d’extrême-droite Elon Musk, propriétaire de Twitter et nouveau membre du gouvernement de Donald Trump, était invité à prononcer un discours. Totalement désinhibé, il a montré le vrai visage de l’extrême-droite en y effectuant un salut nazi, à deux reprises. Le plus grand assisté de France, Bernard Arnault, était lui aussi présent à la cérémonie.

Profondément choquante, cette séquence que les médias dominants ont passé leur semaine à minimiser est d’abord révélatrice d’un phénomène politique majeur, celui de l’alliance historique de l’extrême droite et du grand capital, et de son actualisation contemporaine dans la mainmise des milliardaires sur les médias. 

De Fox News à Twitter, de Rupert Murdoch à Elon Musk, les deux élections de Donald Trump comme président des États-Unis en sont des exemples chimiquement purs. Mais si la France n’a pas encore atteint le stade de milliardaires effectuant des saluts nazis en direct, les mêmes processus y sont à l’œuvre. De Bolloré à Pierre-Édouard Stérin, de CNEWS à Europe 1, ces dernières années ont été l’occasion d’une radicalisation de l’influence du grand capital dans les médias pour propulser l’extrême droite au pouvoir.

Aux États-Unis comme en France, l’ingérence politique des milliardaires par le biais de leurs médias est un danger pour la démocratie. Pour y faire face, des solutions existent. Notre article.

Trump et le techno-fasciste Elon Musk

« Geste polémique », « sujet à interprétation ». Voilà comment en France, en 2025, sur les plateaux des médias dominants, a été qualifié le salut nazi d’un milliardaire d’extrême droite qui se revendique comme tel.

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https://twitter.com/L_insoumission/status/1881454266587705509

Cette séquence n’a malheureusement constitué que l’apogée d’une campagne présidentielle étasunienne marquée par l’influence démesurée d’un homme, de ses milliards et de son réseau social sur l’élection la plus importante du troisième pays le plus peuplé du monde, première puissance économique planétaire.

Mise en avant systématique de contenus racistes, misogynes et climatosceptiques, disparition de la modération, promotion de contenus haineux, invisibilisation de la parole de Gauche et des voix de la paix. Telle est aujourd’hui la réalité du réseau social X, anciennement Twitter, racheté en 2022 par le milliardaire d’extrême droite Elon Musk. Or, c’est aux États-Unis que la plateforme est la plus populaire avec 106 millions d’utilisateurs en avril 2024 pour une population de 335 millions d’habitants.

Il est donc évident que Twitter a constitué un vecteur important de la nouvelle victoire de l’extrême droite américaine, et Donald Trump ne s’y est d’ailleurs pas trompé en nommant Elon Musk comme nouveau ministre de « l’efficacité gouvernementale ».

Trump : Le milliardaire et ses milliardaires

Admiré en France de la Macronie à l’extrême droite, le rôle d’Elon Musk et de Twitter dans la dernière élection présidentielle américaine a crevé les yeux. Mais il n’était pas le seul milliardaire présent à la cérémonie d’investiture de Donald Trump ce 20 janvier, et dont on peut soupçonner qu’il a joué, joue ou jouera un rôle dans l’accession au pouvoir et dans la mise en œuvre de la politique de Donald Trump.

Ainsi par exemple de Mark Zuckerberg, notamment propriétaire de Facebook et Instagram. Alors que ces derniers mois ont été l’occasion pour Zuckerberg de se rapprocher de Donald Trump – saluant son élection, faisant des dons à la fondation Trump, lui rendant visite à son domicile de Floride –, les utilisateurs de ses réseaux sociaux ont pu constater la semaine dernière que la visibilité des hashtags #Democracts et #TheLeft a été limitée ou complètement empêchée. Il y a un mois, la BBC révélait déjà que Facebook et Instagram avaient limité la visibilité des internautes et médias palestiniens au profit des médias d’information israéliens. 

Pour aller plus loin : Salut Nazi d’Elon Musk, Franceinfo qui cède face aux soutiens du génocide et bollorisation des esprits – La revue de presse de l’Insoumission

Ainsi également de Jeff Bezos, fondateur et président du Conseil d’Administration d’Amazon, également propriétaire du Washington Post depuis 2013. En fin d’année 2024, le syndicat des journalistes du journal a dénoncé son ingérence dans les décisions du comité éditorial. À peine 11 jours avant l’élection présidentielle, première depuis 1988, le directeur général du Washington Post avait annoncé au prétexte de la neutralité que le journal ne prendrait parti pour aucun des candidats, et ce alors qu’un travail était déjà en cours depuis plusieurs semaines sur une publication appelant à ne pas voter pour Donald Trump.

Pourtant, quelques heures après l’élection de Donald Trump, rompant avec sa prétendue neutralité, Jeff Bezos se fendait d’une publication Twitter toute en emphase saluant le « retour politique extraordinaire et la victoire décisive » du candidat Républicain.

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https://twitter.com/JeffBezos/status/1854184441511571765

Pour aller plus loin : Investiture de Trump – Retour sur la candidature de Kamala Harris, une Démocrate trop Républicaine

Si son propriétaire n’était pas présent à la cérémonie d’investiture de Donald Trump, le cas de Fox News doit aussi être mentionné. Détenue par le milliardaire Rupert Murdoch et sa famille, la chaîne dont s’inspire aujourd’hui CNEWS avait largement contribué à la victoire de Donald Trump en 2016, entre fake news et manipulations d’images. Si les relations entre Trump et la chaîne s’étaient dégradées ces dernières années, elles semblent de nouveau au beau fixe.

Ainsi Fox News a pu diffuser en exclusivité la première interview de Donald Trump après son investiture, et ses animateurs vedettes multiplient les déclarations de satisfaction de s’être enfin débarrassés de l’administration Biden.

Donald Trump s’est plus largement vu apporter le soutien de dizaines de milliardaires et millionnaires, géants de la tech et grands groupes industriels qui savent que le président Républicain préservera leurs intérêts.

Bolloré, Stérin, Arnault : en France aussi, l’extrême droite médiatique pousse pour son agenda

En 2016, Donald Trump s’est servi de Rupert Murdoch pour accéder au pouvoir. En 2024, il a utilisé les moyens mis à sa disposition par le techno-fasciste Elon Musk, et nul doute que les autres milliardaires du pays, de Zuckerberg à Bezos, sachant que l’extrême droite ne fera jamais que préserver leurs intérêts, s’impliquent déjà et s’impliqueront demain dans la conduite de sa politique.

En France, quoique l’extrême droite n’ait pas encore formellement pris le pouvoir et même si son programme influence depuis longtemps la politique d’Emmanuel Macron, le même phénomène d’alliance entre l’extrême droite et le grand capital par le biais des médias suit son cours, et le premier exemple est bien-sûr celui de Vincent Bolloré.

De CNEWS à Europe 1, du JDD à C8, l’empire médiatique de Bolloré assume chaque jours d’avantage son entreprise idéologique ultralibérale, raciste, misogyne, islamophobe, antisémite, climatosceptique, roulant le lundi pour Éric Zemmour, le mardi pour Marine Le Pen, quitte à accumuler les sanctions de l’ARCOM. Sur CNEWS, on copie d’ailleurs clairement le modèle de Fox News, de désinformation en désinformation pour propulser l’extrême droite au pouvoir.

Au-delà de ses médias généralistes, Bolloré agit aussi par le biais de Fayard, maison d’édition phare du groupe Hachette Livre qu’il détient depuis plus d’un an, et à la tête de laquelle il a rapidement nommé Lise Boëll, éditrice d’Éric Zemmour. C’est par l’intermédiaire de Fayard que Bolloré avait notamment conçu une vaste campagne publicitaire sur les quais des gares SNCF pour faire la promotion du livre de Jordan Bardella.

Pour aller plus loin : La machine éditoriale de Bolloré au service de Bardella

Plus récemment, l’entreprise politique du milliardaire s’est illustrée par un sondage ayant fait les gorges chaudes des plateaux de la presse bourgeoise, sondage réalisé par un institut détenu par Vincent Bolloré, commandé par le Journal du Dimanche propriété de Vincent Bolloré, largement commenté sur CNEWS propriété de Vincent Bolloré, et qui (surprise !) n’a donné que des personnalités d’extrême droite en tête des opinions favorables des Français.

En novembre, on apprenait également qu’un consortium de milliardaires auquel participe Vincent Bolloré avait racheté l’École Supérieure de Journalisme de Paris, étape supplémentaire dans la fabrique de soldats du journalisme de caste prêts à la compromission avec l’extrême droite.

Il y a quelques jours, le journal Libération révélait quant à lui qu’une société de communication liée à Vincent Bolloré, partageant ses locaux avec le JDD et Europe 1 a aidé les candidats d’Éric Ciotti, allié du Rassemblement National, pour les dernières élections législatives.

Au-delà de l’exemple Bolloré, il y a aussi le cas du milliardaire Pierre-Édouard Stérin et de son projet « Périclès ». Révélé en 2024, ce projet du PDG ultraconservateur de Smartbox vise à mettre l’extrême droite au pouvoir par le biais de 150 millions d’euros d’investissements sur 10 ans, notamment dans les médias et les réseaux sociaux. Il avait également tenté de racheter le journal Marianne en 2024, sans succès.

Il y a aussi, de manière plus discrète, le cas de Bernard Arnault. Également présent à la cérémonie d’investiture de Donald Trump, son empire médiatique qui a récemment vu l’ajout de Paris Match (racheté fin 2024 à un certain Vincent Bolloré) se distingue chaque jour davantage par des positions et la mise en avant de personnalités de plus en plus à droite, et par l’invisibilisation méthodique du génocide des Palestiniens.

L’homme le plus riche de France prend désormais pour modèle Elon Musk et vante l’action de Donald Trump, notamment la baisse de 15% des impôts des grandes entreprises annoncés par la maison blanche. Déjà, dans l’été, Bernard Arnault avait peser dans les discussions en coulisses de l’Elysée pour éviter coûte que coûte la nomination d’un Gouvernement NFP.

Pour aller plus loin : L’empire médiatique de Bernard Arnault

Face à l’alliance de l’extrême droite et du grand capital, la démocratie doit être protégée

L’alliance historique de l’extrême droite et du grand capital se décline aujourd’hui par le truchement de médias qui influent sur les élections et menacent la démocratie sur la base d’un agenda toujours plus ultralibéral, toujours plus raciste, misogyne, toujours plus violent. La logique de cette alliance est claire. L’extrême droite a besoin des moyens des milliardaires pour prendre le pouvoir, et le capital sait que jamais dans l’Histoire l’extrême droite n’a mis en danger ses intérêts, bien au contraire.

Alliance de raison, cette alliance est aussi une alliance idéologique. Capitalisme et productivisme d’un côté, racisme, mysoginie, antisémitisme et islamophobie de l’autre sont autant de projets politiques dont l’existence repose fondamentalement sur la domination, l’exploitation, la violence, la loi du plus fort.

Si le niveau d’influence des milliardaires d’extrême droite sur les résultats des élections n’a pas encore abouti de la même manière en France et aux États-Unis,  tel est bel et bien leur projet. Et le risque est clair : avec cette alliance, c’est le spectre plus grand d’une ploutocratie d’extrême droite qui menace.

Pour y faire face, la France insoumise défend depuis plusieurs années une grande loi sur la déconcentration des médias, et la commission d’enquête sur l’organisation des élections qu’elle a lancé à l’Assemblée nationale entend également faire la lumière sur l’influence des milliardaires d’extrême droite, notamment à travers leurs médias et réseaux sociaux, sur l’expression démocratique. Le groupe parlementaire de la France insoumise à l’Assemblée nationale a aussi déposé ce 20 janvier une demande de commission d’enquête sur les ingérences politiques des géants du numérique.

Les cas d’Elon Musk et de Donald Trump ont reposé la question de l’utilisation de médias et médias sociaux façonnés par, et pour l’extrême droite. Alors que des moyens d’action politique existent, notamment parlementaires, quitter individuellement un réseau social comme Twitter, tout instrument politique de l’extrême droite qu’il soit, constituerait un danger. Twitter compte 15 millions d’utilisateurs en France. Le quitter reviendrait à prendre le risque de laisser dans les bras de l’extrême droite et de ses algorithmes celles et ceux, encore nombreuses et nombreux, qui n’y ont pas sombré.

Par Eliot